Helly, Benoit: Vienne antique. Sainte-Colombe, Saint-Romain-en-Gal, Vienne, (Guides archéologiques de France), 152 p., ISBN : 9782757705360, 18 €
(Éditions du Patrimoine, Paris 2018)
 
Compte rendu par Béatrice Robert
 
Nombre de mots : 2107 mots
Publié en ligne le 2020-05-25
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3447
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          Les Guides archéologiques de la France proposés par les Editions du Patrimoine sont de précieux ouvrages sur les villes antiques qui attirent les curieux comme les initiés. Ils s’adressent tout autant à un public averti qu’à un public plus désireux de (re)découvrir son Histoire.  Le guide archéologique de Vienne antique, Sainte-Colombe – Saint Romain-en-Gal – Vienne a vu le jour en 2017 grâce à l’engagement de Benoît Helly (Ingénieur d’études au SRA de la DRAC Rhône-Alpes) qui s’est employé à regrouper les données archéologiques, historiques, géologiques nécessaires à la conception de cet ouvrage. Il s’est entouré de trois spécialistes : Jean-Paul Bravard (géographe spécialiste des fleuves Unité Environnement, Ville et Société), Gaëlle Granier (archéo-anthropologue) et Gérard Lucas (épigraphiste) qui apportent une caution scientifique supplémentaire au texte. Ce guide vient donc ici s’ajouter à ses alter ego traitant d’Arles, Autun, Glanum, Lyon, Nîmes, Paris ou autre Sanxay…, complétant ainsi notre savoir sur le patrimoine français. Fort de ses cinq parties et d’annexes, il présente un panorama détaillé de Vienne aussi bien chronologiquement que géographiquement. Tous les points forts de la ville y sont abordés : ses premières occupations, son évolution au cours du temps, sa richesse, son rayonnement ou encore son dépérissement à l’aune de l’essor du christianisme.

 

         D’emblée l’auteur met en lumière la cité de Vienne (capitale des Allobroges) par rapport à celle de Lyon (Lugdunum) et souligne l’importance de son implantation géographique. Il rappelle que dès la Protohistoire, elle se caractérise par une installation fluviale « sise au confluent du Rhône et de la Gère », plutôt protégée des crues et bénéficiant de la proximité du Massif Central riche en filons métallifères et en terrains cultivables. L’environnement géologique et géographique est donc propice à favoriser l’essor de cette cité, pour en faire un lieu stratégique pour le commerce et les échanges ainsi qu’un lieu de contrôle.

 

         L’auteur dresse ensuite une brève historiographie du site qui témoigne de l’intérêt qui lui est porté au cours du temps. Il explique que celui-ci n’est pas nouveau puisque depuis le XVIe siècle des érudits locaux recensent leurs découvertes et leurs observations des vestiges celtiques et/ou antiques et les consignent dans moult écrits. De grands noms ayant contribué à la connaissance de cette cité sont énumérés : Jean du Bois, Jean Le Lièvre au XVIe siècle ; les ouvrages de Nicolas Chorier – Recherches sur les antiquités de la ville de Vienne – et ceux de Claude Charvet qui propose une approche plus analytique avec les Fastes de la ville de Vienne et L’Histoire de la Sainte Église de Vienne aux XVIIe et XVIIIe siècles ; Pierre Schneyder et Antoine-Marie Chenevard qui réalisent une véritable première carte archéologique de la ville au XIXe siècle, Etienne Rey qui dirige le nouveau musée de la ville ou encore Thomas-Claude Delorme, conservateur du musée lapidaire. Ces personnes, et bien d’autres après elles, apportent une contribution scientifique non négligeable à l’histoire, aux connaissances et au développement de la ville. La fin du XIXe siècle assiste même aux « prémices d’une archéologie préventive » avec Joseph-Toussaint Leblanc qui réalise des sondages dans le cadre de l’agrandissement du cimetière Pipet. Avec le XXe siècle se développent les premières fouilles archéologiques ainsi que la reconstruction d’édifices antiques, dont des gradins du théâtre, grâce aux travaux de Jules Formigé, Albert Vassy, Ernest Bizot et Jospeh Cottaz. Enfin, un hommage est rendu à Gabriel Chapotat qui s’est consacré au rayonnement de la ville tout au long du XXe siècle par une importante activité de publication et par l’intensification d’opérations de fouilles permettant ainsi la sauvegarde du patrimoine viennois. L’auteur termine ce chapitre en évoquant une rivalité omniprésente entre Vienne et Lyon tout au long de l’Histoire. Celle-ci, déjà présente aux premières heures des deux cités, a longtemps pris l’aspect d’une concurrence et d’une forme d’émulation régionale pour ne pas dire d’un certain « chauvinisme ». L’auteur admet cependant que depuis la création du pôle universitaire d’archéologie situé à Lyon, les chercheurs s’impliquent désormais tout autant sur les deux villes antiques, délaissant peu à peu les animosités ambiantes.

 

         La suite de l’ouvrage rend compte de l’évolution de la cité de Vienne au cours du temps. L’auteur précise que celle-ci a toujours été indissociable des « mutations géomorphologiques du fleuve ». L’auteur s’arrête alors sur plusieurs phases d’aménagements.

 

         Tout d’abord, il s’attarde sur la présence d’installations gauloises et constate qu’une première occupation celte est observée dès le Ve siècle avant J.-C. Elle est localisée entre la vallée de la Gère et celle du ruisseau Saint-Marcel. Il ajoute qu’il faut attendre la fin du IIIe-début du IIe siècle avant J.-C. (correspondant au passage d’Hannibal) pour que le nom d’Allobroges soit attesté. L’oppidum situé sur la colline Saint-Blandine acte définitivement l’existence d’un établissement pérenne ; il est accompagné par un riche mobilier datant l’ensemble de ces phases. Cette période est aussi marquée par la présence d’une entité grecque au sein de la cité (édification d’un bouleuterion) grâce à l’établissement de ce peuple à Marseille et à des échanges commerciaux favorisés par le fleuve. Dès cette époque Vienne devient un point de contrôle inéluctable entre les peuples celtes et méditerranéens selon un axe nord/sud.

 

         Suit alors une période de romanisation entamée en 121 av. J.-C. grâce à la victoire de Cnaeus Domitius Ahenobarbus et poursuivie tout au long du Ier siècle av. J.-C. Celle-ci est achevée au moment de la Guerre des Gaules comme attestent des monnaies romaines soulignant le statut de colonie de Vienne. C’est donc à cette période qu’un premier aménagement romain émerge de la cité ; il se développe véritablement sous Auguste avec l’implantation d’un premier forum suivi d’un temple dédié à Rome et Auguste puis rapidement la ville se dote d’une véritable parure monumentale. Voies, théâtre, portes monumentales, habitats, remparts, aqueducs, thermes, fontaines, quartiers artisanaux, horrea… constituent le cœur urbain de la ville et participent à son rayonnement pendant la période augusto-tibérienne. Cette expansion est alors freinée brusquement par ce qui semble être un séisme (suivi d’un tsunami) qui touche la cité sous Caligula et provoque de nombreux dégâts architecturaux. Si nul écrit ne témoigne de cet évènement, l’auteur rappelle que certaines données archéologiques permettent de l’évoquer sérieusement. Non seulement de nombreux édifices ont fait l’objet de restaurations mais des traces d’inondation sont visibles sur certaines fondations d’autres bâtiments. Les explications de l’auteur à ce propos méritent une attention particulière.

 

         Une reconstruction ou plutôt une réorganisation de la cité s’effectuera sous le règne de Claude qui va favoriser la colonie de Vienne en mobilisant de nombreux moyens financiers pour rendre une parure monumentale à la ville. Benoît Helly précise que cela ne se fait pas toujours simplement car des quartiers d’habitations détruits laissent place à de nouveaux bâtiments publics au détriment parfois d’une population expropriée. Parmi les édifices significatifs, il cite un Augusteum, le Temple de Mars, le théâtre, le sanctuaire de Pipet, la construction de nouveaux aqueducs, des entrepôts. Il porte aussi un regard sur les réaménagements faits à Saint-Romain-en-Gal, sur la rive droite de Vienne, et plus particulièrement sur l’important complexe thermal aujourd’hui restauré.

 

         L’auteur souligne alors que la période d’apogée de la cité s’étend de la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. jusqu’au IIIe siècle ap. J.-C. où la population estimée avoisine 20 000 personnes. L‘espace urbain se dote de nouveaux monuments publics tels qu’un stade, un odéon ou un cirque témoignant ainsi de son essor mais s’agrandit également sur la rive droite avec la construction de nouveaux quartiers d’habitation. Justement, un point d’orgue est mis sur la richesse ornementale des domus (mosaïques, marbres, peintures, sculptures…) dont la provenance des matériaux renseigne tant sur la qualité du commerce et des échanges à cette époque que sur la prospérité économique de la ville. Benoît Helly termine cette partie en évoquant toute l’opulence de la cité alors devenue carrefour stratégique : une plateforme commerciale où artisanat, productions agricoles et industrie textile s’illustrent particulièrement.

 

         Cependant, comme nombre de cités romaines, Vienne n’échappe pas, à partir du IIIe siècle et ce jusqu’au Ve siècle, à un effondrement politique, économique et humain. L’auteur rappelle alors que la seconde moitié du IIIe siècle correspond à une période d’incursions des Alamans qui sera suivie d’invasions de tribus de Germains. Des troubles politiques inhérents à l’administration romaine ont également cours à la même époque. À cela s’ajoutent très certainement des épisodes d’épidémies confortés par l’observation d’« inhumations  massives dans des zones isolées». S’ensuit donc une période d’abandon de la cité et un démantèlement de nombreux bâtiments qui closent la période antique.

 

         L’auteur termine l’histoire de la cité de Vienne en mentionnant que la ville ne meurt pas pour autant au Ve siècle mais se transforme. La présence d’édifices chrétiens déjà implantés sur d’anciennes installations païennes (temples, thermes…) assure une continuité de l’occupation, certes restreinte, tout au long de cette période de troubles.

 

         Enfin, la dernière partie de l’ouvrage (avant les annexes), entièrement dédiée aux édifices viennois, se découpe en deux champs : un premier est consacré à l’évocation des monuments et sites du Haut-Empire et un second à ceux de l’Antiquité tardive. S’ouvrant avec la photographie d’une maquette de Vienne et Saint-Romain-en-Gal, l’auteur a pris ici le parti de présenter un à un les quartiers importants de la ville ainsi que les monuments qui s’y trouvent. Il apporte maints détails pour chacun des édifices tant dans le texte que dans la richesse et l’exhaustivité des illustrations (clichés, restitutions 3D, gravures, dessins, plans…). Le lecteur se trouve propulsé sur le site et peut parfaitement imaginer le fonctionnement d’une fontaine, d’un théâtre, d’un cirque ou d’un aqueduc. Le curieux peut alors se transporter d’une période à l’autre et prendre connaissance de l’évolution des édifices comme s’il se trouvait sur place au milieu de la ville.

 

         Pour guider le visiteur dans sa promenade (réelle ou imaginaire), l’ouvrage propose en annexes plusieurs outils qui lui permettent de se repérer dans l’ensemble de l’ouvrage : une chronologie certes qualifiée par l’épithète « sommaire » mais qui est très efficace pour se repérer dans le temps, une bibliographie accompagnée d’une webographie laissant le lecteur libre de poursuivre sa visite ou d’approfondir ses connaissances, un glossaire utile à la lecture, des informations pratiques pour pouvoir visiter Vienne ainsi qu’un plan général restituant vingt-deux édifices incontournables à visiter.

 

         Comme nombre de personnes les noms de Vienne et Saint-Romain-en-Gal ne me sont connus que par des textes, la consultation de revues, des discussions ou la simple curiosité personnelle pour ce qui touche à la culture. La lecture de ce Guide archéologique de Vienne n’a donc fait que conforter l’idée de la nécessité d’une escapade sur place pour en découvrir le riche patrimoine. En cela l’ouvrage est plus que convaincant et son pari est réussi ! À lire uniquement ou comme compagnon de voyage, il nous emporte dans une autre époque en un claquement de doigts. Avec le site de Vienne, la collection Éditions du Patrimoine du Centre des Monuments Nationaux confirme l’utilité de l’ouvrage, sa praticité, sa richesse textuelle et esthétique ainsi que son approche didactique. Celui-ci peut se consulter à différents niveaux selon l’intérêt du lecteur. Certains voudront d’abord s’imprégner de l’historique de la cité, d’autres se plongeront directement dans les pages dédiées aux édifices, d’autres encore auront une approche plus touristique et s’attacheront aux illustrations pour se donner l’eau à la bouche. Certes cet ouvrage ne peut prétendre s’adresser à un public scientifique qui chercherait une réponse précise à un travail monographique universitaire, mais il n’aspire pas, non plus, à cela. Il s’attache plutôt à dispenser les connaissances nécessaires pour visiter Vienne au travers d’un panorama riche et exhaustif des monuments que l’on espère observer sur place. Chaque partie de texte est parfaitement illustrée et des points thématiques sont ajoutés (par des pages de couleur) tout au long de la lecture pour satisfaire son appétence de savoirs.  Se plonger dans le Guide archéologique de Vienne est un pur moment de plaisir et d’évasion pour les yeux et la tête. Le seul regret de cette « aventure littéraire » est d’être obligée de se reporter aux premières pages pour quiconque souhaiterait avoir accès aux crédits photographiques. Mais là encore, il s’agit plus certainement d’une fantaisie personnelle car force est de constater que cet allègement permet aux illustrations d’enrichir et d’animer pleinement le texte.

 

 

SOMMAIRE

 

Le cadre naturel de Vienne, cité fluviale (6)

Une tradition archéologique vieille de cinq siècles (11)

Histoire et topographie de Vienne (31)

Monuments et sites du Haut-Empire (85)

Monuments et sites de l’Antiquité tardive (131)

Chronologie (142)

Bibliographie (144)

Glossaire (146)

Informations pratiques (150)

Principaux sites archéologiques (151)