Mérel-Brandenburg, Anne-Bénédicte (dir.): Le baptistère Saint-Jean au sein du groupe épiscopal du Puy-en-Velay, 352 p., 78 b/w ill. + 595 colour ill., 216 x 280 mm, ISBN: 978-2-503-57028-0, 85 €
(Brepols Publishers, Turnhout 2017)
 
Compte rendu par Thomas Creissen, Université François Rabelais de Tours
 
Nombre de mots : 5225 mots
Publié en ligne le 2019-10-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3512
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          Implanté sur un replat du mont Corneille, le groupe cathédral du Puy comporte plusieurs constructions enchevêtrées dans le dense tissu urbain d’un secteur qui domine la ville. C’est là, à une dizaine de mètres au nord de la cathédrale, que se dresse le baptistère Saint-Jean. Bien qu’il jouisse d’une indéniable renommée, ce dernier demeure en réalité mal connu et l’histoire de ce monument, comme celle de la christianisation des lieux et de la constitution du paysage monumental actuel restaient à écrire. C’est à ce travail que s’attelle cet ouvrage. Il est le fruit d’un ambitieux Projet Collectif de Recherche lancé en 2004 et placé sous la direction d’A.-B. Mérel-Brandenburg. L’équipe mobilisée est importante : 25 contributeurs différents sont les auteurs de l’ouvrage et, après une page de remerciements, l’impressionnante liste des 70 participants au PCR est dressée. Une courte préface des deux derniers évêques du Puy précède la présentation du projet. 

 

         Dans le prologue (p. 15-18), A.-B. Mérel-Brandenburg expose de manière concise la problématique et les méthodes adoptées. La chronologie du baptistère Saint-Jean reste débattue avec une datation oscillant entre le IXe s. et la période romane. Sa fonction même n’est pas claire, l’usage baptismal n’étant attesté par les textes qu’à partir du XIIIe s. Il s’agissait donc de préciser l’origine du monument, d’en déterminer la fonction au cours du temps mais aussi de mettre en évidence ses principales transformations. Pour cela, trois grands axes de recherche ont été retenus : 

- études préalables des sources archivistiques et iconographiques, bilan documentaire ;

- archéologie du bâti ;

- investigations archéologiques.

 

         Le premier chapitre est consacré à l’Antiquité et aux premiers temps chrétiens (p. 19-34). Le contexte géologique est présenté par S. Liégard. É. Nectoux fait ensuite le bilan des connaissances relatives à la ville romaine et tardo-antique. Si, durant l’Antiquité, le chef-lieu de cité était situé à une dizaine de kilomètres plus au nord – à Ruessium/Saint-Paulien –, le mont Corneille était déjà occupé. En témoignent d’imposants vestiges reconnus et publiés dès le XIXe s. Associés aux résultats des dernières fouilles archéologiques, ces différents éléments permettent de restituer un complexe monumental particulièrement imposant articulé autour d’une grande cour à portiques dont les murs extérieurs forment une terrasse d’environ 3000 m². Au cœur de ce vaste « temenos » se dressait un temple dont le podium a été reconnu. Il était peut-être dédié au culte impérial (portrait d’Agrippine la jeune ?). 

 

         Après avoir évoqué ce complexe cultuel, É. Nectoux s’arrête sur les nombreux remplois dont la présence, au sein de la cathédrale comme du baptistère, a depuis longtemps été remarquée. Un relevé du chevet du baptistère (fig. 13) permet de bien y mesurer la place prépondérante des remplois. Deux origines principales sont identifiées : certains proviennent d’édifices funéraires, dont au moins trois mausolées construits en grand appareil et plusieurs petits « monuments ». Aucune nécropole n’existant à proximité, ces blocs ont été transportés sur une certaine distance. L’autre ensemble provient du complexe cultuel préexistant. Ces blocs sont principalement utilisés pour le chevet de la cathédrale. Dans un encart, L. Foulquier traite de « L’apport de l’étude des remplois à l’étude de la topographie urbaine entre le IVe et VIe s. » (p. 29-31). Elle revient sur les différentes lectures que l’on peut faire du remploi, entre rationalisme économique et exaltation symbolique d’un passé mythifié, en insistant tout particulièrement sur le second aspect qui permettait aux commanditaires d’asseoir la légitimité de leur autorité : « pour affermir le présent, le passé remanié est médiatisé (...) » (p. 29). 

 

         Un second encart est consacré à un « Fragment de sacramentaire du Xe s. » (M. Gaillard). Ce manuscrit comporte la plus ancienne liste des plus anciens évêques du Puy. L’étude critique du sacramentaire démontre que celui-ci est un ensemble composite, en partie carolingien, en partie du Xe s. C’est à cette dernière époque que remonte la liste épiscopale, probablement ajoutée sur un folio préexistant. La partie suivante est une analyse historique critique du « Puy aux premiers temps chrétiens » (M. Gaillard). Il en ressort que les certitudes sont peu nombreuses. En comparant le texte du sacramentaire et un récit de Grégoire de Tours, il apparaît que le deuxième évêque mentionné sur la liste – Aurelius – pourrait correspondre à l’évêque du même nom dont Grégoire nous apprend qu’il séjournait au Puy (Anicius) en 590. Cette indigence documentaire n’empêche pas l’auteur d’écrire qu’« il [est] désormais possible d’affirmer l’existence du baptistère et sans doute de la cathédrale dès la fin du Ve s. », p. 34. Plusieurs autres églises sont associées aux premiers temps chrétiens, parmi lesquelles Saint-Pierre-le-Vieux, implantée au nord du baptistère, qui aurait pu constituer la seconde église du groupe épiscopal primitif. Nous y reviendrons.

 

         Le second chapitre est consacré à l’« Histoire du baptistère », p. 35-109. Les sources écrites relatives au Moyen Âge et à la période moderne sont présentées par M. de Framond. Les témoignages sont tardifs, le plus ancien texte mentionnant le baptistère étant attribué à 1279. Ces documents indiquent que trois institutions se partageaient le monument. Le prévôt de la cathédrale l’utilisait à partir d’une période difficile à déterminer. Sa maison, implantée hors de l’enclos canonial, est directement accolée au flanc sud-est du baptistère à partir du Moyen Âge central. Dès 1279, il est également fait mention d’un prêtre ou vicaire perpétuel desservant cette église dans laquelle il était chargé d’administrer le baptême. Enfin, un corps de 10 chanoines pauvres – les chanoines de la paupérie – utilisait le baptistère depuis le XIIIe s. au plus tard. Son origine reste obscure. 

 

         Cet édifice n’a jamais été une paroisse mais il jouait un rôle important : jusqu’à la Révolution, tous les enfants du Puy y étaient baptisés. Ce privilège est interprété comme le signe d’une grande ancienneté : il serait antérieur à l’institution des premières paroisses urbaines, sans quoi ces dernières n’auraient pas accepté de se voir dépouiller d’une telle source de revenus. Quelques spécificités de l’aménagement liturgique sont évoquées : un jubé aurait abrité les chanoines, tandis qu’une tribune aménagée au revers de la façade pourrait avoir été dévolue au prévôt. Le baptistère occupait une place non négligeable lors des processions qui rythmaient l’année liturgique. Certes, les témoignages se rapportent essentiellement à la période moderne, mais cette liturgie processionnelle était très certainement en place dès avant. Les pages suivantes sont consacrées à diverses campagnes de travaux. La voûte, partiellement effondrée en 1427, est remplacée vers 1541. En attestent deux prix-faits inédits intégralement retranscrits. En 1764, le chanoine et prévôt Sordon de Créaux finance une campagne de remodelage complet du baptistère. 

 

         La seconde partie de ce chapitre concerne les « Relevés, études et restaurations : 18e, 19e et 20e. s. » (B. Galland et É. Nectoux). Les auteurs dressent un bilan très complet et richement illustré en s’arrêtant sur l’abondante documentation iconographique, des simples relevés aux photographies anciennes. Les documents d’A. Aymard, même s’ils ne sont pas toujours d’une exactitude absolue, se distinguent par leur qualité. Les différents projets de restaurations et les documents qu’ils ont suscité sont également présentés. Un encart – anonyme – est consacré aux travaux de restaurations de 1911-1913. A.-B. Mérel-Brandenburg dresse ensuite un bilan historiographique pour la période contemporaine. Ce dernier, clair et concis, reste toutefois laconique car très peu d’études ont été consacrées à ce monument. M. Durliat identifiait trois phases pour le baptistère : un premier état préroman, surtout attesté par les parties basses, et deux états romans. P. Cubizolles, qui reprend l’idée d’un monument composite, attribue l’abside du baptistère au VIe s. Enfin, dans la monographie consacrée à la cathédrale du Puy et dirigée par X. Barral i Altet se trouve un bilan des fouilles archéologiques réalisées dans le sous-sol de cette cathédrale. Ces travaux, réalisés par S. Liégard et A. Fourvel, ont permis de découvrir d’anciens font baptismaux attribués à la période carolingienne : le baptistère leur serait postérieur. 

 

         La dernière partie de ce chapitre consiste en un examen critique très complet des sources documentaires (« L’apport de la documentation pour une connaissance des états anciens du baptistère : synthèse », B. Galland, É. Nectoux). Les auteurs s’arrêtent notamment sur un pan de mur en petit appareil situé à la base du parement externe du mur sud. Il a totalement disparu lors des travaux de restauration du XXe s. mais il est bien attesté par la documentation ancienne. Il s’agit manifestement d’un mur appartenant à l’ensemble cultuel antique, pour partie incorporé dans le baptistère. Il est alors difficile de comprendre pourquoi, dans l’ouvrage qui nous intéresse, ce mur n’est jamais dessiné sur les plans du complexe antique. Dans cette même partie sont présentés différents éléments attestant l’existence d’une galerie en bois longeant cette même façade sud dans ses parties hautes. Plusieurs éléments en bois qui s’y rattachent ont été datés du XIIIe s. Cette galerie pourrait avoir été utilisée par le prévôt : elle lie la maison de ce dernier à la tribune aménagée au revers de la façade du baptistère. 

 

         Le troisième chapitre (« Les recherches récentes, architecture et décor », p. 111-174) débute par une description complète du monument actuel (A.-B. Mérel-Brandenburg, P. Chevalier). Ce sont ensuite les résultats des fouilles réalisées en 2007 et 2008 qui sont présentés (S. Liégard et A. Fourvel). Ces fouilles ont notamment livré d’importants témoignages d’occupations pré- et protohistoriques (55 % du corpus céramique, en position résiduelle). Cette occupation – non mentionnée dans le chapitre historique introductif – avait également été observée lors des fouilles de la cathédrale. Les vestiges antiques sont ensuite présentés : après une première occupation datée du Ier s., le complexe monumental est édifié au cours du IIe s. Un imposant mur lui appartenant a été dégagé dans la nef du baptistère. 

 

         C’est directement après avoir arasé cet ensemble monumental que le baptistère est construit. Son premier état est ici attribué au « haut Moyen Âge ». Ce monument avait déjà le plan qui est toujours le sien. Quelques lambeaux de son sol d’origine, en mortier de tuileau, ont été identifiés. Au centre de la nef, une structure polygonale, mal conservée, pourrait se rattacher à cet état. Il s’agirait de l’ancien dispositif baptismal. Les datations radiocarbones ont donné des résultats incohérents et seules les formes du monument et le mobilier archéologique permettent de le dater. Ce dernier est peu abondant. La céramique se rattache à un vaste horizon que les auteurs proposent de rattacher avec prudence aux Ve-VIIe s. Plusieurs fragments de vitraux-mosaïques sont piégés dans le niveau de préparation de sol. Ils ne sont pas antérieurs au VIIIe s., ce qui « [plaide] donc en faveur d’une attribution du premier état du monument à l’époque carolingienne, ce qui rejoint les hypothèses émises à l’issue des fouilles de la cathédrale » (p. 122). Les auteurs n’excluent pas totalement le caractère intrusif de ce mobilier mais cette hypothèse leur semble peu probable. 

 

         Le second état correspond à l’aménagement d’une tribune en partie ouest et à la mise en place d’un nouveau sol en terre. Cette phase est datée par 14C du Xe s. ou du début du XIe. Les états 3 et 4, situés entre le XIe et le XIIIe s. se caractérisent par un élargissement de la tribune et un réaménagement de l’arc triomphal. Au cours la période gothique, deux gros massifs de maçonnerie se faisant face sont construits contre les murs de la nef, à hauteur du dispositif baptismal d’origine. Ils sont profondément fondés et pourraient avoir supporté les retombées d’un jubé. Les datations 14C des charbons présents dans ces maçonneries invitent à privilégier la fourchette fin XIIIe-fin XIVe. Ce dispositif entraînant un rétrécissement de la nef, il paraît difficilement compatible avec la présence du dispositif baptismal monumental : c’est peut-être à cette époque qu’il faut attribuer le démantèlement de ce dernier. À cette phase est également attribué le percement d’une niche dans le mur-gouttereau nord. Elle aurait été destinée à accueillir de nouveaux fonts baptismaux. Les dernières lignes sont consacrées aux phases modernes et contemporaines. Parmi le mobilier archéologique, plusieurs fragments d’un grand bassin en brèche sont présentés comme ayant pu appartenir au premier dispositif baptismal. 

 

         Les vestiges de cet aménagement sont présentés par P. Chevalier (p. 131). Celle-ci propose d’y reconnaître une construction octogonale au diamètre extérieur d’environ 2,50 m circonscrivant une piscine peu profonde de même plan. Les fonts baptismaux médiévaux – c’est-à-dire la cuve monolithe monumentale occupant la niche nord mentionnée plus haut – sont ensuite présentés par D. Morel. On en suit – difficilement – les transformations jusqu’à la période moderne. 

 

         La seconde partie du chapitre est consacrée à l’étude des élévations (C. Sapin, p. 135-146). Chacun des murs – extérieurs comme intérieurs – est décrit de manière très complète en s’appuyant sur d’admirables relevés pierre à pierre qui permettent de mieux comprendre l’histoire du monument et de ses transformations. 

 

         La troisième partie se rapporte au décor. Les éléments de sculpture architecturale sont analysés par A.-B. Mérel-Brandenburg et B. Galland (p. 146-156). La présentation concerne surtout les chapiteaux dont la description et la caractérisation s’appuient sur d’utiles plans de localisation. Trois centres de productions sont identifiés : des chapiteaux locaux en arkose, des chapiteaux en marbre pyrénéens et d’autres en marbre de Carrare. Contrairement à ce qu’affirmait M. Durliat, tous remontent à l’Antiquité tardive, plus probablement au Ve s. (à l’exception d’un chapiteau médiéval lié aux restaurations du XXe s.). Les auteurs paraissent sous-entendre que ces pièces pourraient être contemporaines du monument. 

 

         Dans la partie occidentale, des vestiges de stucs rehaussent l’archivolte de l’une des arcades aveugles du premier état. Le décor surmonte directement les claveaux de l’arc : aucun décor antérieur n’est mentionné. Quelques autres fragments de stucs ont été retrouvés en fouilles : le type de décor – entrelacs et frise de flots peignés – invite à dater l’ensemble du VIIIe ou du IXe s, ce que corroborent des datations 14C. Ce décor est partiellement masqué par la tribune de l’état 2. Dans les lunettes de ces mêmes arcades, les restes d’un décor peint sont visibles. Deux anges en buste tenant un globe ou un disque sont figurés. Ils paraissent recouvrir un premier décor. Ces peintures sont analysées par F. Héber-Suffrin qui établit plusieurs rapprochements avec d’autres œuvres en reconnaissant cependant que le thème est assez commun. Si P. Chevalier semble considérer que stucs et peintures sont contemporains, F. Héber-Suffrin ne se prononce pas clairement sur ce point, se contentant d’attribuer au haut Moyen Âge cet ensemble qui aurait été achevé – ou laissé inachevé – juste avant l’érection de la première tribune occidentale (Xe-XIe s.). Un second cycle de peintures, bien plus ambitieux, occupe les parties hautes de cette tribune (M. Charbonnel, p. 163-174). Sur cinq registres – 3 décoratifs, 2 figuratifs – les personnages mis à l’honneur sont sainte Foy et l’évêque Caprais, sans que l’on sache auquel des deux le cycle hagiographique est consacré. Les caractères stylistiques et épigraphiques plaident en faveur d’une datation dans la première moitié du XIVe s. 

 

         Le quatrième chapitre – « Interprétation et états successifs » – propose de synthétiser les résultats du travail de recherche sous la forme d’une présentation par états successifs (C. Sapin, p. 175-189 pour l’architecture ; P. Chevalier, p. 190-196 pour l’aménagement liturgique). Une première partie, très laconique, évoque les constructions antiques antérieures à l’aménagement du baptistère. 

 

         Dès l’origine, le baptistère avait déjà le même plan : nef unique de 15 m de long pour 9 de large environ. Il était pourvu de quatre accès : un à l’ouest, un au nord et deux au sud. L’abside semi-circulaire, enchâssée dans un chevet droit, était agrémentée de quatre niches latérales et d’une grande niche centrale abritant une large baie. À l’intérieur, l’ensemble des parois était animé par des jeux d’arcades plaquées qui se se développaient sur deux registres dans l’abside. Ce même type de plastique murale se développait sur le chevet. Exceptée l’abside, l’édifice était entièrement charpenté. À cet état, P. Chevalier associe la cuve baptismale monumentale de plan octogonal. La margelle, légèrement surélevée, aurait pu recevoir un ciborium – dont aucun élément n’a toutefois été reconnu. À l’intérieur, la piscine n’excédait pas 65 cm de diamètre pour une profondeur sensiblement équivalente. Aucun système d’adduction ou d’évacuation n’est associé à ce dispositif. Dans ce même état, l’auteur restitue un chancel isolant la zone du sanctuaire en avant de la cuve baptismale. La restitution se fonde sur la découverte d’un bourrelet transversal nord/sud identifié comme une empreinte. Il n’est cependant pas reproduit et n’est pas non plus mentionné dans la partie consacrée aux découvertes archéologiques. Un fragment de bordure d’autel en marbre, retrouvé dans le baptistère, est associé à cette phase. Il aurait occupé le sanctuaire. Des restitutions très claires permettent de se faire une bonne idée du monument. Sa datation n’est pas clairement établie : l’état 1 est d’abord attribué à une phase fin Ve-VIIe (p. 175), puis une phase 1a attribuée à la période fin Ve-VIe fait son apparition quelques pages plus loin (p. 178). Et c’est finalement le VIe s. qui est privilégié dans la partie consacrée aux installations liturgiques. Ces datations se fondent principalement sur des comparatifs. Le matériel céramique, attribué aux Ve-VIIe s. est rapidement évoqué. Quand aux tessons de verre-vitraux attribués à la période carolingienne, il est simplement relevé qu’« ils soulèvent d’autres questions de caractérisation et de datation » (p. 178). 

 

         Dans un second temps (VIIIe-IXe s., état 1b), ce monument est simplement embelli : des stucs, des peintures sont mis en place : « L’ensemble stucs et décors peints nous assurent d’une reprise complète de l’espace liturgique correspondant probablement à un changement de sa fonction » (p. 181). 

 

         Le second état est rattaché au Xe s. Il se traduit par l’aménagement de la tribune et une reprise de l’arc absidal (on relèvera une légère incohérence entre le plan qui figure des colonnes en délit à la retombée de cet arc et l’élévation sur laquelle ces colonnes sont absentes). C. Sapin comme P. Chevalier s’interrogent sur une possible disparition des fonts monumentaux au cours de cette phase où ils auraient pu être remplacés par le dispositif carolingien identifié à l’intérieur de la cathédrale. 

 

         L’état 3, subdivisé eu deux sous-phases, est rattaché aux XIe-XIIe s. La tribune est alors remaniée et un voûtement mis en place sur la nef. Un grand bassin en brèche à vocation baptismale aurait pu être installé au-dessus de l’ancienne cuve monumentale à moins qu’une petite cuve circulaire monolithe n’ait fait office de fonts. Un nouvel autel, dont la table a été retrouvée, aurait été mis en place dans l’abside. 

 

         Quelques incohérences entre le discours et les restitutions apparaissent : une galerie en bois est figurée sur le mur sud, alors que dans le texte il est précisé qu’elle appartient plutôt à l’état suivant. On relèvera également que la niche creusée dans le mur est figurée, sans être mentionnée dans le texte. Il en est de même pour le bouchage de la porte nord. Enfin, alors que de nouveaux fonts sont supposés avoir remplacé l’ancienne cuve maçonnée, il ne sont pas figurés. 

 

         L’état 4 est attribué au XIIe ou au début du XIIIe s. Il se traduit par d’importants remaniements des maçonneries, liés à la mise en place d’un voûtement et à l’aménagement de nouvelles baies. Selon le plan, la plus orientale des portes du flanc sud est alors condamnée. Sur ce même côté, à l’extérieur, la galerie en bois est maintenant bien attestée. La cuve baptismale monolithe est aménagée dans la niche nord, mais dans une configuration différente de l’actuelle. 

 

         Le 5e état est gothique (XIIIe-XVe s.). Il correspond à la mise en place d’un nouveau décor dans la tribune et à l’installation d’un jubé dans la nef. Ce dernier aurait été destiné à abriter le chœur des chanoines pauvres, matérialisé par des stalles en bois adossées au jubé. L’hypothèse est plausible mais il faudrait concevoir le jubé sous la forme d’une tribune large de près de 3m portée par un arc brisé ou surbaissé, c’est-à-dire une construction largement ouverte : un tel dispositif cadre mal avec le principe d’une clôture. Ce seraient donc les stalles qui auraient fermé la partie occidentale du chœur. On relèvera alors qu’aucun système d’ancrage de ces dernières ne semble avoir été identifié. À la période post-tridentine est attribuée la nouvelle configuration des fonts baptismaux. 

 

         Le 5e et dernier chapitre, est intitulé « Le baptistère et la cathédrale du Puy, architecture et liturgie » (C. Sapin, p. 197-203). L’auteur commence par replacer le monument dans son environnement bâti en soulignant la pluralité des pôles monumentaux et la complexité des circulations. Ce constat se vérifie tout particulièrement pour le baptistère, dont C. Sapin relève à juste titre qu’il est doté de très nombreuses portes – quatre à l’origine. L’une d’elle aurait pu fonctionner avec l’église Saint-Pierre-le-Vieux, une fois encore attribuée au premier groupe cathédral. Un plan de ce dernier, dans son état du Ve-VIe s., est proposé. La cathédrale comporte déjà trois nefs et elle est pour partie construite sur l’ancien temple. Tout au nord, hors des limites de l’ancien complexe cultuel antique, se trouve l’église Saint-Pierre-le-Vieux. Entre les deux, le baptistère Saint-Jean aurait été précédé d’un atrium dont toute une partie du tracé serait fossilisée dans le cloître médiéval. Dans cette partie, C. Sapin relève qu’une partie des murs de la cathédrale présente exactement le même type de mise en œuvre que le chevet du baptistère, et que les mortiers sont identiques (p. 201). Cette similitude avait déjà été relevé par S. Liégard et A. Fourvel dans certaines publications relatives aux fouilles de la cathédrale (Liégard Fourvel, 2002). Elle est rappelée par ces mêmes auteurs dans le présent ouvrage : « les similitudes des chevets des deux monuments (…) avaient aussi été soulignées, celles-ci permettant de penser que les deux lieux de culte avaient été bâtis lors d’une seule et même phase de restructuration du quartier cathédral » (p. 119). Différence notable toutefois : ces derniers attribuent ces travaux à la période carolingienne. Nous y reviendrons. 

 

         En guise de conclusion figure un épilogue rédigé par C. Bonnet (« Le quartier religieux du Puy-en-Velay et les groupes épiscopaux de la Gaule orientale », p. 205-207). À juste titre, l’auteur commence par établir un parallèle convaincant entre le temple antique du Puy et celui qui couronnait le Puy de Dôme. Il dresse ensuite le portrait du groupe épiscopal primitif constitué de la cathédrale, du baptistère, de l’église Saint-Pierre-le-Vieux et de certaines annexes. Plusieurs comparaisons sont établies avec d’autres célèbres exemples paléochrétiens : Aquilée, Trèves, Grenoble, Lyon et, bien entendu, Genève. La datation précoce ne fait pas de doute à ses yeux : « l’analyse des maçonneries et des vestiges préservés dans le sous-sol a apporté la preuve que la cuve était en usage au VIe s., voire à une époque plus ancienne comme l’indiquent sa forme polygonale et le sol de tuileau reposant sur un radier contemporains des élévations » (p. 206). Il écarte d’éventuelles contradictions en précisant : « Que les fragments de vitres conservées, et attribuées à ce premier état de la construction, ne puissent peut-être pas recevoir avec assurance une datation aussi haute, ne suffit pas à changer ce constat » (p. 206). Ce complexe illustre en quelque sorte la victoire de la nouvelle religion sur l’ancienne : « Durant la basse Antiquité, ce site exceptionnel a été doté d’une parure monumentale qui remplace le temple romain » (p. 207). 

 

Viennent ensuite une série d’annexes. 

         La première est un catalogue des sources iconographiques (B. Galland et É. Nectoux). Sans être exhaustif, celui-ci est très complet et très bien présenté. La seconde est dédiée au mobilier archéologique : le mobilier lithique, la céramique et le verre sont présentés par S. Liegard. L’auteur revient sur les éléments de vitraux-mosaïques liés à la construction du baptistère, encore une fois attribué au haut Moyen Âge. Dans un encart, B. Gratuze livre les résultats de l’analyse de ces vitraux : « en aucun cas ils ne semblent être antérieurs au VIIIe s. », p. 246. Les monnaies romaine (M. Amandry) médiévales et modernes (M. Bompaire) sont ensuite présentées. 

 

         La troisième annexe traite du mobilier lapidaire : remplois (É. Nectoux), décor architectonique (A.-B. Mérel-Brandenburg et B. Galland), stucs et mobilier liturgique (P. Chevalier). Les notices sont claires, accompagnées d’illustrations et la plupart du temps assorties de schémas de localisation. 

 

         Dans la quatrième annexe sont présentés les résultats des analyses. S. Büttner a effectué et analysé un très grand nombre de prélèvements de mortier, clairement localisés, qui lui ont permis d’identifier plusieurs groupes techniques. Ces derniers révèlent certaines spécificités des chantiers de construction – différents types de mortier pour certaines phases – en même temps qu’ils permettent d’assurer la contemporanéité de « portions de maçonnerie qui n’ont pas, ou plus, de lien stratigraphique évident » (p. 304). B. Palazzo-Bertholon s’arrête sur quelques fragments de stucs datés par 14C entre le VIIIe et le IXe. Des données pétrographiques relatives aux roches marbrières sont fournies par Ph. et. A. Blanc. Enfin, la dernière partie est consacrée à l’analyse des bois. Ceux attribués à la galerie extérieure du mur sud ont probablement été abattus entre 1220 et 1240 environ. Suivent une bibliographie bien fournie et la table des illustrations. L’ouvrage se clôt par un résumé en anglais. À y regarder de plus près, il s’agit en fait de la traduction d’une synthèse rédigée par A.-B. Mérel-Brandenburg, dont le texte n’est pas toujours conforme à ce qui figure dans l’ouvrage (trad. E. Courchinoux). Ainsi, évoquant les découvertes archéologiques, l’état 1 est attribué aux Ve-VIs. ce qui n’est pas la datation retenue par S. Liegard et A. Fourvel. Les fragments de vitraux sont datés VIIe-VIIIe s. et il est indiqué « Found in levels associated with the construction of the Baptistery (…), they may have been introduced during repairs and constitute a fragile argument to challenge the dating of the building » ce qui ne correspond pas à la traduction du propos d’origine mais à une interprétation de ce dernier. 

 

         On l’aura compris, si nous insistons sur ce point, c’est qu’il ne paraît pas anodin. Tous les contributeurs n’ont manifestement pas la même lecture du dossier, notamment en ce qui concerne la chronologie. La plupart penchent pour une datation précoce du baptistère, entre le Ve et le VIe s. L’hypothèse est plutôt convaincante. Même si le plan est original pour un baptistère, le parti architectural cadre bien avec cette époque et la sculpture décorative comme la présence de la cuve monumentale pourraient également plaider en ce sens. L’existence, dès l’Antiquité tardive, d’un groupe épiscopal auquel il est tentant de rattacher, outre la cathédrale, l’église Saint-Pierre-le-Vieux semble tout aussi séduisante. Néanmoins, plusieurs nuances doivent être apportées Si l’on suit cette hypothèse, il faut relever que les constructions n’ont pas toutes la même implantation. L’église Saint-Pierre-le-Vieux est localisée hors emprise du complexe cultuel antique, le baptistère et la cathédrale s’y surimposent. Autrement dit, si le premier monument a pu cohabiter avec un complexe désaffecté, les seconds n’ont pu être aménagés qu’une fois ce sanctuaire presque intégralement démantelé. Or, implanter une cathédrale au sein d’un ancien temple dès le Ve ou le VIe s. n’est pas un acte banal, d’autant plus que l’ancien complexe devait être particulièrement imposant. Si le phénomène de la transformation des temples en église est connu, il n’est pas si fréquent en Gaule et apparaît souvent assez tardivement, principalement à partir du VIIe s. Par ailleurs, une entreprise d’une telle ampleur dans un site qui, au moins jusqu’au VIe s., apparaît comme relativement secondaire au travers des rares témoignages disponibles surprend. Enfin, les rares éléments de datation absolue disponibles posent problèmes. En l’état actuel des connaissances, les vitraux rattachés à la première phase de construction ne semblent pas antérieurs au VIIIe s. Certes, il n’est pas possible d’exclure le caractère intrusif de ce matériel. Il n’empêche que ce matériel existe et qu’il pose problème, ce qui ne semble pas assez clairement mis en exergue. En outre, les stucs, qui paraissent ne se surimposer à aucun décor antérieur, sont clairement datés du VIIIe-IXe s., aussi bien selon des critères stylistiques que par des datations absolues. Surtout, il paraît clairement établi que le chevet de la cathédrale et celui du baptistère sont contemporains, plusieurs contributeurs le relèvent. Or, les fouilles réalisées à l’intérieur de la cathédrale, comme des datations 14C, semblent avoir démontré que ce chevet est « tardif », carolingien ou post-carolingien. Il serait en tout cas postérieur au dispositif baptismal découvert dans le sous-sol de la cathédrale. Par conséquent, le baptistère Saint-Jean serait donc postérieur à ce dispositif. Pourquoi, là encore, cette apparente contradiction n’est elle pas clairement pointée ? Qu’est-ce qui pourrait l’expliquer ? Dans le cas d’une antériorité du baptistère sur l’aménagement identifié dans la cathédrale, il faudrait concevoir qu’à l’époque carolingienne, deux dispositifs baptismaux monumentaux ont existé dans un périmètre restreint (le comblement de la cuve de Saint-Jean contenant quelques fragments des stucs carolingiens, sa destruction est nécessairement postérieure à cette époque). Qu’est-ce qui pourrait justifier cette coexistence ? Autre point : l’exclusivité baptismale réservé à Saint-Jean pour les habitants du Puy, toutes paroisses confondues, est considérée comme le gage d’une grande ancienneté. Pour autant, un tel privilège se retrouve-t-il vraiment dans les autres groupes épiscopaux qui ont conservé leur baptistère paléochrétien jusqu’à une date avancée ? 

 

         En définitive, si d’incontestables arguments existent en faveur d’une datation haute, ils sont contrebalancés par d’autres éléments qui semblent interdire d’exclure totalement une datation plus récente. 

 

         Parmi les autres points un peu obscurs, on relèvera aussi le cas de la galerie extérieure méridionale : alors que les datations dendrochronologiques pointent résolument vers le second quart ou le milieu du XIIIe s., cet aménagement est parfois attribué au XIIe s. ou au début du XIIIe dans le corps du texte ou sur les restitutions : une nouvelle fois, il n’aurait pas été inutile d’expliquer dans le texte cette apparente contradiction.

 

         En résumé, il semble qu’une véritable synthèse pointant les acquis – considérables – et les questions qui restent à éclaircir aurait pu être utile. Ces interrogations font en partie la force de cet ouvrage, qui démontre tout l’intérêt qu’il y a encore à se pencher sur l’histoire complexe de la genèse d’un paysage monumental chrétien au sommet du mont Corneille. 

 

 

Sommaire

 

Préface, p. 13, Mgr Luc Crépy et Henri Brincard (†)

 

Prologue, p. 15-18, A.-B. Mérel-Brandenburg

 

Chapitre 1 : L’Antiquité et les premiers temps chrétiens, p. 19-34, S. Liegard, É. Nectoux, L. Foulquier et M. Gaillard.

 

Chapitre 2 : L’histoire du baptistère, p. 35-109, M. de Framond, B. Galland, É. Nectoux et A.-B. Mérel-Brandenburg.

 

Chapitre 3 : Les recherches récentes, architecture et décor, p. 111-174, A.-B. Mérel-Brandenburg, P. Chevalier, S. Liegard, D. Morel, Ch. Sapin, F. Héber-Suffrin et M. Charbonnel.

 

Chapitre 4 : Interprétation et états successifs, p. 175-196, Ch. Sapin et P. Chevalier.

 

Chapitre 5 : Le baptistère et la cathédrale du Puy, architecture et liturgie, p. 197-203, Ch. Sapin.

 

Épilogue : Le quartier religieux du Puy-en-Velay et les groupes épiscopaux de la Gaule orientale, p. 205-207, Ch. Bonnet.

 

Annexe 1. Catalogue des sources iconographiques, p. 209-236, B. Galland et É. Nectoux.

 

Annexe 2. Catalogue du matériel archéologique, p. 237-250, S. Liegard, B. Gratuze, M. Amandry et M. Bompaire.

 

Annexe 3. Catalogue du lapidaire, p. 251-291, É. Nectoux, A.-B. Mérel-Brandenburg, B. Galland et P. Chevalier.

 

Annexe 4. Études des matériaux, p. 292-313, S. Büttner, B. Palazzo-Bertholon, Ph. et A. Bland et F. Blondel.

 

Bibliographie, p. 315-323.

 

Table des illustrations, p. 325-340.

 

English abstract, p. 341-351, A.-B. Mérel-Brandenburg, trad. E. Courchinoux.