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Compte rendu par Maria Noussis, Université Libre de Bruxelles Nombre de mots : 1344 mots Publié en ligne le 2019-03-05 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3534 Lien pour commander ce livre
La publication d'un Corpus des Mosaïques d'Albanie s'inscrit dans le projet de publication des mosaïques des Balkans, et résulte de la volonté de Marie-Patricia Raynaud, archéologue spécialiste du sujet, et d'Argon Islami, restaurateur, de publier l'ensemble de la documentation relative aux mosaïques du pays site par site, après une étude de terrain systématique visant autant à l'étude qu'à la conservation et la restauration des pavements. Le site de Butrint s'avère un cas idéal pour le premier volume de ce travail de longue haleine, mené conjointement par l'IMK (Instituti i Monumenteve të Kulturës), le CNRS et l'Université de Paris-Sorbonne, et marquant l'aboutissement de cinq années de recherches. Connu pour sa fondation légendaire mais aussi pour son développement en tant que colonie après la bataille d'Actium et surtout pour son essor lorsqu'elle devient un des sièges épiscopaux de la province d'Épire ancienne, la ville de Bouthrôton a l'avantage de posséder un panel de mosaïques de qualité couvrant une large période allant de l'époque hellénistique au Moyen Âge.
La majeure partie de l'ouvrage est constituée d'un catalogue (p. 21-166) où les mosaïques sont classées par période. Pour chacune sont précisés son emplacement, ses dimensions, les matériaux utilisés et les couleurs, la densité des tesselles et le type de support ; s'ensuit une description détaillée qui se fonde sur un schéma descriptif partant de l'extérieur vers l'intérieur des panneaux. Ce travail systématique apporte un éclairage nouveau sur les pavements les plus connus de Butrint, mais également sur des pièces demeurées jusqu'ici dans l'ombre, ainsi de la redécouverte d'un panneau inédit, conservé à Tirana, qui représente une partie du corps d'un serpent et a pu être réexaminé et reconnu comme étant l'élément central du pavement du temple d'Asclépios, bâtiment emblématique de la ville ; la pièce avait été perdue après sa découverte (p. 25-32). Sur la base des archives photographiques de l'IMK, des portions de mosaïque conservées à la Direction Générale de la Culture Nationale de Dürres ont, elles, été identifiées comme étant celles retrouvées à proximité de la Porta Skea (p. 101-105) et mentionnées dans un rapport de 1978 ; un sondage réalisé à l'endroit en question a mis au jour un couloir pavé de mosaïques qui menait à une tombe. Les célèbres mosaïques de l'édifice Triconque (p. 64-101) ont quant à elles été ré-analysées, tout comme celles du Baptistère (p. 106-144) et de la Grande Basilique (p. 145-148). D'autre part, l'analyse du pavement d'un espace situé dans le Columbarium, au nord du site, a permis aux chercheurs d'avancer l'hypothèse de l'existence d'une chapelle à cet endroit (p. 161-166).
La deuxième partie de l'ouvrage offre huit contributions présentant les résultats des recherches menées sur certains pavements en particulier.
Ainsi, E. Neri présente les résultats des analyses SEM/EDS effectuées sur les tesselles en verre (p. 201-212), et des observations réalisées au microscope Dino-lite 500 sur les mosaïques du nymphée (p. 241-245) ; elles ont révélé le recouvrement de ces dernières par une couche de peinture, puis par un enduit, probablement au moment de la transformation de l'édifice en lieu de culte chrétien.
M.-P. Raynaud se penche sur l'épineuse question des ateliers d'artistes. Cinq ateliers ont été identifiés comme ayant travaillé à Butrint. La comparaison avec les mosaïques des basiliques A et E de Nicopolis confirme en outre l'hypothèse d'un atelier (celui portant le n° 3 dans l'analyse de M.-P. Raynaud) œuvrant dans la capitale mais ayant été embauché pour orner les édifices religieux de Butrint également. Le panneau du serpent provenant du temple d'Asclépios a, lui, été étudié dans le cadre de l'iconographie liée au dieu guérisseur et semble, en outre, être un témoin exceptionnel, tant du point de vue iconographique que stylistique, de la production de mosaïques à l'époque hellénistique (M.-P. Raynaud, p. 201-216). Quant aux mosaïques du Baptistère, en raison de l'attention portée au décor et de la taille de l'édifice, elles témoignent, selon A.-O. Poilpré, d'une forme d'archaïsme dans une période où la norme est le pédobaptisme et l'installation de baptistères de dimensions plus modestes au sein même des basiliques, dans des pièces annexes.
On saluera par ailleurs la présence d'un résumé de l'ouvrage en albanais (p. 257-271), qui précède les annexes comportant une bibliographie fournie.
L'ouvrage se distingue par la qualité des illustrations, en couleur et proposant à la fois des plans, des relevés et des photos d'ensemble ainsi que de détails qui faisaient jusqu'à présent défaut dans les publications relatives au site archéologique. On appréciera également des tableaux comparatifs de certains motifs qui mettent en exergue la richesse du répertoire décoratif et soutiennent de manière probante l'identification d'atelier et la parenté existant avec d'autres sites ayant fourni des pavements analogues, tels que Saranda ou Byllis. Toutefois, puisque les comparaisons jouent un rôle fondamental dans la compréhension des ateliers de mosaïstes, des illustrations plus abondantes de certains sites, tels que Vrina (Greenslade S., "The Vrina Plain settlement between the 1st- 13th centuries", in Hansen I.L., Hodges R., Leppard S eds., Butrint 4. The archaeology and histories of an Ionian town, Oxford, 2013), Nicopolis (Kefallonitou F., Η βασιλική του επισκόπου Δουμετίου, Athènes, 2008) ou Palaiopolis de Corfou (Pelekanidis S., Σύνταγμα των παλαιοχριστιανικών ψηφιδωτών δαπέδων της Ελλάδος. Ι. Νησιωτική Ελλάς, Thessalonique, 1974, p. 107-108, pl. 76), auraient été les bienvenues ; les analyses exhaustives de certains de ces pavements, particulièrement ceux des sites côtiers de Vrina et Diaporit, seront toutefois au centre du deuxième volume du corpus dans lequel l'on peut espérer davantage de vis-à-vis photographiques.
Il aurait été également intéressant d'élargir la comparaison à d'autres édifices de la province d'Épire ancienne, tels que la basilique de Doliana (Karamperidi A., "Τα ψηφιδωτά δάπεδα της Βασιλικής των Δολιανών και η σχέση τους με τα ψηφιδωτά σύνολα των παλαιοχριστιανικών βασιλικών της Νικόπολης", in K. Zachos ed., Nikopolis 2, Πρακτικά του δευτέρου συμποσίου για τη Νικόπολη [11-15 Septembre 2002], Preveza, 2007, p. 667- 678) ou la basilique "E" de Drymos (Chouliaras I., "Αποκάλυψη ψηφιδωτού δαπέδου σε ανασκαφή παλαιοχριστιανικής βασιλικής στον Δρυμό Βόνιτσας", in Το Αρχαιολογικό Έργο της Εφορείας Βυζαντινών Αρχαιοτήτων στην Αιτωλοακαρνανία και την Λευκάδα, 2014, p. 197-212).
L'ouvrage est indéniablement d'un grand intérêt pour la connaissance des mosaïques et plus largement du site de Butrint ; les analyses stylistiques, techniques et archéométriques permettent d'obtenir une vue globale de ces mosaïques, qui sont parmi les plus remarquables de la région. Enfin, ces recherches permettent de replacer cette ville d'Épire ancienne dans le contexte plus large de la région des Balkans à laquelle est dédié ce corpus, dont les prochains volumes sont d'ores et déjà attendus avec impatience.
Table of contents
Foreword p. 9
Acknowledgements.p. 11
Introduction p. 12
Catalogue of the pavements Hellenistic Period Temple of Asclepios p. 24 Roman Period Baths under the Great Basilica p. 35 Baths near the Theatre p. 41 Baths near the Vivari Channel p. 46 The Gymnasium p. 52 The Triconch Complex p. 64 Mosaic near the Skea Gate p. 102 Protobyzantine period The Baptistery Complex p. 106 Basilica of the Acropolis p. 149 Church of the Columbarium p. 161
Some reflections on aspects of the pavements of Butrint
Conclusion p. 253
Abstract in Albanian p. 257 Annexes p. 276
N.B. : Maria Noussis prépare actuellement une thèse de doctorat intitulée "Monuments religieux et mobilier liturgique en contexte : le cas de la province romaine d’Epire ancienne entre l’Antiquité et le début de l’époque byzantine", sous la direction de Mme Catherine Vanderheyde (Université Libre de Bruxelles).
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |
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