Joly, Martine (dir.) - Tassinari, Suzanne: La Vaisselle romaine, (Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 38), 240 p., 21 × 27 cm, ill., ISBN 978-2-7355-0861-7, 45 €
(Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris 2018)
 
Compte rendu par Nairusz Haidar Vela, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
 
Nombre de mots : 2370 mots
Publié en ligne le 2020-02-21
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3653
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          L’ouvrage La vaisselle romaine, publié par Gilles Sauron, Martine Joly et Suzanne Tassinari, constitue le trente-huitième volume de la collection Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, publié en 2018. De format A4, l’ouvrage compte 240 pages et offre de nombreuses illustrations, photographies et dessins archéologiques, en noir et blanc, sur papier glacé. Il s’agit du dernier Bulletin archéologique du CTHS publié sur papier.

 

         Suivant la préface rédigée par G. Sauron, l’ouvrage s’organise en deux volets. Le premier constitue un important dossier rédigé par S. Tassinari, spécialiste de la vaisselle en bronze pompéienne et herculanaise : il s’agit du catalogue de la vaisselle en bronze conservée au musée du Louvre qui appartient à la production campanienne ou qui lui est apparentée. Le second, regroupant une série de textes rédigés par M. Joly et ses collaborateurs, est consacré à la vaisselle en céramique de la tribu gauloise devenue cité romaine de Lingons.

 

         Le premier dossier est intitulé « Au musée du Louvre, des vases en bronze romains en quête d’origine » ; aucun de ces vases n’est inédit puisqu’ils figurent tous dans le catalogue de A. De Ridder et certains ont même fait l’objet d’une publication en 2008. Si certains vases ont une provenance campanienne attestée – huit vases donnés par le roi de Naples Ferdinand IV au Premier Consul en 1802, deux vases offerts par François Ier en 1825 ainsi que le don Edmond de Rothschild en 1895 – l’origine de la majorité d’entre eux reste inconnue. Comme ils sont dotés d’origines imprécises, l’auteur tente de les identifier à partir de critères morphologiques et iconographiques et s’interroge sur l’éventualité d’une provenance commune. Le corpus se compose de vases provenant de « Campanie », terme utilisé pour désigner Pompéi et Herculanum, mais également de sites extérieurs tels que des vases découverts à Neuvy-Pailloux, en Basse-Égypte ou encore en Syrie en raison du lien perçu par l’auteur avec ceux de Campanie. Les vases choisis, au nombre de 56, sont présentés par catégories et types, en fonction de leur usage présumé ou assuré, dans divers lieux de l’espace domestique.  Ainsi, sont présentés tour à tour les bassins, amphores, pots à embouchure ronde et anse unique, cruches à bec et cruches à embouchure trilobée, les patères, askoi et vases paniers, les situles, casseroles, les vases utilisés dans l’espace culinaire et les vases liés à la toilette. Chaque catégorie débute par une présentation de la forme fournissant des informations morphologiques et chronologiques. Elle est suivie par les notices des différents objets ; sur chacune d’entre elles figure le numéro d’objet du catalogue, le type d’objet, la provenance, les dimensions, le numéro d’entrée, le numéro usuel pour les bronzes du musée du Louvre, le mode et la date d’acquisition, les renvois aux figures correspondantes ainsi que des références bibliographiques. Chaque objet est présenté à travers un texte de longueur variable, incluant une description précise ainsi que des comparaisons et des hypothèses d’utilisation. Les photographies, en noir et blanc, sont de grande qualité et comprennent aussi bien des vues générales de l’objet que des prises de vue de détail, notamment pour les éléments de décor. Plusieurs d’entre elles sont détourées, ce qui permet une meilleure lisibilité puisque l’objet se détache du fond blanc. Nous pouvons toutefois déplorer l’absence d’échelle sur les photographies, qui permettrait une meilleure visualisation du format car tous les objets ne sont pas à la même échelle, bien que les dimensions soient précisément indiquées dans les notices. Un article, intitulé « Intérêt, pertinence et limites de comparaisons » suit le catalogue. Il s’articule en trois parties ; dans la première « ateliers : l’état de la question », l’auteur étaie l’hypothèse selon laquelle les officines métalliques étaient de petite taille, vraisemblablement nombreuses et regroupées dans un même quartier, ce que traduirait l’impression d’unité se dégageant des vases étudiés, et s’attarde sur le fonctionnement des ateliers. L’uniformité morphologique appréciable dans les différents types de vases est également observable au sein des décors. Contrairement aux vases en argent fréquemment ornés sur la panse, les vases en bronze ne sont décorés que sur les anses : celles-ci étaient modelées en cire puis coulées. La deuxième partie de l’article, « formes et décor », décrit les différents thèmes illustrés sur ces anses, la fréquence avec laquelle ils se rencontrent ainsi que leur diffusion. Enfin, la dernière partie, « commercialisation », pose la question de la commercialisation de ces vases. Une bibliographie très complète et récente clôture ce premier dossier. Dans l’ensemble, nous ne pouvons que souligner l’excellente maîtrise du sujet par l’auteur, qui fait de ce dossier un outil précieux pour l’étude des vases en bronze romains campaniens ou apparentés.

 

         Le second volet de l’ouvrage, intitulé « Les céramiques gauloises et gallo-romaines chez les Lingons (IIe av. J.-C.-IIIe siècle apr. J.-C.) : du producteur au consommateur » expose les résultats de recherches archéologiques menées dans la cité des Lingons, à travers une série de douze textes, répartis en trois thèmes : la céramique préromaine chez les Lingons, la production de céramiques chez les Lingons et la consommation de céramiques chez les Lingons. La cité des Lingons correspond à un vaste territoire, couvrant l’actuelle Haute-Marne, le nord de la Côte d’Or (au sud), l’est de l’Yonne (à l’ouest) et le sud-est de l’Aube (au nord). La capitale, dénommée Andemantunum, a été identifiée avec l’actuelle ville de Langres. Le dossier publié présente un corpus de céramiques découvertes à Andemantunum et en plusieurs points de la cité lingonne. La première partie est consacrée aux céramiques gauloises provenant de deux sites lingons importants, l’un à Langres et l’autre à Mirebeau-sur-Bèze. La deuxième partie concerne les deux seuls sites de production attestés chez les Lingons, le premier à Langres et le second à Bourbonne-les-Bains. Enfin, la troisième partie regroupe des articles présentant des céramiques trouvées en contexte de consommation, réparties sur la cité lingonne ; ils incluent des lots inédits ou méconnus provenant de Langres, un lot mis au jour à Bourbonne-les-Bains ainsi que des céramiques issues de la villa de Voisines, des assemblages de l’agglomération de Dijon, ainsi qu’un vaisselier provenant des fouilles menées sur la place de la Libération à Troyes. Les textes sont courts, en moyenne trois pages accompagnées de quelques planches, car il s’agit de la publication des posters accompagnant les céramiques exposées au musée de Langres dans le cadre du congrès annuel de la Société française d’étude de la céramique antique en Gaule tenu à Langres en 2007 et depuis lors restés inédits. Dans le premier article, intitulé « La céramique gauloise des fouilles du Marché couvert à Langres », P. Barral publie le mobilier issu des fouilles de sauvetage menées entre 1985 et 1988 sur une surface d’environ 1200 mètres carrés. Le matériel, qui présente l’avantage d’avoir un contexte fiable, a permis de mettre en évidence une occupation gauloise importante remontant à La Tène D1 à Langres, rejoignant ainsi Besançon et le Mont Beuvray, capitales de cités qui présentent cette même caractéristique. Dans le deuxième article, S. Mouton-Venault publie quelques traits dominants de l’évolution du répertoire céramique du Sud du territoire lingon, à partir du mobilier de Mirebeau-sur-Bèze – La Fenotte, de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.‑C. Le mobilier du site de la Fenotte a livré une séquence chronologique a priori ininterrompue, à une période charnière, la transition entre La Tène finale, la période augustéenne et le Haut-Empire, permettant de suivre l’évolution de la culture matérielle. La production de céramiques à Langres peut être documentée grâce à l’atelier du faubourg Saint-Didier. M. Joly et A. Vaillant se sont ainsi attachés à publier les structures, le mobilier recueilli, provenant de plusieurs collections, ainsi que l’étude des céramiques trouvées à En Queumey. Bien que les données relatives au contexte de découverte soient anciennes, puisqu’elles remontent au XIXe siècle, l’apport de cette étude est indéniable car elles permettent de documenter une officine de poterie, fait rare à Langres. L’article suivant a également trait à la production de vaisselle en céramique, cette fois-ci à Bourbonne-les-Bains, à travers la publication de la céramique de l’atelier de potier de la place de Verdun, datant du IIIe siècle apr. J.-C., par L. Alonso. Il s’agit du seul four de potier attesté à Bourbonne-les-Bains ; les rebuts de cuisson qui lui sont associés ont permis de proposer une étude, notamment pétrographique, ce qui a permis d’identifier quatre groupes de pâtes. Enfin, la partie concernant la consommation de céramiques chez les Lingons est la plus longue puisqu’elle regroupe huit articles. Dans le premier article, L. Alonso publie un assemblage de céramiques du Ier siècle découvert à Langres. Cet ensemble, issu d’un puits, constitue un assemblage clos, ce qui lui confère un intérêt indéniable. Il en est de même pour « Les ensembles de céramiques des puits votifs trouvés à Dijon », publié par M. Joly, C. Bioul-Pelletier, L. Pelletier et C. Vernou. D’autres assemblages datant du Ier siècle ont également fait l’objet d’études, notamment « Deux ensembles céramiques du Ier siècle trouvés à Bourbonne-les-Bains » étudiés par L. Alonso ou encore un « Faciès céramiques du Ier siècle dans un relais routier situé aux portes de Langres » publié par M. Joly et C. Mauduit. Le corpus issu de ce dernier édifice, ayant fonctionné du début du Ier siècle au IVe siècle, provient d’une fosse, de deux puits ainsi que d’un abreuvoir. Le long des voies permettant d’accéder à la ville de Langres, quatre nécropoles antiques ont été découvertes au XIXe siècle. Le mobilier publié provient de cinq fosses et date, pour quatre d’entre elles, du deuxième quart du Ier siècle et du début du IIe siècle pour la dernière. Enfin, deux articles sont dédiés à une catégorie précise de céramiques : l’un d’entre eux présente « Un stock de lampes trouvé à Langres », publié par C. Delplace, et l’autre une marmite du pays lingon, publié par C. Vernou. Enfin, le dernier article concerne « La céramique gallo-romaine du site de Bercey à Voisines ». La céramique, étudiée par L. Trin, provient à la fois d’un sondage effectué sur le site en 1962, ainsi que de ramassages réalisés lors de prospections pédestres dans le vallon de Bercey entre 1980 et 1990. Le dossier se termine par une bibliographie de quatre pages, puisque les articles ne présentent pas de bibliographie individuelle.

 

         Rédigé par des spécialistes, ce Bulletin archéologique du CTHS possède une grande valeur scientifique et permet de renouveler nos connaissances sur la vaisselle romaine. Le fait de présenter à la fois des objets en bronze et d’autres en céramique n’est pas dénué d’intérêt ; cela permet d’avoir une vision de l’ensemble du vaisselier à l’époque romaine, bien que les horizons géographiques soient distincts. Si les vases en bronze avaient été en partie publiés, ce dossier a permis à l’auteur de faire une belle synthèse de l’ensemble et fournit au lecteur une étude actualisée. En ce qui concerne le volet sur la céramique, il demeurait primordial de publier les posters du congrès de Langres, pour que les céramologues travaillant sur cette période puissent enfin bénéficier des résultats de ces fouilles, souvent anciennes, restées inédites. Ainsi, ces nombreuses études céramologiques ont permis de combler des lacunes, en offrant des comparaisons et nouvelles interprétations, à la lueur d’études récentes.

 

 

Sommaire 

 

Préface 9

Gilles Sauron

 

Au musée du Louvre, des vases en bronze romains en quête d’origine  11

Suzanne Tassinari

 

Catalogue  15

            Bassins   15

            Amphores   23

            Pots à embouchure ronde et anse unique 34

            Cruches à bec et cruches à embouchure trilobée   43

            Patères  54

            Askoi et vases paniers   58

Situles   64

Casseroles   64

Vases utilisés dans l’espace culinaire   69

Vases de toilette   76

 

Intérêts, pertinence et limites des comparaisons   82

            Ateliers : l’état de la question   82

            Formes et décors   84

            Commercialisation   88

 

Bibliographie   89

 

Les céramiques gauloises et gallo-romaines chez les Lingons

(IIe siècle av. J.-C.-IIIe siècle apr. J.-C.) : du producteur au consommateur   99

Sous la direction de Martine Joly

 

Introduction   101

Martine Joly

 

La céramique préromaine chez les Lingons

 

          La céramique gauloise des fouilles du Marché couvert à Langres   103

            Philippe Barral

 

Quelques traits dominants de l’évolution du répertoire céramique du Sud du territoire lingon : le mobilier de Mirebeau-sur-Bèze ­— La Fenotte (deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C.)   111

Sylvie Mouton-Venault

 

La production de céramiques chez les Lingons

 

            La production de vaisselle en céramique à Langres   117

            Martine Joly, Arnaud Vaillant

            La production de vaisselle en céramique à Bourbonne-les-Bains :

  La céramique de l’atelier de potier de la place de Verdun (IIIe siècle apr. J.-C.)   125

Lucille Alonso

 

La consommation de céramiques chez les Lingons

 

            Un ensemble de céramiques du Ier siècle découvert à Langres   131

            Lucille Alonso

 

            Les céramiques des nécropoles de Langres   137

            Martine Joly

 

            Un stock de lampes trouvé à Langres (fouilles de la place Bel-Air)   143

            Christiane Delplace

 

          Faciès céramiques du Ier siècle dans un relais routier situé aux portes de Langres   155

            Martine Joly, Céline de Mauduit

 

            Deux ensembles céramiques du Ier siècle trouvés à Bourbonne-les-Bains   167

            Lucille Alonso

 

            De Langres à Dijon : à propos d’une marmite du pays lingon   173

            Christian Vernou

 

            Les ensembles de céramiques des puits votifs trouvés à Dijon

            (fouilles du quartier Sainte-Anne)    177

            Martine Joly, Cécile Bioul-Pelletier, Laurent Pelletier, Christian Vernou

 

            La céramique gallo-romaine du site de Bercey à Voisines   187

            Lola Trin

 

Bibliographie   193

 

Varia   197

 

            La stèle au soldat d’Ighil Oumsed (Maurétanie Césarienne)    197

            Yann Le Bohec

 

            In memoriam

            Claude Lepelley (1934-2015)    205

            Yann Le Bohec

 

 

Résumés des communications présentées lors des séances tenues

par la section Histoire et archéologie des civilisations antiques

du Comité des travaux historiques et scientifiques   215

 

            Un siècle d’archéologie française à Thasos   215

            Arthur Muller

 

            Langues et communication à Chypre   217

Antoine Hermary

 

L’usage de la notion de périurbain dans l’urbanisme de la Grèce antique   218

Roland Étienne

 

Les vies successives d’un artefact inscrit   220

Mireille Corbier

 

Quatre sites antiques de Kabylie   221

Jean-Pierre Laporte

 

Inscriptions syriaques de Syrie   223

Françoise Briquel Chatonnet

 

Stèles libyques et libyco-romaines de Kabylie (wilaya de Bejaia, Algérie)   225

Jean-Pierre Laporte

 

Le jumeau meurtrier de son frère   226

Dominique Briquel

 

La redécouverte de la Carie antique, d’Ibn Baṭṭūṭa à Louis Robert   228

Fabrice Delrieux

 

À propos d’ID 50   231

Roland Étienne

 

D’Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt (1762-1817) à Bellérophon :

L’exhibition du sexe féminin comme moyen de repousser l’ennemi   233

Dominique Briquel

 

Le capitole de Tipasa (Mauritanie Césarienne)   235

Roger Hanoune