Hanotte, Alice : LUX. Luminaires en terre cuite de Bavay, 278 p., ill. en coul., ISBN : 978-2-35518-084-2, 25 €
(Mergoil, Dremil-Lafage 2018)
 
Compte rendu par Jean-Louis Podvin, Université du Littoral Côte d’Opale (Boulogne-sur-Mer)
 
Nombre de mots : 1803 mots
Publié en ligne le 2020-02-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3666
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         Après un mot du Président du Conseil départemental du Nord, Alice Hanotte (désormais AH), céramologue à l’INRAP Hauts-de-France, rappelle dans l’avant-propos le besoin que les hommes ont ressenti de se doter de luminaire dès la Préhistoire. L’introduction souligne l’importance des lampes en terre cuite et Bavay constitue l’endroit où le plus grand nombre d’artéfacts de ce type a été trouvé dans les départements du Nord de la France, devant Boulogne-sur-Mer. Sans doute cela est-il à relativiser car les fouilles à Boulogne sont plus complexes, tant le tissu urbain est dense dans une commune de plus de 40 000 habitants, que dans un bourg de 3 500 âmes. Un bref historique des recherches sur l’éclairage antique est réalisé (il faudrait y ajouter le 5e Congrès international sur le luminaire antique de Sibiu en 2015 et la publication de C. Bémont et H. Chew sur les lampes du Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye). AH a tendance à minorer l’importance de l’iconographie sur les lampes, peut-être parce qu’elle est peu présente dans son corpus bavaisien.

 

         AH se montre plus à l’aise dans les définitions qui permettent une présentation des lampes. Les combustibles sont abordés, que ce soit les différentes variétés d’huiles ou le suif, puis les mèches. Les lampes romaines sont dotées d’un réservoir, généralement fermé, relié à un bec. Or la particularité du corpus bavaisien est justement de compter un nombre conséquent de lampes ouvertes, donc dépourvues de couvercle ou médaillon. Ces lampes servaient dans la vie courante (vie privée, publique ou professionnelle), mais aussi dans la vie religieuse (culte et cérémonies funéraires).

 

         Les principales techniques de fabrication sont ensuite abordées. Au tournage qui constitue la première méthode de fabrication à partir du Ve siècle av. J.-C., succède le moulage dès l’époque hellénistique, même si les deux techniques ont pu coexister sous l’Empire, notamment dans ces espaces septentrionaux. Moulage et surmoulage permettent une production en plus grande quantité de lampes, par ailleurs plus esthétiques. On retrouve rarement ces moules, surtout ceux en plâtre qui constituaient pourtant, pour des raisons pratiques, le plus grand nombre d’entre eux. Un moule en terre cuite a été exhumé à Bavay. Les dessins d’Olivier Verbrugghe illustrent fort utilement le propos.

 

Les luminaires en terre cuite de Bavay

 

         Situé sur l’axe Cologne-Boulogne, Bavay était le chef-lieu de la cité des Nerviens ; sa richesse archéologique, mise en valeur par le dégagement de son forum au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avait déjà été révélée lors de campagnes de fouilles au début du XXe siècle. Une centaine de lampes (105 lampes et 1 chandelier) sont conservées au musée de Bavay ; AH mentionne 65 autres lampes supposées bavaisiennes disparues, ayant appartenu à des collections privées, voire publiques (Douai) et 36 autres se trouvant dans d’autres musées, français (27) et belges (9). De cet ensemble de plus de 200 luminaires, 35 ont été exhumés des sablières au sud de la ville par Maurice Hénault au début du XXe siècle, 9 sur le forum (seconde moitié du XXe siècle). Des fouilles récentes issues d’opérations d’archéologie préventive ont ajouté 54 exemplaires en terre cuite, essentiellement dans des contextes funéraires.

 

Classification (p. 45-60) et catalogue (p. 103-223)

 

         La classification (p. 45-60) permet de placer les lampes bavaisiennes au sein des grandes typologies, celles de Loeschcke et de Deneauve en particulier. Nous l’associons au catalogue (p. 103-223) dans cette recension, compte tenu des nombreux renvois entre ces deux parties.

 

         Les lampes fermées constituent la moitié des exemplaires. Les Loeschcke I, à volutes et bec large, sont rares (cat. 1-6), tout comme les Loeschcke III, à anse réflecteur (cat. 7) et Loeschcke XX, à anse en forme de tête de cheval (cat. 8). Les Loeschcke IV et V, à volutes doubles pour les premières, simples pour les secondes, ne figurent qu’en quatre exemplaires complets (cat. 9-11 ; 26), mais des volutes apparaissent sur une vingtaine d’exemplaires fragmentaires (cat. 12-25). On ajoutera une lampe miniature sans volutes et un moule en terre cuite de cette même lampe (cat. 27-28). Ces lampes portent fréquemment un décor sur leur médaillon.

 

         La plupart des lampes fermées sont des Firmalampen ou lampes de fabrique (milieu IIe - fin IIIe s.), très largement standardisées, avec parfois un masque de théâtre en relief sur le médaillon. 28 sont à canal fermé entre le médaillon et le bec (Loeschcke IX, cat. 29-56), 13 à canal ouvert (Loeschcke X, cat. 57-69), deux de petite taille d’un type bien connu depuis l’étude d’Evelein sur le corpus de Nimègue (cat. 70 et 75), cinq fragmentaires (cat. 71-74 ; 76). Deux lampes de fabrique ont été découpées, et pourraient avoir été réutilisées avec de la graisse animale : elles sont rejetées par l’auteur car issues d’une collection privée.

 

         Une lampe en forme de pomme de pin (cat. 77) est originale. Huit anses n’ont pas pu être attribuées à un type précis (cat. 78-85). Huit lampes sont tardo-antiques (cat. 86-93) et une médiévale (cat. 94).

 

         Les lampes ouvertes sont essentiellement des Loeschcke XI. Les unes sont tournées (cat. 95-112), les autres moulées (cat. 116-124) ou indéterminées (cat. 125-130). On ajoutera des Loeschcke XII, XIII, XIV (cat. 113-115) et un chandelier (cat. 131).

 

         Un catalogue des estampilles (p. 220-223) souligne les échanges régionaux ou plus lointains.

 

Synthèse (p. 61-99)

 

         La synthèse ne porte que sur 133 individus en terre cuite « dont le contexte archéologique bavaisien est assuré », soit moins que le catalogue et sans aucun doute beaucoup moins que la réalité, compte tenu du nombre, selon nous excessif, d’exemplaires écartés. Les réticences de l’auteur à intégrer des lampes conservées dans d’autres musées, au prétexte qu’elles ne sont pas bavaisiennes de manière certaine, nous paraît en effet dommageable. Elles sont entrées dans ces collections il y a bien longtemps, à une époque où Bavay n’avait pas une aura importante, et on voit mal pourquoi les collectionneurs auraient triché sur leur provenance. Ainsi, à Saint-Omer, il aurait été facile de prétendre qu’un exemplaire venait de Thérouanne, à la réputation déjà établie, plutôt que de la lointaine Bavay (p. 47, 57…). Les Loeschcke VIII, à bec rond, sont absentes des collections du musée de Bavay mais comptent deux exemplaires dans les collections d’Avesnes-sur-Helpe, qui auraient été trouvés à Bavay : qu’elles soient importées d’Afrique ne doit pas constituer un motif de rejet, car l’économie et le commerce des lampes fonctionne à l’échelle de la Méditerranée. Nous avons ainsi relevé plusieurs exemplaires venant d’horizons lointains à Boulogne-sur-Mer.

 

         Les lampes moulées forment 72% du total, contre 13,5% pour les tournées, le reste demeurant indéterminé. Les indices de surmoulage (empâtement, pustules d’argile, réduction de la taille) attestent l’utilisation de moules en plâtre (non retrouvés) plus qu’en terre cuite (un exemplaire découvert in situ).

 

         On retiendra l’importance du groupe des lampes Loeschcke XI, pour lequel AH retrace précisément le mode de réalisation (p. 62-64). On fabriquait d’abord un cylindre moulé dont on réservait la partie supérieure pour l’anse ; on découpait ensuite une forme lenticulaire dans le fond avant de pincer cette zone pour la refermer ; après lissage, séchage et ajout de l’anse, la lampe était cuite au four. Généralement, ce modus operandi entraînait une fissure au fond, au niveau de l’élément retiré (visible sur nombre d’exemplaires), ce qui suppose l’utilisation d’un combustible compact, du type graisse animale, et non huile, pour éviter les fuites.

 

         Grâce à des analyses céramologiques, pétrographiques et physico-chimiques réalisées sur une vingtaine d’exemplaires fragmentaires, il a été possible de déterminer les zones d’approvisionnement de Bavay : nord de l’Italie (Modène), Lyon, Suisse, Rhénanie inférieure (Trèves, Xanten), Bavay et Cambrésis.

 

         L’iconographie est peu présente sur les lames bavaisiennes, ce qui s’explique par le nombre important de lampes ouvertes d’une part, de lampes de fabrique d’autre part.

 

         La synthèse souligne encore l’utilisation de la lampe en contexte funéraire à partir des Flaviens, mais qui ne se développe qu’aux IIe et IIIe siècles. Ce sont des offrandes secondaires, qui sont en nombre réduit (un à deux) dans la nécropole de la « Fache des Près Aulnoys » à Bavay. Elles concernent aussi bien les hommes que les femmes ou les enfants, et certaines ont pu être utilisées pour diffuser de l’encens, un phénomène que nous avons déjà pu observer par ailleurs. Les lampes sont plus présentes dans le cas de crémation, mais elles ne sont pas absentes des inhumations. AH suggère que ce sont davantage des objets symboliques car ils ne portent pas de trace d’utilisation.

 

Annexes

 

         Les annexes rassemblent de manière synthétique les 130 lampes du musée et 46 autres sans numéro, mais pas les exemplaires rejetés qui auraient pu être mis après (Annexe 1). Anne Schmitt et Valérie Merle donnent les résultats des analyses physico-chimiques du laboratoire de céramologie ArAr (UMR 5138), de l’Université Lyon 2 (Annexe 2). Sept lampes ont été analysées : cinq d’entre elles sont probablement des productions lyonnaises, de l’atelier de la Muette (3) ou de la Butte (2). Barbara Rogers, du laboratoire de l’université de Salzbourg a, pour sa part, analysé 17 artéfacts (Annexe 3) : 3 à pâte calcaire se rapprochent de Lyon, Bavay et la Suisse ; 4 à pâte non calcaire et à fort taux d’oxydes de fer se rapprochent de Modène ; 9 à pâte non calcaire et à fort taux d’alumine sa rapprochent de Cambrai (3), Trèves (1) et d’autres sites non identifiés.

 

         On ne peut que féliciter AH d’avoir réalisé cette belle publication qui sort de l’ombre des objets qui étaient restés peu connus jusqu’à ce jour. On signalera toutefois quelques coquilles qui auraient pu être éliminées. On rappellera que César n’a jamais été empereur (p. 23), que « polythéistes » est sans doute plus adapté que « païens », trop connoté (p. 24), que la lampe destinée à prévenir des « coups de grisou » chez Vitruve est sans doute en réalité le moyen de détecter la présence ou l’absence de monoxyde de carbone (p. 24), à une époque où l’on n’exploite pas encore le charbon de terre.

 

 

Sommaire

 

Le mot du Président   9

 

Avant-propos & introduction         11

Généralités     15

Histoire des recherches sur l’éclairage antique         15

Définitions     18

Fonctions       21

Techniques de fabrication des luminaires en terre cuite       25

Iconographie   27

 

Les luminaires en terre cuite de Bavay   28

Découvertes anciennes et valeur documentaire        29

Découvertes récentes 32

 

Classification et synthèses            43

Classification  45

Lampes fermées         45

Lampes ouvertes        58

Synthèse         61

Techniques de fabrication      61

Données quantitatives           64

La lampe, un élément participant au rituel funéraire en Gaule Belgique     74

 

Catalogue     101

Présentation du catalogue      103

Lampes fermées         104

Lampes ouvertes        184

Catalogue des estampilles      220

Index des décors         222

 

Annexes        225

Annexe 1. Inventaire des lampes en terre cuite de Bavay et de leurs contextes de découverte      225

Annexe 2. Analyses physico-chimiques du laboratoire de Lyon    239

Annexe 3. Analyses physico-chimiques du laboratoire de Salzbourg         245

 

Bibliographie           257

 

Remerciements        277