Ballet, Pascale - Lemaître, Séverine - Bertrand, Isabelle (dir.): De la Gaule à l’orient méditerranéen. Fonctions et statuts des mobiliers archéologiques dans leur contexte, (Archéologie et Culture), 21,5 x 28 cm, 432 p., ill. en coul. et N & B, ISBN : 978-2-7535-5922-6, 39 €
(PUR, Rennes 2019)
 
Compte rendu par Florence Saragoza, Ministère de la Culture
 
Nombre de mots : 4444 mots
Publié en ligne le 2020-06-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3671
Lien pour commander ce livre
 
 

         De la Gaule à l’Orient méditerranéen. Fonctions et statuts des mobiliers archéologiques dans leur contexte est un ouvrage publié en 2018 sous la direction de Pascale Ballet, Séverine Lemaître et Isabelle Bertrand par les presses universitaires de Rennes et l’Institut français d’archéologie orientale dans la collection Archéologie et Culture. L’ouvrage se compose d’une cinquantaine de contributions issues d’un colloque international organisé à Poitiers en octobre 2014. Réparties en six sections, ces contributions sont introduites par un texte des directrices de publication et précédées d’une mise en perspective anthropologique du sujet. Cet ouvrage de 432 pages s’achève par un éclairage diachronique et une conclusion de Raymond Brulet, professeur émérite de l’université catholique de Louvain, fouilleur de la cathédrale de Notre-Dame de Tournai. Il est agrémenté, en partie centrale, de 16 planches d’illustrations en couleur ainsi que, pour les dernières pages, de la liste des auteurs (p. 419-425), étrangement non exhaustive, et d’une table des matières (p.  427-431). Il s’agit donc d’un ouvrage conséquent qui se propose de faire, au travers d’une série de « dossiers » plus ou moins récents, un point sur l’apport interprétatif du mobilier en fonction du contexte de découverte – contexte primaire ou secondaire –, ces contextes définissant les sections évoquées ci-dessus (cet agencement reprend les thématiques distinguées au moment du colloque). Les contributions permettent d’explorer la thématique sur une aire géographique s’étendant de la Gaule à la Jordanie pour une période chronologique comprise entre le second âge du Fer et l’Antiquité tardive. Si le champ funéraire a été exclu car « constitué en domaine spécifique d’étude depuis longtemps », une contribution lui est tout de même consacrée (p.  215-223). Les contributions sont assez bien illustrées, mais on regrettera, pour certaines, la parcimonie de la documentation archéologique produite.

 

         Les problématiques liées aux mobiliers sont inhérentes à la discipline archéologique, les artéfacts constituant un biais fondamental de l’étude des sociétés anciennes. Ce caractère primordial implique que ce biais a sans cesse besoin d’être interrogé et l’interrogation renouvelée pour offrir des voies de compréhension inexplorées. Dans cet esprit, les directrices de publication ont voulu placer la notion d’assemblage au centre de la réflexion. Cette notion n’est pas inédite, mais elle renouvelle depuis plus d’une décennie la perception du contexte dans l’interprétation fonctionnelle de l’objet. La notion d’assemblage permet d’aborder les questions de conservation et de représentativité des vestiges retrouvés sur le terrain. C’est donc la nature du contexte qui définit les sections de cet ouvrage : espaces domestiques (10 contributions), espaces sacrés (9 contributions), espaces de convivialité (5 contributions), espaces publics et portuaires (5 contributions), espaces de travail (7 contributions) auxquels s’ajoute une section intitulée « Les objets comme marqueurs sociaux et identitaires » (9 contributions). L’importance quantitative de ces sections confirme qu’il n’existe pas de contexte unique de l’objet. Ce constat est brillamment illustré par Pascal Bouchery (p. 15-21) avec un exemple de transmutation de forme et de fonction d’objets dénommé « transfert fonctionnel » par l’auteur. Emprunté à l’anthropologie, cet exemple, exempt de bien des lacunes inhérentes au champ archéologique, met en lumière comment des objets du culte lamaïque trouvent une nouvelle fonction de parure féminine pour des tribus non bouddhiques. La communication de Pascal Bouchery est d’autant plus stimulante qu’elle démontre que ce n’est pas le contexte qui induit une interprétation biaisée, mais le dédoublement du contexte – la morphologie de l’objet restant identique. L’objet apparaît alors comme un élément d’une séquence culturelle et sociale qui diffère selon la société qui génère cette séquence.

 

         Les 10 contributions qui forment la section intitulée « Tranches de vie domestique » (p. 23-96) s’appuient à la fois sur des fouilles récentes et la reprise d’anciens dossiers, à Délos notamment. Sans surprise, l’habitat de type familial prédomine (texte de Pascale Ballet et al. [p. 25-34]) avec d’intéressants focus sur des environnements particuliers : dépôts de fondation (texte de S. Marchand, p. 35-38), dépotoirs (texte de Pascale Ballet et al. [loc. cit.], qui se confronte en effet à la délimitation des sphères publique et privée dans les rues, ou texte de Renata Kucharczyk et Iwona Zych [p. 91-96]), structures souterraines bretonnes de l’âge du Fer que le texte de Anne-François Cherel et al. (p. 73-79) propose d’identifier à des caves à affiner à partir de l’analyse des résidus organiques prélevés sur un ensemble de vases en céramique.

 

         À ces contributions s’ajoute un exemple issu d’un camp militaire du limes de Norique (texte de Stefan Groh et Helga Sedlmayer [p. 81-89] pour lequel l’étude du mobilier tend à démontrer que le camp de Favianis [Autriche] était inoccupé au moment de sa destruction au IIIe siècle ap. J.-C.). Les apports les plus significatifs viennent des contributions qui soulignent l’importance de l’exploitation des données réunies dans les SIG (système d’information géographique) (texte d’Agnès Coudrec et Sylvain Badley [p. 67-72]) et de celles mettant en exergue la lecture stratigraphique des espaces, permettant de distinguer non seulement le mobilier provenant d’étages de celui issu du rez-de-chaussée mais aussi la répartition des espaces à l’étage (texte d’Annette Peignard-Gros et Jane Johnson [p. 45-50] ; texte de Benjamin Clément et al. [p. 59-66]). L’analyse est facilitée par le fait que, sur ces deux sites (Délos et Lyon), les objets ont été piégés lors de la destruction et que leur environnement n’a guère été perturbé (notion de « contexte fermé »). Certaines des contributions laissent entrevoir les limites d’une typologie contextuelle : P. Ballet reconnaît pour l’Égypte d’époque hellénistique et romaine – mais le constat est également dressé pour la maison de Fourni à Délos (texte d’Anne-Sophie Martz, p. 51-57) – « la porosité des frontières entre l’habitat stricto sensu et les ateliers » (p. 33). La contribution qu’Annette Peignard-Gros et Jane Johnson (loc. cit.) consacrent à la « maison des sceaux » conclut ainsi qu’il s’agit sans doute plus « d’un bureau d’affaires » que d’une habitation privée (p. 49). Dès lors, le texte de Mélanie Flossmann-Schutze (p. 39-43) aurait tout aussi bien pu prendre place dans la deuxième section, consacrée aux espaces sacrés.

 

         La deuxième section, intitulée « Dans les espaces sacrés : des restes et des gestes », réunit 9 contributions (p. 97-172). Ce titre se rapproche d’une assertion formulée par Jean-Pierre Warnier (1999) pour le champ sociologique, qui place le corps au centre de la relation entre le sujet et l’objet. Les contributions se concentrent sur le mobilier découvert dans les lieux de rituels architecturés (sanctuaires principalement). Dans le cas du site de Conjux (France), c’est la typologie du mobilier (piquets, vaisselle céramique, petit numéraire en bronze) ainsi que la présence de quelques assemblages manifestes et volontaires qui conduisent Sébastien Niéloud-Muller à reconnaître un site cultuel lacustre (p. 153-160). Une démarche similaire, mais centrée sur le seul matériel céramique, permet à Laura Pitch (p. 105-111) de reconnaître dans un des sanctuaires rupestres de Priène (Turquie) un sanctuaire féminin dédié à Cybèle, et à Luca Basile (p. 145-152) de mettre en exergue au sanctuaire septentrional péri-urbain de Cumes (Italie), à l’époque archaïque, des pratiques cultuelles en lien avec des liquides et notamment l’eau, proposition confirmée par la présence de puits pourvoyeurs de quantités considérables de céramique. Le texte de Gérard Bataille (p. 99-103) établit à partir des objets du site de La Villeneuve-au-Châtelot (France) une distinction entre objet(s) du rituel et objet(s) de rituels, tout en mettant en avant d’autres formes de manipulations rituelles de l’époque laténienne. Certains objets, rendus inutilisables, deviennent des offrandes, passant d’une catégorie fonctionnelle à une autre. Ce sont également ces gestes ritualisés qui retiennent l’attention de Lola Trin-Lacombe et Hélène Mavéraud-Tardiveau (p. 161-172) dans leur analyse du dépôt céramique mis au jour dans un fossé du sanctuaire de la Frelaudais (France). Ces phénomènes illustrent parfaitement la notion de « biographie de l’objet », notion empruntée, elle aussi, au champ sociologique et conceptualisée par Thierry Bonnot (2004). Plusieurs contributions s’intéressant au mobilier de sanctuaires égyptiens d’époques ptolémaïque et romaine (texte de Paola Favoli [p. 113-120], texte de Gaëlle Tallet et Yaël Chevalier [p. 121-129], texte de Joanna Rądkowska et Iwona Zych [p. 131-137]) se confrontent à la diversité des contextes et du matériel identifiés dans ces temples, indiquant que de nombreuses activités se déroulaient en leur sein et qu’ils ne peuvent être réduits à des lieux de célébrations rituelles, dont les traces sont d’ailleurs ténues, fragilisées notamment par les destructions et les pillages. Il en est de même en contexte chrétien à Susita (Israël) (texte de Mariusz Burdajewicz et Jolanta Młynarczyk, p. 139-144).

 

         La section suivante, « Espaces de convivialité et assemblages » (p. 173-223), réunit majoritairement des contributions liées à l’activité sacrificielle et à celle, cérémonielle, du banquet. Celles-ci permettent de couvrir un champ géographique varié, de la Gaule à la Nabatène. Pour l’époque archaïque, Priscilala Munzi et ses co-auteurs (p. 175-84) s’attachent à identifier à Cumes les dispositifs de cuisson et les composantes de repas rituels tout en étudiant un dépôt céramique découvert dans une fosse. Celui-ci serait constitué des restes d’une cérémonie de clôture survenue lors de la destruction d’un bâtiment élevé dans l’enceinte du sanctuaire péri-urbain. À Lyon, l’étude d’Armand Desbat (p. 185-196) se centre également sur le matériel issu de dépôts rituels effectués dans des fosses creusées contre les fondations du « sanctuaire de Cybèle ». Elle le conduit à s’interroger, comme beaucoup d’autres, sur la nature de cet édifice emblématique de la colline de Fourvière, désormais daté de la fin du règne de Claude. La contribution de Bérangère Redon et Guy Lecuyot (p. 205-214) sur les bains égyptiens rappelle que dans certains contextes, pourtant bien définis en terme fonctionnel, les mobiliers les plus attendus, par confrontation aux sources iconographiques et/ou textuelles, sont parfois absents. Dans le cas présent, les objets caractéristiques du bain ne sont pas attachés à un lieu, mais à un individu et n’ont dès lors pas de raison d’être retrouvés in situ. Ce constat, qui peut être étendu à nombre d’ensembles balnéaires, replace l’objet au sein d’une relation au corps, certes, mais également au cœur d’une approche sociologique. Cette même approche nourrit la réflexion de Caroline Durand (p. 197-204) qui constate la prédominance, dans le répertoire de la vaisselle des banquets nabatéens, de bols peints, importés de Pétra et principalement utilisés lors des rassemblements communautaires. La désaffectation de certains tricilinia à l’époque romaine tend à confirmer cette lecture. Ces deux contributions annoncent la sixième et dernière section de l’ouvrage.

 

         La quatrième section de l’ouvrage, « Vestiges mobiliers des espaces publics et portuaires » (p. 225-278), s’ouvre étonnamment par une contribution consacrée par Gabriel Rocque et ses collègues au sanctuaire de Magny-Cours (France) (p. 227-234). La taille du site (1,7 ha) souligne de façon plus aiguë la multiplicité des typologies des activités pratiquées au sein des espaces sacrés et, en conséquence, celle des mobiliers où prédominent toutefois les pièces de parure et les monnaies. À Nîmes, si l’étude du mobilier découvert dans un puits lors des fouilles spectaculaires du parking Jean-Jaurès en 2007, par Nathalie Chardenon et ses confrères (p. 235-244), en fait ressortir le caractère somptuaire, c’est la découverte d’un autel en calcaire orné d’une triade divine qui conduit les auteurs à reconnaître dans l’édifice abritant ce puits le siège d’une association professionnelle. Par cette proposition, la contribution aurait pu s’intégrer dans une autre section de l’ouvrage. Le texte de David Djaoui et de son équipe (p.  245-257) est particulièrement stimulant. En s’interrogeant sur l’origine et les modalités de constitution d’un dépôt d’objets associé à l’épave du chaland Arles-Rhône-3, ils se confrontent à la diversité d’origine des assemblages découverts au fond du fleuve. À l’impact de l’environnement, notamment lors des crues violentes, s’ajoutent les aléas (casse) lors du transport fluvial ou des manœuvres portuaires, de possibles dépôts rituels comme l’évacuation des déchets du quartier des docks et de ses ateliers ou ceux des navires. Les auteurs proposent d’ailleurs d’identifier la vaisselle de bord aux pièces de formes « rares et le plus souvent absentes des contextes de consommation régionale » (p.  253), interrogeant ainsi la notion de « céramiques d’importation ». Le contexte portuaire est également évoqué par Séverine Lemaître et Banu Yener-Marksteiner (p. 259-269) dont les prospections se concentrent sur une collecte de mobiliers céramiques de l’Antiquité tardive dans la zone des horrea d’Andriakè (Turquie). Leurs résultats illustrent les opérations de reconditionnement des denrées en zone portuaire en vue de leur vente au détail ou à leur acheminement à l’intérieur des terres. Tanguy Le Boursicaud (p. 271-278) conclut cette section en offrant une intéressante synthèse des problématiques du mobilier en contexte portuaire à partir d’exemples empruntés à l’Égypte du premier millénaire à l’époque romaine.

 

         L’avant-dernière section, « Espaces de travail : produits et rejets » (p. 279-330), s’attache à définir la place des unités de production dans les contextes urbains, que ce soient de petites unités implantées en milieu urbain à l’âge du Fer en Languedoc-Roussillon (France) (texte de Nasrine Anwar, p. 281-286) ou dans un quartier spécifique en périphérie d’agglomération. Ce dernier cas est étudié par Tony Silvino et ses co-auteurs (p. 287-297), à proximité d’une voie antique à Clermont-Ferrand (France) où se mêlent aire d’abattage, tanneries – activité identifiée par la présence d’amphores à alun –, ateliers de tabletterie et dépotoir. C’est également l’échelle de quartiers qu’Anne Wilmouth retient pour son étude du mobilier métallique de Bliesbruck (France) (p. 299-303), où les quartiers est et ouest ont livré 458 kg d’objets métalliques. L’étude de leur faciès, combinée à l’exploitation des données d’un SIG, permet à l’auteure de définir les spécificités des différentes parcelles de ces deux quartiers. À Athribis (Egypte), le quartier artisanal d’époque ptolémaïque auquel s’intéresse Anna Południkiewic (p. 317-323) regroupe divers types de production (poterie, faïence, taille de pierre, orfèvrerie) de qualité parfois exceptionnelle témoignant des savoir-faire et de l’importance de ce site implanté sur les principales voies commerciales de Basse-Égypte. La contribution de Clément Bellamy (p. 305-309) développe un cas de cohabitation de deux communautés, égéenne et oenôtre, toutes deux productrices de céramique. Les recherches menées sur le site d’Incoronata (Italie) montrent que cette cohabitation génère des influences réciproques aboutissant à la création de formes hybrides résultant d’échanges techniques et artistiques. La fouille a également identifié des exemples de réutilisation d’objets investis d’une nouvelle fonction, dans ce cas précis des tessons devenus jetons, supports de martelage, couverture de four… Line Pastor, dans son article consacré aux ateliers de potiers du nord-est de la Gaule (p. 311-315) rappelle que la présence d’un atelier n’est assurée que si différents indices se recoupent : présence de structures de production, de produits non finis, d’outils, déformations de certaines pièces, concentration de vases identiques… Le chapitre se clôt par un texte de Nicolas Garnier et de son équipe (p. 325-330) qui répond à celui proposé par Anne-Françoise Cherel en première section de l’ouvrage (loc. cit.). L’analyse biochimique des résidus prélevés sur neuf des trente-huit mortiers en pierre mis au jour lors de la fouille préventive d’un quartier artisanal d’époque médiévale à Bourges (France) révèle la présence de cholestérol et, pour certains d’entre eux, de squalène. Ces biomarqueurs plaident pour un usage des mortiers en lien avec le travail du cuir.

 

         Le dernier chapitre, intitulé « Les objets comme marqueurs sociaux et identitaires » (p. 331-402), initie une approche plus transversale ; aussi certaines contributions auraient-elles pu trouver place dans les différentes sections décrites ci-dessus. Le terme « marqueur » renvoie aux études linguistiques et soulève, dans le champ de la culture matérielle, la question de la représentation d’une identité sociale et individuelle ainsi que celle de sa perception, voire de sa réception. La problématique est ici explorée à partir d’une structure architecturale (2 contributions), d’une typologie de mobilier (6 contributions) ou des deux approches (1 contribution). Les deux structures architecturales évoquées dans ce chapitre sont empruntées à l’hexagone. La contribution d’Isabelle Bertrand et ses co-auteurs (p. 333-343) s’appuie sur l’étude du mobilier découvert dans les niveaux tardifs d’une villa à Jonzac (Charente-Maritime) et plus particulièrement sur les restes de faune et les accessoires de vêtement. En effet, ceux-ci témoignent de traditions distinctes, occidentales, germaniques et wisigothiques, dans un milieu élitaire. Les raisons qui amènent les auteurs à recourir en conclusion à la notion de « mixité culturelle » (p. 341) aurait méritée d’être développée. À Troussepoil (Vendée), Florian Blanchard et Sophie Corson (p. 359-366) remettent en question l’identification proposée au XIXe siècle des puits découverts sur ce site gallo-romain comme étant des puits funéraires. La reprise du mobilier tend à montrer qu’il faut en fait y reconnaître des puits à eau. Les objets exhumés constituent les déchets de leur période d’utilisation ou proviennent de leur comblement et se rattachent à des contextes d’habitat ou d’activités artisanales. Ils permettent ainsi une relecture du site. L’étude, par Zakia Ben Hadj Naceur-Loum et Mongi Ennaïfer (p. 345-352), des monnaies recueillies lors de nettoyages et de sondages à la maison des Deux Chasses à Kélibia (Tunisie) témoigne de la prospérité des occupants de cette domus de l’époque vandalo-byzantine, prospérité résultant probablement des activités artisanales attestées par la présence d’aménagements spécifiques dans le secteur nord-est du site. Clémentine Barbau (p. 353-358) interroge pour sa part le phénomène de « romanisation » à partir des objets de type italique, ou imités de productions italiques, découverts en contexte exogène, à savoir gaulois. À partir de la chronologie d’apparition de ces objets se dessine une dynamique d’adoption des pratiques romaines au sein des oppida et des agglomérations, alors que leur présence en contexte funéraire date essentiellement de l’époque augustéenne. Aline Colombier-Gougouzian (p. 367-372) soumet aux mêmes interrogations le mobilier de verre introduit précocement en Gaule entre le IIe av. J.-C. et le Ier siècle ap. J-C. Sa réflexion s’appuie sur trois sites urbains et ruraux situés entre Lyon et Vienne (France). La place des plats à poisson parmi la vaisselle de table du second âge du Fer en Languedoc (France) retient l’attention d’Anne-Marie Curé (p. 373-379). Ces plats et les usages alimentaires ostentatoires qu’ils reflètent constitueraient un moyen de différenciation sociale et culturelle collective, mais pourraient également, dans certains contextes spécifiques, révéler l’identité ethnique des consommateurs. Aurélie Ducreux (p. 381-390) interprète la place relativement faible du mobilier métallique dans l’antique Clermont-Ferrand (France), abordé par catégories fonctionnelles, comme révélateur d’une situation économique moins avantageuse que celle d’autres capitales de cité. Le statut des élites arvernes après la Conquête expliquerait ce développement contraint. L’article de Marie Cagnol et de ses collègues (p. 391-396) présente un objet rarissime : une authepsa (récipient métallique destiné à chauffer ou maintenir au chaud un liquide) découverte lors de fouille préventive à Die (France), en probable contexte domestique. La spécificité de cet objet témoigne du goût des propriétaires pour certains objets et usages romains. Thibault Le Cozanet clôt cette section avec une étude mêlant contexte environnemental et typologie d’objet (p. 397-402) en revenant sur l’immersion volontaire de pièces exceptionnelles de fourniment à l’âge du Fer en France.

 

         L’éclairage diachronique apporté par Luc Bourgeois (p. 405-411) suggère d’infléchir, à partir d’exemples empruntés à l’Occident médiéval des IXe-XIIIe siècles, la notion de contexte archéologique en contexte documentaire. Si l’étude du mobilier archéologique d’époque médiévale est une discipline récente, précédemment dévolue à la publication de collections privées ou muséales, donc hors contexte, les réflexions proposées dans cet article peuvent dépasser le champ chronologique posé comme cadre. Ainsi, le recours à des typologies normalisées, le recoupement avec les sources textuelles et iconographiques, la prise en compte des techniques et gestuelles aident à renouveler la lecture des objets comme le démontrent d’ailleurs certaines des études réunies dans ce volume. Considérés comme des signes intrinsèquement polysémiques, les objets ne peuvent être cantonnés à leur matérialité, mais doivent être appréhendés dans l’ensemble des relations sociales et culturelles dans lesquelles ils interviennent.

 

         Il revient à Raymond Brulet, autre médiéviste, de conclure l’ouvrage (p. 415-417). Après avoir présenté la problématique et la structure de l’ouvrage, il rappelle la nécessité de réinterroger cette problématique, parfois de façon impertinente comme l’a fait Jean-Pierre Brun lors du colloque de Poitiers, faisant regretter l’absence de sa contribution. La conclusion s’achève sur un résumé des apports des six sections de cet ouvrage ambitieux.

 

 

Sommaire

 

Introduction, P. Ballet, S. Lemaître, I. Bertrand (p. 7-12)

De l’anthropologie à l’archéologie

Donner un statut à l’objet. De quelques transferts fonctionnels dans l’Himalaya oriental (Inde), P.  Bouchery (p. 15-21)

Traces de vie domestique

Mobiliers et espaces urbains dans l’Égypte gréco-romaine, P. Ballet, S. Marchand, G. Marouard (p. 25-34)

Les dépôts de fondations de maisons aux époques ptolémaïque et romaine. L’exemple du village de Tebtynis dans le Fayoum (Égypte), S. Marchand (p. 35-38)

Le mobilier domestique et cultuel de l’association religieuse du cimetière animalier de Touna el-Gebel (Égypte), M. Flossmann-Schütze (p. 39-43)

Vaisselle en céramique et objets en métal et en verre utilisés dans la maison des sceaux de Délos (Grèce), A. Peignard-Giros, J. Johnson (p. 45-50)

La vaisselle céramique de la maison de Fourni (Délos, Grèce). Contextes archéologiques, fonctionnels et socio-culturels, A.-S. Martz (p. 51-57)

Habiter à l’étage. Analyse de l’architecture et des assemblages mobiliers d’un immeuble de rapport de Lugdunum (Lyon, France), B. Clément, C. Sartre, avec la collaboration de T. Argant, C. Batigne-Vallet, C. Brun, A. Galliègue, L. Guichard-Kobal, V. Rault, L. Robin, P. Valfort (p. 59-66)

SIG et mobiliers. L’exemple de la ferme gauloise de « Champ-Chardon » à Tours (Indre-et-Loire, France), A. Couderc, S. Badey (p. 67-72)

Fonctions de structures souterraines de l’âge du Fer en Bretagne occidentale (France) à travers les analyses de contenus de leurs mobiliers, A.-F. Cherel, D. Frère, N. Garnier, E. Nicolas, D. Tangu (p.  73-79)

Regards sur la vie quotidienne en campement militaire. L’inventaire d’un contubernium de Favianis (Mautern an der Donau, Autriche), S. Groh, H. Sedlmayer (p. 81-89)

Traps of Residuality. What is Early Roman Glass doing in a late Roman Household Rubbish Dump ? The Case of Trench R. Kucharczyk, I. Zych (p. 91-96)

Dans les espaces sacrés : des gestes et des restes

Objets rituels, objet du rituel, objets de rituels. Fonctions, usages et statuts des artéfacts métalliques en contextes rituels laténinens (IVe-Ier s. av. J.-C.), G. Bataille (p. 99-103)

Speaking with Pots, or the Limits of Information extractable from Sherds in Priene (Turkey), L. Picht (p. 105-111)

The Temple of Soknopaios at Soknopaiou Nesos (El-Fayyum, Egypt). The Archaeological Context and the Object Assemblages from the 3rd Century BC to the 3rd Century AD, P. Davoli (p. 113-120)

Les mobiliers du temple d’Amon de Pa-Sy à El-Deir (Oasis de Khaga, Egypte), G. Tallet, Y. Chevalier (p.  121-129)

The « Lotus Temple » in Berenike on the Red Sea (Egypt). Two Phases of Cultic and Ritual Activities in the late 4th and 5th Century AD, J. Rądkowska, I. Zyche  (p. 131-137)

Reading the Record of the last Christians of Susita (Hippos, Israel), M. Burdajewicz, J. Młynarczyk (p.  139-144)

La céramique archaïque du sanctuaire septentrional périurbain de Cumes (Italie). Productions, formes et fonctions, L. Basile (p. 145-152)

Des mobiliers archéologiques au culte. L’exemple du site lacustre romain de Conjux (lac du Bourget, Savoie, France) S. Nieloud-Muller (p. 153-160)

Le dépôt céramique du sanctuaire antique de la Frelaudais à Blain (Loire-Atlantique, France), L. Trin-Lacombe, avec la collaboration d’H. Mavéraud-Tardiveau (p. 161-172)

Espaces de convivialité et assemblages

Cuisiner pour les dieux et pour les hommes « guide pratique » de la vaisselle et des ustensiles de cuisine à Cumes (Italie) entre le VIe et le IVe s. av. J.-C., P. Munzi, L. Basile, M. Leguilloux (p. 175-184)

Le mobilier des fosses à rejets de banquets du prétendu « sanctuaire de Cybèle » (Lyon, France), A.  Desbat (p. 185-196)

Banqueter en Nabatène (Jordanie, Arabie Saoudite) un aperçu du mobilier céramique, C. Durand (p. 197-204)

Que trouvait-on dans un bain de l’Égypte ptolémaïque ou romaine ? Témoignages archéologiques et papyrologiques, B. Redon, G. Lecuyot (p. 205-214)

Traditions cultuelles gauloises et romaines dans un enclos funéraire à Épieds-en-Beauce (Loiret, France), J.-P. Gay, C. Barthélémy-Sylvand, S. Linger-Riquier, C. Villenave, avec la collaboration de G.  Bayle, D. Canny, M.-P. Chambon, B. Pradat (p. 215-223)

Vestiges mobiliers des espaces publics et portuaires

Le sanctuaire de Magny-Cours (Nièvre, France) apport de l’étude du mobilier à l’interprétation du site, G. Rocque, A. Ducreux, M. Garcia, L. Huguet, M. Legagneux, avec la collaboration de P. Nouve (p.  227-234)

Un assemblage original de mobiliers du Haut-Empire découvert dans un puits à Nîmes (Gard, France), N. Chardenon, S. Barberan, M. Bovagne, J.-Y. Breuil, B. Houix (p. 235-244)

Difficultés et intérêts à étudier un contexte portuaire fluviomaritime en zone périurbaine (50-140 apr. J.-C.). Fouilles subaquatiques à Arles (Bouches-du-Rhône, France), D. Djaoui, avec la collaboration de M.  El-Amouri, A. Bardot-Cambot, M. Carrive, M. Chanas, L. Chrzanovski, S. Fontaine, J. Françoise, M. Leguilloux, T. Martin, M.-P. Rothé (p. 245-257)

Faciès céramiques de l’Antiquité tardive dans la ville portuaire d’Andriakè en Lycie (Turquie). Résultats d’une prospection près des horrea, S. Lemaître, B. Yener-Marksteiner (p. 259-269)

Espaces de redistribution de marchandises et mobiliers associés dans l’Égypte de la Basse Époque à l’Empire romain : pistes de réflexion, T. Le Boursicaud (p. 271-278)

Espaces de travail : produits et rejets

Processus de spécialisation du travail et espaces de production dans les agglomérations du second âge du Fer (425-200 av. J.-C.) en Languedoc-Roussillon (France), N. Anwa (p. 281-286)

Les mobiliers au service du contexte. L’exemple de la fouille de la rue Sous-les-Augustins à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme, France),T. Silvino, T. Argant, C. Bazillou, L. Robin (p. 287-297)

Caractérisation du mobilier métallique des quartiers artisanaux est et ouest de l’agglomération gallo-romaine de Bliesbruck (Moselle, France), A. Wilmouth (p. 299-303)

Fonctions et statuts du mobilier céramique d’un centre de production gréco-indigène. Incoronata (Italie) au VIIe s. av. J.-C., C. Bellamy (p. 305-309)

Les ateliers de potiers dans le nord-est de la Gaule des espaces si bien connus ? L. Pastor (p. 311-315)

Arts and Crafts Workshops in Ptolemaic Athribis (Egypt), A. Południkiewicz (p. 317-323)

Fonction(s) de séries d’objets. L’apport des analyses chimiques organiques à la connaissance de pratiques artisanales, N. Garnier, avec la collaboration de M. Fondrillon, E. Marot (p. 325-330)

Les objets comme marqueurs sociaux et identitaires

Quel statut pour les derniers occupants de la villa romaine du Moulin de chez Bret à Jonzac (Charente-Maritime, France) ?, I. Bertrand, K. Robin, avec la collaboration de S. Gustave, G. Jouanin, V. Mortreuil, L. Simon, S. Soulas (p. 333-343)

Les monnaies de la maison des Deux Chasses à Kélibia (Tunisie), Z. Ben Hadj Naceur-Loum, M. Ennaifer (p. 345-352)

Le petit mobilier de type italique en contexte gaulois. La « romanisation » de la vie quotidienne, C. Barbau (p. 353-358)

Réflexions sur le mobilier des puits du site de Troussepoil (Le Bernard, Vendée, France), F. Blanchard, S. Corson (p. 359-366)

La vaisselle en verre précoce en contexte urbain et rural. Les exemples de Vienne, Saint-Romain-de-Jalionas (Isère, France) et Saint-Laurent-d’Agny (Rhône, France), A. Colombier-Gougouzian (p. 367-372)

Plats à poisson et pratiques de consommation diacritiques en Languedoc (France) au second âge du Fer, A.-M. Curé (p. 373-379)

Les mobiliers métalliques à Augustonemetum (Clermont-Ferrand, France), A. Ducreux (p. 381-390)

Un objet d’exception découvert à Die (Drôme, France) : une authepsa, M. Gagnol, C. Ronco, avec la collaboration de P. Rigaud (p. 391-396)

L’armement en milieu humide à l’âge du Fer en France. Une fonction particulière pour un contexte particulier ?, T. Le Cozanet (p. 397-402)

Éclairage diachronique

Du contexte archéologique au contexte documentaire objets, textes et images dans l’Occident des IXe-XIIIe siècles, L. Bourgeois (p. 405-411)

Conclusion

Comprendre l’association et l’interaction du contexte et de son mobilier, R. Brulet (p. 415-417)

Les auteurs (p. 419-425)

Table des matières (p. 427-431)