AA.VV.: Bussière, Roselyne - Bouisson, Hélène - Crnokrak, Catherine - Paquet, Jeanne - Pierrot, Nicolas (collab.) - Kruszyk, Laurent (photogr.). Le patrimoine de Mantes-la-Jolie, un passé en éternel devenir, 160 p., 210 ill., (Patrimoines d’Ile-de-France), 24 x 29 cm, ISBN : 978-236219-170-1, 24 €
(Éditions Lieux dits, Lyon 2019)
 
Compte rendu par Aline Warie, université de Picardie-Jules-Verne
 
Nombre de mots : 1999 mots
Publié en ligne le 2019-12-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3719
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          Précédé de deux préfaces signées par Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, et Raphaël Cognet, maire de Mantes-la-Jolie, l’ouvrage, complété par les textes de Catherine Crnokrak, Jeanne Paquet, Nicolas Pierrot et Hélène Bouisson, est consacré au patrimoine de la ville de Mantes-la-Jolie. Mantes est une des communes les plus anciennes de France. Louis VI avait accordé à la ville, dès 1110, une charte communale encore conservée dans les archives. Cependant, si la collégiale Notre-Dame de Mantes, emblème de la ville, attire les curieux, le patrimoine mantais demeure méconnu. Résultat d’un travail d’équipe, à la tête de laquelle se trouve Roselyne Bussière, l’ouvrage propose d’aller à la rencontre d’une histoire et d’un patrimoine oubliés. Faits tous deux des mains des hommes et de leurs vies, ceux-ci ont inéluctablement laissé des traces qui sont à l’origine même de la ville. L’autrice nous fait arpenter les rues de cette dernière à la découverte des nombreuses traces de son évolution. Ce sont les richesses patrimoniales, matérielles et immatérielles, qui retrouvent enfin la lumière qu’elles méritent.

 

         Dès le début de l’ouvrage, le lecteur est averti. L’histoire de la ville et de son patrimoine, comme dans de nombreux cas, est en perpétuelle réécriture. Le premier chapitre est donc consacré à l’état de nos connaissances actuelles et à une présentation générale. L’histoire des origines de la ville semble s’être en effet perdue dans le tourbillon des légendes colportées par les chroniqueurs locaux. Seule l’étude des sources et du sol permet d’entrevoir une réalité certaine, point sur lequel insiste à juste titre Roselyne Bussière.

 

         On a longtemps fait remonter la fondation de Mantes à l’Antiquité. Il a été en effet prêté à la ville une origine gauloise, impossible à démontrer, faute de preuves archéologiques. C’est donc au Moyen Âge que débute le récit. La première mention de la ville apparaît sous le nom de « Medanta » dans le Polyptique d’Irminon en 820. « Medanta » a partiellement conservé dans sa topographie la morphologie de la cité médiévale, au sein de laquelle on retrouve le tracé des anciennes fortifications, l’emplacement du château primitif et de la collégiale. Annexée au domaine royal en 1074, la ville, située aux portes du royaume normand, nécessitait d’être mise en défense car elle attirait les convoitises. Roselyne Bussière, grâce au dépouillement des archives et à une lecture attentive de sources diverses, retrace cette histoire mouvementée, entrecoupée de querelles entre le royaume franc et le royaume normand. Elle met en avant l’implication des rois dans le financement de constructions défensives auquel participaient également les habitants. On apprend que la ville fut pendant un temps la « petite capitale » de la France sous Henri IV. Mais la présence royale n’étant plus une nécessité aux alentours du XVIe siècle, le château fut progressivement délaissé. Les fortifications, face au succès des forteresses Vauban venues couvrir le royaume et les frontières, sont peu à peu démantelées. La ville profite de cette période d’accalmie pour s’embellir avec la création de jardins et de promenades. Un nouveau pont est bâti, ainsi qu’un hôtel de ville. Une partie du plan de la ville est modifiée par le percement de la rue Royale. Plusieurs hôtels particuliers sont élevés et habités principalement par des « gens de robe ».

 

         L’auteur fait ensuite une halte à la période révolutionnaire et ses conséquences sur le patrimoine mantais. L’on constate que les années qui suivirent cet épisode ont été nourries de réflexions sur l’aménagement et l’amélioration de l’espace urbain. Les limites du territoire, entre Mantes et Mantes-la-Ville, font l’objet de convoitises et de débats. Mantes devient sous-préfecture en 1800 et semble gagner de nouveau en prospérité. Les tanneries, créées au XVe siècle, sont toujours actives et la ville s’agrandit.

 

         Devenue aujourd’hui un quartier de Mantes, Gassicourt, qui était autrefois isolée, fut prise dans le mouvement. Roselyne Bussière s’attarde sur cet ancien petit village agricole qui se développa pendant la révolution industrielle. On apprécie particulièrement cette initiative car l’histoire du quartier de Gassicourt demeure sombre pour bon nombre des habitants. Le village était, au XVIIIe siècle, principalement habité par des cultivateurs. Le prieuré clunisien du village, fondé vers 1074, fut d’ailleurs transformé en établissement agricole plusieurs siècles plus tard. C’est au XIXe siècle que le changement se fit. Au fil de la lecture, on voit se dessiner sous nos yeux le village, avec ses petites maisons rurales dont la description est faite. L’arrivée du chemin de fer apporte de nouveaux habitants tels que les employés des rails ou des ouvriers papetiers. Du côté de Mantes Station, quelques maisons construites par un ingénieur sont le témoin de cette époque. Le village se développe peu à peu au moyen de la construction d’équipements publics et de logements sociaux. Il faut ensuite noter deux noms qui deviendront célèbres à Mantes : Raymond Marabout et Raymond Lopez, architectes, dont on découvre quelques œuvres architecturales. Raymond Lopez, a particulièrement œuvré à la reconstruction de la ville de Mantes après les destructions de la Seconde Guerre mondiale. De longues pages lui sont consacrées et permettent de découvrir son travail qui ne connut pas toujours un vif succès auprès des habitants. Le chapitre se clôt sur l’histoire et la réception de ce quartier.

           

         Le deuxième chapitre est consacré au Moyen Âge. L’autrice nous présente plusieurs œuvres emblématiques de la ville dont les fortifications, la collégiale Notre-Dame et l’église Sainte-Anne de Gassicourt. Des clichés de qualité ne manquent pas de venir enrichir le répertoire iconographique. La tour Saint-Martin, la Porte aux Prêtres, l’échauguette du quai des Cordeliers et l’ancien bastion du parc Gabrielle d’Estrées figurent parmi les rares vestiges des fortifications. Dans la collégiale, l’auteure se focalise sur les portails, l’intérieur, le niveau des tribunes qui méritent une attention particulière, la rose occidentale et la chapelle de Navarre. Une double-page écrite par Catherine Crnokrak, conservateur des Antiquités et Objets d’art des Yvelines, est dédiée à la protection des objets de la collégiale au titre des « Monuments historiques » au XIXe siècle. Mme Bussière consacre une page à Alphonse Durand, architecte ayant œuvré à la restauration de la collégiale et Sainte-Anne de Gassicourt. Son œuvre fut significative car il a sauvé les monuments de la ruine. C’est lui aussi qui a fait la découverte fortuite de morceaux de sculptures attribués aux portails de la collégiale, dont une partie est exposée au musée de l’Hôtel-Dieu. Un tour d’horizon à l’église de Gassicourt nous amène à la découverte de cet édifice excentré. L’église a conservé en ses murs des fragments de polychromie du XVIe siècle, ainsi qu’un gisant daté du XIIe siècle et des stalles du XVIe siècle, richement décorées, évoquant les saisons.

 

         Le troisième chapitre évoque le classicisme à la mantaise. Cette fois, ce sont la tour Saint-Maclou, l’Hôtel-Dieu, les ponts de Mantes, les hôtels particuliers et quelques maisons qui sont abordées. Jeanne Paquet, chef du service "patrimoine et tourisme" de la ville de Mantes-la-Jolie, nous présente l’histoire du musée, de sa création à la constitution de ses collections avec un affect particulier pour les œuvres de Maximilien Luce. Le musée peut en effet se targuer de posséder la plus grande collection de tableaux de ce peintre néo-impressionniste dont la renommée se fait grandissante.

 

         Le quatrième chapitre appréhende le siècle des notables à travers la création de la sous-préfecture, du palais de justice, du temple, de l’école Hélène-Boucher, du musée Duhamel, des gares et de maisons luxueuses. Nicolas Pierrot, conservateur du patrimoine, service "patrimoines et inventaire" de la région Île-de-France, y consacre un article sur la papeterie Braunstein qui fut rachetée par Dunlop en 1950.

 

         Le cinquième et dernier chapitre explore la course à la modernité dont Auguste Goust, député-maire, et Raymond Marabout, architecte, étaient à la tête. L’ancien couvent des Ursulines, l’immeuble HBM rue Émile Zola, la cité-jardin des Martraits et le groupe scolaire Ferdinand-Buisson sont leur œuvre. La gendarmerie située boulevard Maréchal-Juin a, elle, été construite sur les plans de Guillaume Deschamps qui était mantais. Cette course à la modernité a été marquée par les reconstructions de plusieurs immeubles, les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ayant détruit une partie du centre-ville. Ce sont ceux de la place Saint-Maclou, des rues Thiers et Marie-et-Robert-Dubois. Dans le centre, l’hôtel de ville fut élevé par les architectes Raymond Marabout et Raymond Lopez. Ce dernier, figure importante de la ville, était aussi chargé de la construction de la médiathèque Duhamel tout comme celles des lycées Saint-Exupéry et Jean-Rostand. Mais c’est le Val Fourré qui fut son plus gros projet. L’école primaire Colette-Rousseau est également signée de sa main. Ce chapitre aborde la mixité culturelle avec une page dédiée à la grande mosquée. Enfin, Hélène Bouisson, architecte conseil à la CAUE des Yvelines, nous livre son point de vue d’architecte sur la ville comme système de relations en s’intéressant aux cadastres et à l’adaptation aux lignes urbaines existantes telles que celles des fortifications et de la Vaucouleurs.

 

         En l’absence d’une réelle introduction et d’une problématique claire, le lecteur se sent perdu à la lecture des premiers paragraphes, ce n’est qu’à l’entame du deuxième chapitre qu’il comprend que la première partie de l’ouvrage est une généralité dont certains points sont éclaircis et mis en lumière dans les chapitres suivants. De la même façon, aucune conclusion ne vient clore le livre, laissant le lecteur sur sa faim. Toutefois, l’ouvrage de Roselyne Bussière mérite que l’on s’y attarde. Le lecteur découvre ou redécouvre la richesse de la ville de Mantes. S’il s’agit d’un ouvrage grand public destiné à faire le point sur le patrimoine mantais, il n’en demeure pas moins qu’il conserve une écriture de qualité complétée par une iconographie riche et variée. Le lecteur curieux est satisfait, désireux de se rendre sur place pour découvrir de ses yeux cette riche histoire.

 

 

SOMMAIRE

 

2-3 Préfaces

 

7 L’ETERNEL PALIMPSESTE

 

8 Une ville en ses fortifications

8 Rêves d’Antiquité
10 Mantes-la-Royale 1110-1318
16 Un enjeu de la guerre de Cent Ans (1318-1457)
20 La « petite capitale » de la France

21 Mantes, ville ouverte (1594-1789)

21 Un château abandonné
22 Une ville très catholique
24 Le démantèlement des remparts
25 L’embellissement des fortifications
28 L’habitat : la « belle manière de construire »

29 Mantes-sur-Seine, une sous-préfecture ambitieuse

29 Vandalisme révolutionnaire et remise en état
32 Un besoin d’expansion
32 Une ville de notables et de commerçants
33 Meuniers et tanneurs le long de la Vaucouleurs
34 Les nouveaux quartiers

35 Gassicourt « De l’heureux âge agricole » à l’ère industrielle

35 Un prieuré Clunisien
36 Un petit village des cultivateurs
36 Le XIXe siècle : « fini l’heureux âge agricole ! »
38 Un village en quête d’urbanisme

39 Mantes-Gassicourt : l’obsession de la modernité

39 Equipements publics et logement social sous Auguste Goust
40 La résorption de l’habitat insalubre
41 Raymond Lopez et la Reconstruction
42 Le bulldozer de la modernité dans le centre
46 « Bien lotis »
48 Le Val Fourré, « légende dorée d’une modernisation triomphante »

 

54 LE BEAU MOYEN ÂGE

 

56 Fortifications
61 Collégiale Notre-Dame
70 Les objets de la collégiale au XIXe siècle et leur protection au titre des monuments historiques par Catherine Crnokrak
72 Alphonse Durand, la passion des monuments
73 Sainte-Anne de Gassicourt

80 CLASSICISME A LA MANTAISE

82 Tour Saint-Maclou
83 Hôtel-Dieu
84 Le musée de l’Hôtel-Dieu par Jeanne Paquet
90 Ponts de Mantes
92 Hôtels particuliers
98 Maisons de bourg

 

100 LE SIECLE DES NOTABLES

 

103 Sous-préfecture
103 Palais de justice
104 Temple
105 Ecole Hélène Boucher
106 Musée Duhamel
108 Tanneries et moulins
110 Gares
112 De la papeterie Braunstein à l’usine Dunlop par Nicolas Pierrot
116 Habitat du centre-ville
118 Maisons suburbaines
124 Maisons de notables et villas

 

124 LA COURSE A LA MODERNITE

 

126 Ancien couvent des Ursulines
127 Immeuble HBM
128 Cité-jardin des Martraits
130 Gendarmerie
131 Groupe scolaire Ferdinand-Buisson
132 Reconstructions
136 Hôtel de ville
139 Médiathèque Georges-Duhamel
140 Lycées Saint-Exupéry et Jean-Rostand
142 Val Fourré
148 La ville comme système de relations par Hélène Bouisson

 

153 Annexes

 


N.B. : Aline Warie prépare actuellement une thèse de doctorat intitulée "La collégiale Notre-Dame de Mantes-la-Jolie et la première architecture gothique" sous la direction de M. Arnaud Timbert (université de Picardie-Jules-Verne).