Guillot de Suduiraut, Sophie (dir.): Le retable anversois de la cathédrale de Rennes. Un chef-d’oeuvre révélé. 208 p., 22 x 28 cm, ISBN : 978-2-7535-7564-6, 32 €
(Presses universitaires de Rennes, Rennes 2019)
 
Compte rendu par Gilles Soubigou, Conservation régionale des monuments historiques Rhône-Alpes
 
Nombre de mots : 3380 mots
Publié en ligne le 2021-02-25
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3795
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          Pour débuter la présente recension, nous voudrions évoquer un souvenir personnel. Il faut en effet faire comprendre tout ce que, lorsque nous fréquentions à la fin des années 1990, jeune étudiant en histoire de l’art à l’Université Rennes 2, les lieux patrimoniaux de cette ville, le retable anversois de la cathédrale de Rennes avait de discret, d’unique et de relativement mystérieux. Discret, il l’était assurément, puisqu’il se dissimulait plus qu’il ne se montrait dans une chapelle latérale de la cathédrale, sans recul possible, enfermé dans une vitrine en acier et verre blindé. On trouvera cet état ancien de présentation dans la chapelle Saint-Melaine reproduite p. 183 de l’ouvrage publié par les Presses universitaires de Rennes (PUR) en 2019. Unique, il l’était sans l’être, mais nous ne devions découvrir que quelques années plus tard, avec le retable de Philippe de Gueldre de Pont-à-Mousson (daté 1543), ce qu’étaient les retables d’Anvers au XVIe siècle, et en quoi l’exemplaire de Rennes se rattachait à cette famille typologique. Mystérieux, il l’était bien, ne serait-ce que par le manque criant d’informations alors disponibles in situ comme dans les guides et ouvrages d’art consacrés à la ville. D’où venait-il ? De quand datait-il ? Pourquoi se trouvait-il – et si peu visible – dans ce vaste intérieur néoclassique ? Toutes ces questions, un important chantier d’étude, de restauration et de remontage ont permis à une équipe pluridisciplinaire d’y apporter de nouvelles réponses. Réponses mises à la disposition des scientifiques comme du grand public dans cette belle publication.

 

         Sous la direction scientifique de Sophie Guillot de Suduiraut, conservatrice honoraire du patrimoine et ancienne conservatrice en chef au Département des sculptures du Musée du Louvre, spécialiste de la sculpture brabançonne, et sous la coordination de Cécile Ouhen, conservatrice des monuments historiques à la conservation régionale des monuments historiques (CRMH) de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bretagne, Le retable anversois de la cathédrale de Rennes. Un chef-d’œuvre révélé rejoint d’autres publications récentes sur des chantiers de restauration d’objets mobiliers majeurs protégés au titre des monuments historiques ou conservés dans des monuments historiques, dont l’ambition est de rendre accessible et compréhensibles toutes les étapes de réflexion et d’action qui ponctuent ce type d’entreprises. Citons par exemple le catalogue de l’exposition Bronzino. Déploration sur le Christ mort. Chroniques d’une restauration (Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, 2007) ou l’ouvrage collectif dirigé par Yves Cranga et Marie-Claude Léonelli, Le Triptyque du Buisson ardent (Actes Sud et DRAC PACA, 2011).

 

         L’ouvrage s’ouvre par un beau cahier iconographique en pleine page, scindé en deux parties (p. 6-15 et 24-38) qui encadrent les préfaces du préfet de département et de l’archevêque de Rennes et l’ « Avant-propos » (p. 22-23), signé par le conservateur régional des monuments historiques de Bretagne, Henry Masson. Ce dernier texte replace la réalisation de ce livre dans la perspective des chantiers de restauration de la cathédrale – propriété de l’État-ministère de la Culture – et d’aménagements du trésor, menés par la CRMH Bretagne. Il rappelle également que la réflexion sur l’étude, la restauration et la nouvelle présentation du retable est née d’un événement malheureux : le vol, en juin 2007, des trois reliefs de la prédelle, dont un seul, à ce jour, a été retrouvé, restitué et réintégré. Le retour du relief du Mariage d’Anne et de Joachim et sa restauration, d’une part, et les conclusions de l’étude préalable de 2013 sur la conservation et la sécurisation du retable, d’autre part, ont conduit à envisager une opération d’envergure dans laquelle se sont engagés tous les agents et toutes les agentes de la CRMH Bretagne. Compte tenu de la qualité de l’œuvre, un comité scientifique a été rassemblé – dont les membres sont nommément cités – et la qualité et la quantité des informations apportées par le travail de ce comité et des restaurateurs ont conduit très tôt à envisager cette publication, adressée, comme le note l’auteur, tant au grand public qu’aux spécialistes. Il souligne l’implication de tous les membres de la CRMH, tout au long de ce qu’il qualifie, avec malice, de « beau projet de service », tant sans doute il est vrai que le quotidien des tâches administratives a besoin d’être relevé, régulièrement, de la fierté de toutes et tous à œuvrer concrètement et physiquement à la préservation du patrimoine.

 

         Les essais sont logiquement introduits par une nécessaire mise en perspective, avec le texte de Sophie Guillot de Suduiraut intitulé « Les retables anversois. Un art majeur des anciens Pays-Bas au XVIe siècle » (p. 39-51). Ce texte de contextualisation débute par une précision sémantique, le rejet de la désignation de la production artistique originaire d’Anvers comme « flamande », pour lui préférer les termes « brabançonne » ou, tout simplement, « anversoise », ce qui correspond au statut politique de cette ville et à sa situation géographique dans les anciens Pays-Bas méridionaux, loin de la Flandre (autour de Bruges et Gand). Quelques repères chronologiques suivent, pour résumer la complexe destinée des états de Charles le Téméraire après sa mort (1477), pendant un petit siècle qui voit l’essor économique et artistique des provinces des anciens Pays-Bas, et notablement du port d’Anvers. Cœur économique du Brabant, la ville est aussi un centre artistique de premier plan, qui se spécialise dans la production de retables d’autels. Après avoir brièvement rappelé l’usage liturgique du retable (y compris pour la dévotion privée), Sophie Guillot de Suduiraut entre ensuite dans le vif du propos, en définissant tout d’abord ce qui caractérise les retables brabançons, avant de s’intéresser à la production anversoise proprement dite. De manière synthétique et précise, la structure des retables brabançons, en bois, à volets mobiles, présentant à la fois des peintures – disparues dans le cas du retable de Rennes – sur les volets et des sculptures dorées et polychromées dans la caisse, ou « huche » compartimentée, est analysée, de même que la finalité narrative et dévotionnelle de ces ensembles, dont la production est assurée par plusieurs corps de métiers coordonnés. Le système des guildes en vigueur dans le Brabant explique l’obligation d’appliquer des marques de garanties, d’où la présence sur les retables anversois des fameuses « mains » – apposées au fer chaud, avant polychromie – de la guilde de Saint-Luc qui, spécificité de cette ville, rassemblait à la fois les sculpteurs et les peintres. Après la pose de la polychromie, c’est un fer figurant une tour qui est apposé, afin de garantir la double inspection du retable par la guilde. Après avoir détaillé les techniques de polychromie et de dorure ainsi que les variations de style des retables anversois, cet essai se conclut sur l’ampleur de la production anversoise au XVIe siècle. 180 retables anversois sont aujourd’hui encore conservés, parmi lesquels 20 en France, dont la liste est donnée en note.

 

         Le second essai, aussi original qu’utile, et dans le direct prolongement du texte précédent, a été confié à Christine Jablonski, conservatrice des monuments historiques à la CRMH Bretagne, qui y présente « Les retables des anciens Pays-Bas en Bretagne » (p. 53-61). En effet, cette région est surtout connue pour sa très originale production d’ateliers locaux de grands retables en bois polychrome post-tridentins, connus par les travaux maintenant un peu anciens de Paul Gruyer (1927), Victor-L. Tapié, Jean-Paul Le Flem et Annick Pardailhé-Galabrun (1973) ou Yannick Pelletier (1984). Imposants objets de dévotion populaire commandés par les fabriques à des ateliers locaux, dont certains ont été étudiés : Morlaix (Berthouloux), Landerneau (Le Roux), Landivisiau (Lerrel), Quimper (Le Déan), Tréguier (Corlay) ou les sculpteurs de la Marine de Brest, ces productions des XVIIe et XVIIIe siècles, parfois malmenées par l’histoire et les effets du Concile Vatican II, attirent tous les regards. Cet essai se concentre, lui, sur la pénétration des réalisations brabançonnes, due à la position de plaque tournante du commerce entre Mer du Nord, Manche et Atlantique du duché de Bretagne aux XVe et XVIsiècles. S’appuyant sur les travaux d’inventaire réalisés par Gildas Durand dans le cadre de sa thèse soutenue en 1989, ce texte démontre l’existence d’un corpus important résultant de ces échanges commerciaux. Si quelques archives permettent de témoigner de l’existence de commandes spécifiques – comme l’achat d’un retable à Anvers en 1542 par un habitant de Rennes – c’est bien la présence, dans les églises et les collections bretonnes, d’œuvres originaires des Pays-Bas qui témoigne de la vigueur de ces échanges, tout comme la forte présence d’albâtres anglais témoigne des relations avec les îles britanniques. L’autrice souligne l’importance des chantiers de restauration pour approfondir la connaissance de ce corpus, notamment en effectuant des relevés des mains d’Anvers et en étudiant les polychromies anciennes, souvent recouvertes. Sont ainsi mentionnés les retables – ou fragments de retables – anversois de la chapelle de Kerdévort à Ergué-Gabéric, de Rosporden, de Guingamp... De belles comparaisons sont faites, par exemple entre la Vierge de Pitié de l’église de Pont-l’Abbé et une autre Vierge de Pitié conservée à l’église de Netterden (Pays-Bas), qui montre de façon très concrète les procédés de répétitions de modèles quasiment en séries qui caractérisent la production anversoise. L’article se termine par une évocation de l’influence des formes et techniques brabançonnes dans la production des ateliers locaux bretons, témoignant d’un goût constant des commanditaires pour ces formes nordiques. On se demande d’ailleurs, en lisant cet article, dans quelle mesure un travail similaire mené sur le département voisin de la Loire-Atlantique, anciennement intégré au duché de Bretagne, contribuerait à confirmer les pistes tracées par l’autrice.

 

         Le troisième essai, rédigé par Cécile Oulhen, intitulé « D’ors et d’ombres. L’histoire du retable » (p. 63-85), s’attaque à la tâche difficile de retracer le parcours du retable de Rennes. Difficile car, comme souvent pour ce type d’éléments mobiliers présents dans les cathédrales et églises de France, les archives sont souvent inexistantes ou muettes pour en expliquer les circonstances d’arrivée dans un édifice qui, de plus, dans le cas de Rennes, n’est pas l’édifice d’origine, puisque la cathédrale Saint-Pierre de Rennes, épargnée par l’incendie de 1720, a été démolie à la fin du XVIIIsiècle et lentement reconstruite, jusque sous le Second Empire. Seules deux dates sont connues avec certitude, qui servent de point de départ à la documentation : v. 1520, la datation du retable (l’étude dendrochronologique ayant établi que les arbres dont on s’est servi avaient été abattus après 1512) et 1872, la date de son installation dans la nouvelle cathédrale. L’autrice doit se livrer à des conjectures, très étayées, pour émettre des hypothèses sur l’arrivée de ce retable à Rennes : probable œuvre de commande religieuse, peut-être pour un lieu de dévotion mariale (en adéquation avec son programme iconographique), ou comme le suggère un procès-verbal de 1755 (retranscrit p. 67), directement pour l’ancienne cathédrale, où il aurait servi de retable du maître-autel. Si cette hypothèse est la bonne, plusieurs commanditaires peuvent être envisagés, les hypothèses d’une commande ducale ou épiscopale étant examinées. L’autrice examine ensuite ce qu’a pu être le cheminement du retable entre la destruction de l’ancienne cathédrale et la fin des travaux de la nouvelle. À cet égard est exploitée une inscription manuscrite retrouvée en 2014 par Sophie Guillot de Suduiraut au dos d’un personnage de l’Adoration des mages de Rennes, conservé au musée de Cluny (une retranscription de cette longue inscription est donnée p. 78 par Damien Berné, conservateur au musée de Cluny). Indiquant la découverte de ce relief en 1793 dans une armoire de sacristie, elle suggère que le retable était déjà, à cette époque, au moins partiellement démonté, voire mutilé. Plusieurs sources mentionnent le passage du retable à la chapelle de l’hôpital Sainte-Anne, disparue depuis, dans l’église Saint-Aubin ou, après la Révolution, dans l’église Saint-Melaine, « entassée par morceaux » rapporte un témoin dans un texte de 1883. Dans les années 1840, il est transféré dans les greniers de l’évêché, où il est redécouvert par les sociétés savantes locales – et notamment la Société française d’archéologie –, qui mènent le combat pour son sauvetage. Les archives administratives ont été mises à profit par l’autrice pour étudier de manière détaillée l’histoire de la reconstitution du retable (plusieurs éléments déposés sont retrouvés à cette époque) et de son installation à la cathédrale en 1872, dans la chapelle Saint-Melaine, et dans la configuration où il demeurera jusqu’en 2013. Plusieurs éléments, toutefois, ne sont pas replacés à l’époque sur le retable. S’ouvre alors une nouvelle période, qui est celle des déprédations et vols qui affectent malheureusement de façon régulière le retable, jusqu’à la décision de le déposer et de le présenter de manière sécurisée dans le nouveau trésor. Pendant cette période eut également lieu une première restauration du retable, en 1959, par le « maître huchier » René Hémery.

 

         Dans le long et très informé essai qui suit, « La Vierge souveraine. Le programme iconographique, les sculptures déplacées, perdues et retrouvées » (p. 87-123), Sophie Guillot de Suduiraut présente les pistes nouvelles ouvertes par l’étude et la restauration dont a bénéficié le retable, qui en ont logiquement modifié la connaissance et la perception. Malgré la perte des volets peints – et donc l’impossibilité d’en connaître le programme iconographique – et de groupes sculptés, les thèmes, centrés sur la vie de la Vierge, l’enfance et la généalogie du Christ (Arbre de Jessé) correspondent bien à des axes forts de la production anversoise, et sont autant d’indices, comme on l’a vu dans un essai précédent (les deux textes de l’ouvrage, à cet égard, se répètent d’ailleurs quelque peu), sur les circonstances de la commande et sur les pratiques dévotionnelles qui y étaient associées (notamment la devotio moderna). Cet essai analyse aussi les inscriptions peintes, avant de commenter de manière approfondie les principales scènes de chaque compartiment, scènes qui ont été parfois recomposées à l’occasion du chantier de dépose et de repose du retable, de nouvelles localisations étant déterminées pour certaines figures, mal disposées au XIXe siècle.

 

         Le texte qui suit, « D’un ciseau hardi et magistral. L’étude stylistique et formelle » (p. 125-141), également signé Sophie Guillot de Suduiraut, complète le précédent. L’autrice y analyse, comme le titre l’indique, le langage formel et stylistique du retable, dont elle souligne la haute qualité d’exécution. Des parallèles établis au sein du retable même, ou avec d’autres retables contemporains, ou encore avec des œuvres picturales, concluent à l’inclusion de cette œuvre dans son temps et dans son milieu, au sein d’un atelier remarquable par la cohésion du travail de tous les intervenants, sous la houlette d’un maître qui reste toujours à identifier.

 

         Le texte suivant, confié à Aubert Gérard, Sophie Guillot de Suduiraut, Pascale Fraiture et Armelle Weitz, « L’étude du bois, de la structure et des éléments sculptés » (p. 143-157) fait entrer dans le champ de l’étude et de la restauration proprement dites du retable de Rennes. Le chantier avait été confié au Centre régional de Restauration et de Conservation des œuvres d’art (CRRCOA) de Vesoul, qui avait déjà, notons-le, restauré le retable de Philippe de Gueldre de Pont-à-Mousson entre 2005 et 2007. Entre 2014 et 2018, il a mené l’étude puis la restauration du retable de Rennes. L’essai sur le bois révèle l’utilisation d’un chêne balte de grande qualité, alors très prisé à Anvers (les routes marchandes de l’époque sont analysées), et dont l’examen dendrochronologique révèle des dates d’abattage (vers 1512 pour l’un, entre 1505 et 1534 pour un autre, entre 1499 et 1522 pour un troisième). De très intéressantes photographies illustrent ce texte, particulièrement impressionnantes lorsqu’elles montrent, par exemple, la caisse (ou « huche ») vidée de ses groupes sculptés (p. 148-149), les détails de certains dispositifs de fixation ou les traces des charnières des volets. Enfin, un relevé des marques, très précis, est proposé (p. 156).

 

         Le texte suivant, signé Juliette Levy-Hinstin, est consacré à « L’étude de la polychromie » (p. 159-179). La suppression d’un épais vernis brun sombre lors de la restauration a permis de redécouvrir la belle polychromie d’origine, qui a trop souvent disparu des œuvres isolées, conservées dans des collections particulières puis dans des musées, où le goût du XIXe ou du début du XXe siècle les a souvent fait décaper, comme on le voit par exemple p. 136 avec une œuvre conservée au Rijksmuseum. La structure de cet essai suit les différentes étapes du travail des peintres et des doreurs : encollage, application d’une préparation blanche, des feuilles métalliques puis des couleurs, et techniques spécifiques à la réalisation des décors. Une fois encore, de belles photographies de détails permettent d’illustrer des techniques aussi fine que les décors au poinçonné ou les décors a sgraffito. L’étude du retable de Rennes est, comme toujours, replacée dans le contexte plus général de la connaissance scientifique des retables de même typologie.

 

         Pour terminer, le dernier essai, rédigé par Aubert Gérard et Juliette Levy-Hinstin, est consacré à « La restauration » (p. 181-199). C’est, nous l’avons dit, le CRRCOA qui a accueilli dès 2013 le retable déposé, préalable nécessaire à son étude puis à sa restauration, et étape délicate dont la complexité est bien illustrée (p. 185). Ayant remporté, après consultation, le marché de restauration, il a mené ce chantier dans ses locaux entre février 2016 et mars 2018. Une équipe de huit restaurateurs et restauratrices a œuvré sur place, en partenariat avec l’Institut royal du Patrimoine artistique de Bruxelles et le Centre national d’évaluation de photoprotection de Clermont-Ferrand. L’article détaille les observations d’attaques xylophages, de mutilations volontaires de figures, de dissociation de la prédelle et de la caisse, de renforts métalliques ayant fait éclater le bois... Les solutions techniques à tous ces dérèglements sont détaillées et illustrées : ainsi de la phase d’anoxie, très maîtrisée par le CRRCOA qui s’est spécialisé dans les grands volumes (p. 186, ill. 11). L’article insiste sur les étapes de validation des choix de réintégration ou de restitution les plus délicates par le comité scientifique, étroitement associé. Enfin, ce texte permet d’apprécier pleinement la restauration de la polychromie d’origine, dissimulée sous un badigeon peut-être posé dans les années 1970. Beau cas d’étude également que le replacement dans le retable de la Vierge de la Nativité, conservée au musée des beaux-Arts de Rennes, après suppression de repeints du XIXsiècle (p. 196-197).

 

         Ce livre a bénéficié d’un suivi éditorial de grande qualité. Les textes se répondent de manière souple, avec une grande unité dans le propos et dans le vocabulaire. Une bibliographie et un index le complètent très utilement, signe que, tout en tenant en main un « beau livre » nous restons chez un éditeur universitaire, soucieux du confort des chercheuses et des chercheurs. Paru en mai 2019, il ne comprend donc malheureusement en revanche pas d’images du retable tel qu’il est désormais mis en valeur dans la salle du trésor de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes. Cette dernière a en effet été inaugurée après sa parution, le 12 juin de la même année dans l’ancienne sacristie secondaire de l’édifice. Cette inauguration concluait l’important chantier de restauration de l’édifice, mené par la DRAC de 2009 à 2014, avec l’accord de principe et la collaboration du clergé affectataire. On ne peut qu’inviter les lecteurs et lectrices de ce livre à s’y rendre, pour constater comment son actuelle mise en valeur boucle la boucle. Désormais exposé en fond de salle, le retable bénéficie d’une perspective suffisante pour en apprécier la composition. Il s’est vu retirer sa base maçonnée, ce qui en allège la composition et restitue sa forme véritablement anversoise. Toutes les conditions de conservation et de sécurisation y ont été rassemblées (voir à ce propos le texte d’Henry Masson p. 23) et l’on peut espérer que, cette fois, nul vol ou dégradation ne viendra de nouveau poser la question de la préservation de cette œuvre magnifique enfin mise en lumière comme elle le méritait.

 

 

Sommaire

 

Avant propos, par Henry Masson, p. 22

 

I. Les retables anversois. Un art majeur des anciens Pays-Bas au XVIe siècle, par Sophie Guillot de Suduiraut, p. 39

 

II. Les retables des anciens Pays-Bas en Bretagne, par Christine Jablonski, p. 53

 

III. D’ors et d’ombres. L’histoire du retable, par Cécile Oulhen, p. 63

 

IV. La Vierge souveraine. Le programme iconographique, les sculptures déplacées, perdues et retrouvées, par Sophie Guillot de Suduiraut, p. 87

 

V. « D’un ciseau hardi et magistral ». L’étude stylistique et formelle, par Sophie Guillot de Suduiraut, p. 125

 

VI. L’étude du bois, de la structure et des éléments sculptés, par Aubert Gérard, Sophie Guillot de Suduiraut, Pascale Fraiture et Armelle Weitz, p. 143

 

VII. L’étude de la polychromie, par Juliette Levy-Hinstin, p. 159

 

VIII. La restauration, par Aubert Gérard et Juliette Levy-Hinstin, p. 181

 

Sources manuscrites, documents, p. 200

 

Bibliographie, p. 200

 

Index, p. 206

 

Crédits photographiques, p. 207