Bonvalot, Nathalie – Passard, Françoise: Évans, à l’aube du Moyen Âge. La nécropole d’Évans «Sarrazins» (VIe-VIIe siècle). L’église funéraire du «Champs des Vis» (VII-Xe siècle) (Jura). 266 p., 21 x 29,7 cm, ISBN : 9782848677118, 40€
(Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon 2019)
 
Compte rendu par Thomas Creissen, Université François Rabelais de Tours
 
Nombre de mots : 4002 mots
Publié en ligne le 2021-12-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3870
Lien pour commander ce livre
 
 

         Cet ouvrage collectif est consacré à deux ensembles funéraires haut-médiévaux, la nécropole des « Sarrazins » et celle du « Champ des Vis ». Localisés dans le Jura, au sein de la commune d’Évans, ces sites fouillés entre 1987 et 1995 étaient déjà partiellement publiés. Toutefois, aucune monographie ne leur avait été consacrée. C’est donc à cette publication exhaustive que s’attache cet ouvrage orchestré par Nathalie Bonvalot (N. B.) et Françoise Passard-Urlacher (Fr. P-U.) en collaboration avec de nombreux co-auteurs.

 

         La préface est signée de Jean Terrier (p. 5-6). Elle consiste pour l’essentiel en un résumé problématisé très bien mené qui relève d’emblée les enjeux de l’enquête, soulève l’ampleur de la tâche et encense le travail de recherche effectué par les contributeurs en vue d’élargir les perspectives. Il justifie aussi l’absence d’étude taphonomique qui s’explique tout à la fois par la mauvaise conservation des vestiges, les conditions de la fouille et, surtout, l’évolution des méthodes d’investigation. L’auteur souligne aussi l’intérêt paradoxal de publier longtemps après l’achèvement de la fouille : cela permet de profiter des avancées de la recherche et donc d’élargir le champ des comparaisons.

 

         L’introduction est co-écrite par N. B. et Fr. P.-U. (p. 7-10). Leur texte évoque les évolutions majeures intervenues dans le domaine de l’archéologie préventive depuis la réalisation de ces fouilles, ceci expliquant certains manques. Elles expliquent ensuite la genèse de cette publication : plusieurs programmes de recherches récents ont permis de replacer ces sites dans un contexte plus large, cet élargissement des perspectives ayant été essentiel pour dater des structures auxquelles n’était pas rattaché de mobilier caractéristique.

 

          Le premier chapitre est intitulé « Environnement archéologique et historique » (p. 17-30). Il débute par trois contributions de N. B. et Fr. P.-U. Dans la première – Présentation des sites d’Évans « Sarrazins » et « Champs des Vis » (p. 18-19) – se trouve une rapide évocation du cadre géographique, les lieux se distinguant notamment par leur proximité avec une grande voie reliant Besançon à Chalon-sur-Saône. Dans la seconde – « Les sources archéologiques anciennes », p. 19 – un rapide panorama des fouilles réalisées dans ce secteur depuis les années 1840 est dressé. Enfin, leur dernier texte – « Le secteur d’Évans durant l’Antiquité et le haut Moyen Âge », p. 20 – offre une bonne synthèse du contexte archéologique : occupation attestée dès la période protohistorique, nombreuses villas associées au réseau viaire dans l’Antiquité – période pour laquelle un sanctuaire est connu –, traces d’occupations de l’Antiquité tardive et, pour finir, nombreuses nécropoles du haut Moyen Âge. Une carte (fig. 5) illustre utilement le propos.

 

         Les contributions suivantes se rapportent au contexte historique. Gérard Moyse commence par évoquer « Le contexte historique local du haut Moyen Âge au témoignage des sources écrites » (p. 20-23). René Locatelli s’intéresse à « L’apport documentaire des XIe-XIIe siècles » (p. 23-28). À vrai dire, les sources textuelles sont rares et elles ne concernent pas directement les lieux étudiés, aussi le propos entretient-il un rapport plutôt ténu avec ces sites. Les deux textes offrent toutefois un aperçu des principales évolutions que connaît la région au cours du premier Moyen Âge : recomposition territoriale avec l’arrivée des germains ; implication des nouvelles élites dans l’organisation religieuse ; montée en puissance de l’abbaye de Saint-Oyan au cours de la période carolingienne, puis progressif essor de l’Église métropolitaine de Besançon ; passage dans l’orbite germanique au cours du XIe siècle alors que la réforme grégorienne se diffuse. Cette époque est également marquée par une réorganisation du tissu paroissial. Plusieurs cartes permettent de visualiser ces transformations, mais là encore ces données ne résonnent pas franchement avec les sites fouillés.

 

         Le deuxième chapitre concerne « La nécropole mérovingienne des “Sarrazins” (VIe-VIIe siècle) » (p. 31-94). Il est divisé en plusieurs sous-chapitres dont le premier s’intitule « Organisation de la nécropole et aménagement des tombes » (p. 33-42). La première contribution – « L’espace funéraire » (N. B. et Fr. P.-U., p. 35) – contient des considérations générales sur la configuration du site et l’organisation générale de la nécropole, dont on apprend d’emblée qu’elle comprend deux grandes zones (sans que rien ne soit dit des critères permettant de les discriminer).

 

         La partie suivante dresse une typologie des tombes (« Les aménagements des tombes », Fr. P.-U., p. 35-40). Plusieurs grandes catégories sont attestées aux Sarrazins : fosses simples, chambres funéraires, sarcophages, coffres en pierre… Le propos, où alternent descriptions, comparaisons et considérations générales, est intéressant, mais un peu difficile à suivre. La même autrice consacre un texte aux « Sépultures et aménagements extérieurs » (p. 41) dont le lien avec le titre n’est pas toujours très clair. On y apprend que la décomposition s’est principalement faite en milieu ouvert, que quelques sépultures multiples sont attestées et que des trous de poteaux ont parfois été repérés autour des sépultures, sans que leur fonction ne soit réellement interrogée. Rien n’est dit de l’existence d’éventuels marquages de surface.

 

         Le sous-chapitre suivant est consacré au « mobilier funéraire » (p. 43-64). Il débute par une contribution de Sophie Gizard (S. G.), « Les ceintures, les aumônières, les châtelaines et les accessoires associés » (p. 45-51). Chaque catégorie y est présentée, des éléments les plus simples aux pièces richement ornées. Des comparaisons et des élargissements bibliographiques sont effectués et des figures – accompagnées de planches – illustrent le propos de manière complète, qu’il s’agisse de photos, de dessins du mobilier ou bien encore de la carte de répartition. L’auteur propose également une chrono-typologie très claire. L’analyse relève la quasi-absence de déterminisme sexuel pour la typologie des dépôts, à l’exception des châtelaines, réservées aux femmes, et des aumônières, destinées aux hommes. Une incise de Fr. P.-U. est consacrée au « briquet de la tombe masculine S. 51 », (p. 51), un objet en silex rapproché d’autres découvertes régionales.

 

         « L’armement » est étudié entre les pages 52 et 55. « Les scramasaxes et leurs fourreaux » sont présentés par S. G. L’exposé suit toujours le même déroulement : typologie, comparaisons, datation… Dessins et tableaux de mesures complètent le texte. Viennent ensuite quatre contributions de Fr. P.-U. qui se rapportent à des éléments remarquables : un umbo, un fer de lance, un fer de hache et des pointes de flèches (p. 54-55).  

 

         Dans la partie consacrée aux « Parures » (p. 55-61), les perles sont étudiées par Fr. P.-U. qui reprend une typologie préexistante – Verre Opaque Monochrome, Verre Opaque Polychrome, Verre Translucide Monochrome, Verre Translucide Polychrome – et multiplie les comparaisons pour tenter d’affiner les datations. Une planche synthétique illustre la typologie (fig. 43). Fr. P.-U. consacre également un paragraphe à une fibule en bronze, tandis que les deux bagues provenant de cette nécropole sont succinctement présentées par S. G. (p. 61).

 

         « La vaisselle funéraire » est présentée par Fr. P.-U. (p. 61-63). Deux grands types de céramique sont présents, les pots biconiques ou les gobelets, dont on ne sait pas exactement où ils ont été retrouvés lors de la fouille. Au cours du VIIe siècle, une tendance à l’allongement s’observe. Cette partie inclut également la présentation d’un gobelet en verre.

 

         La présentation se conclut par une synthèse sur la « Chronologie des tombes des « Sarrazins » co-écrite par Fr. P.-U., S. G. et N. B. (p. 63-64). Il en ressort que la nécropole, utilisée pendant près d’un siècle, a connu deux grandes phases d’occupation. À la première, attribuée à la fin du VIe siècle, correspondent des chambres funéraires complexes, dans lesquelles scramasaxes et boucliers sont fréquents (l’absence d’épée est interprétée comme le possible reflet de pillages). Lors de la seconde phase, les coffres en pierre dominent : ils ne recoupent pas les structures antérieures, ce qui indique que ces dernières étaient toujours connues et/ou visibles.

 

         Le chapitre se poursuit avec un catalogue des tombes (p. 65-79, N. B., Fr. P.-U., S. G.). La présentation des notices est standardisée et déroule les principales informations : sexe, type de tombe, dépôts… Photos ou dessins complètent la plupart des notices. On relèvera l’absence d’orientation sur les plans. Aucune coupe d’un comblement n’est figurée. Les planches, de qualité, sont regroupées en fin de chapitre.

 

         “L’église funéraire du « Champ des Vis » (VIIe-Xe siècle)” constitue le troisième chapitre de l’ouvrage, de loin le plus développé (p. 95-236). Le premier sous-chapitre s’intitule : « Le monument : structures et organisation » (p. 97-108). Il débute par une évocation des quelques traces d’occupations antérieures, dans une partie étrangement intitulée « Une création ex nihilo » (N. B., p. 98). Quelques silex et des éléments antiques, peu nombreux, ont été trouvés sur le site. Une activité métallurgique haut-médiévale, évoquée dans la suite du texte, n’est bizarrement pas mentionnée. La fin de ce court texte, qui concerne les spoliations et les différentes campagnes de fouille, est sans rapport avec le titre choisi.

 

         La partie suivante, anonyme, s’intitule « Plan d’ensemble et caractéristiques générales » (p. 99-105). Quelques photos, de jolis plans et le texte donnent une vision plus complète de l’église. De dimension moyenne - 16,25 m de long x 15,8 de large – celle-ci est orientée nord-est/sud-ouest. Seules les fondations sont conservées. Leur largeur s’échelonne entre 0,55 et 0,65 m. Elles dessinent un bâtiment à plan en tau, avec une nef unique terminée par un chœur plus étroit que flanquent deux pièces quadrangulaires saillantes, elles-mêmes accostées de deux autres annexes très étroites et moins longues. À l’intérieur, le ou les auteur(s) propose(nt) de restituer un arc triomphal à l’entrée du chœur – ce qui expliquerait l’élargissement des maçonneries de ce secteur – ainsi qu’une possible barrière de chancel maçonnée dont seul un fragment serait préservé au sud, sous la forme d’un massif de maçonnerie adossé à la nef. Un alignement de tombes paraît bien indiquer l’existence d’une limite ; pour autant la présence de plusieurs sépultures sur le tracé supposé de la barrière ne semble pas franchement plaider en faveur de cette hypothèse. Pourrait-il s’agir d’une base de pilastre dont le pendant aurait été détruit par la grande fosse de spoliation située au nord ? La lecture proposée pour le chevet reste problématique. Les deux espaces qui flanquent les annexes du chevet sont-ils réellement contemporains du reste de la construction ? Les murs ne sont pas chaînés et le mur ouest des annexes nord (n° 6) présente différentes mises en œuvre qui pourraient indiquer différentes phases de construction. Relevons également que l’existence de galeries latérales est envisagée pour la phase initiale car, notamment, “l’observation des murs (…) qui les ferment au nord-est, indique qu’ils sont, au vu du chaînage, contemporains des murs latéraux (…) de la nef” (p. 103). Si le constat n’est pas faux, il faut toutefois préciser qu’avant d’être les murs du fond d’éventuelles galeries, ces murs appartiennent au chevet… En réalité, la chronologie des galeries – des constructions maçonnées jusqu’à la structure sur poteaux attestée au sud –, ne paraît pas clairement établie. Il faut enfin préciser que l’extrême rareté des fragments de tuiles invite à restituer une couverture en matériau périssable.

 

         La partie suivante – toujours anonyme – est intitulée « L’église d’Évans, un plan type » (p. 105-106). De nouveau, l’hypothèse de l’existence d’un chancel est formulée, lequel aurait été destiné à protéger un presbyterium ici entendu comme un espace destiné à accueillir des sépultures privilégiées. Dans le chœur, un autel est supposé et des baies colorées restituées. Cette partie se conclut par une bonne mise en perspective évoquant les autres plans en tau ou apparentés connus dans la région : à l’origine, il s’agirait d’un plan plutôt urbain rencontré dans d’anciens sites antiques, qui se diffuse ensuite dans les campagnes. L’église de Chassey-lès-Montbozon, avec son abside, montre qu’il ne s’agissait toutefois pas du seul type de plan utilisé.

 

         Vincent Bichet est l’auteur d’une partie très intéressante intitulée « Origine des matériaux géologiques » (p. 107). Les deux faciès les plus utilisés sur le site correspondent à des calcaires locaux, récoltés en surface dans un rayon de 200 m ou récupérés lors des travaux de terrassement préalables à la construction de l’église. Un autre type de calcaire, plus rarement utilisé, affleure à environ 1 km en contrebas. Les sarcophages et les quelques blocs architecturaux remployés sont en calcaire du rauracien, un calcaire oolithique plus fin que l’on trouve à 15 ou 20 km d’Évans et qui a été utilisé dès l’Antiquité.

 

         Le sous-chapitre suivant s’intitule « Inhumer à l’intérieur et à l’extérieur de l’église » (p. 109-126). Il débute par une contribution de N. B. et Fr. P.-U. consacrée aux « modes d’aménagement des tombes » (p. 109-126). 210 structures d’inhumation ont été identifiées, qui se répartissent entre plusieurs grands types : fosses, coffres, sarcophages… Les fosses sont les plus nombreuses, mais les coffres maçonnés sont également bien représentés. À l’inverse, les sarcophages, parfois décorés, restent exceptionnels. Chaque catégorie est ici présentée, et des plans très explicites ainsi que des relevés et des photos complètent le propos. Aucune réelle logique de répartition par grand type ne se distingue. Les auteurs mettent l’accent sur la fréquence des réouvertures de tombes documentées par les dépôts multiples, un phénomène qui est mis en relation avec ce qui a été observé sur d’autres sites de la même période.

 

         La sous-partie suivante s’intitule « Population inhumée, sépultures, réutilisations et manipulations des ossements » (p. 127-150). Elle débute par une présentation de Luc Buchet (p. 128-140) dans laquelle sont résumés les principaux acquis de l’étude anthropologique : recrutement qui laisse entr’apercevoir une légère surreprésentation des hommes ; présence de toutes les classes d’âge ; mauvais état sanitaire et plusieurs cas de blessures violentes ayant pu entraîner la mort ; nombreuses sépultures multiples. L’étude est particulièrement bien menée.

 

         La partie sur les « Sépultures et gestes funéraires » (Fr. P.-U., N. B., p. 141-150) qui contient une sous-partie de Fr. P.-U.  (« Remarques sur les associations d’individus et répartition de la population inhumée ») est plus difficile à suivre car elle mélange, sans claire distinction, description de la nécropole et synthèse régionale. Elle est accompagnée par de belles cartes de répartitions.

 

         Le mobilier funéraire est présenté entre les p. 151 et 162. Fr. P.-U. traite de « La parure et les accessoires vestimentaires » (p. 152-157). Une remarquable bague inscrite, des chaînettes, mais aussi des agrafes – généralement trouvés dans la zone supérieure des corps – sont présentées et comparées avec d’autres découvertes régionales. Une longue présentation est consacrée à la même auteur aux « éperons de la tombe T. 83 » (p. 157-162). Si ce type à décor de grenat est connu dès la première moitié du VIe siècle, l’ensemble doit dater du VIIIe, époque pour laquelle ce type d’éperons est rare. Une carte de répartition des tombes à éperons permet de replacer cette découverte dans un contexte plus vaste. La présence de ce mobilier exceptionnel ainsi que l’installation de la tombe dans l’une des annexes flanquant le chevet pourraient indiquer qu’il s’agit d’une tombe privilégiée. Fr. P.-U. évoque enfin une monnaie de Charles le Chauvre associée à la tombe T. 174 (p. 162).

 

         La partie « Céramique, verre et métallurgie » (p. 163-194) débute par la contribution de Stéphane Guyot consacrée à « La céramique », (p. 164-177). Il s’agit d’une étude très complète des 1020 fragments retrouvés lors de la fouille, dont près de 85 % correspondent à des fragments de panses ou parois. Les éléments datant invitent à situer la quasi-totalité du lot au VIIIe siècle (avec également quelques tessons antiques résiduels et de la céramique du XVIIIe siècle)La plupart des fragments sont passés sur le feu. Différents groupes techniques sont individualisés et de belles planches permettent de présenter les principales formes attestées. Au total, le NMI est de 128. Le lieu de découverte précis de ces fragments n’est pas indiqué et aucune hypothèse n’est formulée quant à la raison de la présence de ce lot en contexte funéraire.

 

         Inès Pactat consacre une remarquable partie au « Verre » (p. 178-193). Une centaine de fragments, ont été retrouvés, la plupart du haut Moyen Âge. 68 tessons de verre creux correspondant à un NMI de onze sont typiques des productions du VIIe-VIIIe siècle, voire du début du IXe. Il pourrait s’agir de gobelets, mais le contexte particulier d’Évans amène à envisager leur appartenance à des luminaires d’autant plus que deux autres fragments appartiennent assurément à des lampes. 27 petits fragments de verre plat ont été retrouvés. Ils étaient à l’origine insérés dans un cadre, probablement en plomb : de solides arguments invitent à y reconnaître des éléments de vitrail. L’auteur développe alors un élargissement régional pour évoquer les autres exemples connus et relever les évolutions stylistiques. Dans un premier temps, les vitraux privilégient un décor géométrique usant d’une palette chromatique limitée, et c’est à cette catégorie qu’appartiennent les fragments d’Évans. I. P. souligne également la rareté des fragments comme l’absence d’éléments en plomb, ce qui indique qu’une entreprise de récupération systématique a certainement été organisée. Une étude technique, co-signée avec Bernard Gratuze, est ensuite consacrée à ces éléments (p. 181-188), la partie sur le verre se terminant par un joli catalogue (p. 189-193).

 

         « La métallurgie » est brièvement abordée par Hervé Laurent (p. 194). Plusieurs concentrations de scories non organisées sont interprétées comme le témoignage d’une activité métallurgique, probablement liée à la période 400-seconde moitié du VIIe siècle, pour laquelle de nombreux petits centres de productions sont attestés dans la région, l’activité étant probablement encadrée. Ceci pourrait vouloir dire que ce terrain a une valeur particulière, il aurait pu s’agir d’une « terre fiscale » ?

 

         La partie suivante « L’église funéraire : chronologie et fonction » (p. 195-204) débute par une contribution de Fr. P.-U. et N. B. : « Chronologie des types de tombes et du site : datations relatives et absolues » (p. 196-199). On retiendra principalement que la nécropole a été utilisée du VIIIe au IXe siècle. La sous-partie suivante, des mêmes auteurs, s’intitule « Datations absolues et Mérovingien tardif-période carolingienne », (p. 198-199). Elle consiste essentiellement en une tentative d’élargissement régional, pas toujours facile à suivre. Enfin, ces deux auteurs s’essayent à une « Interprétation du monument » entre les pages 200 et 203. Une fois encore, le propos est ardu et parfois difficile à comprendre. Les traces d’activités métallurgiques semblent ici attribuées à des phases tardives, postérieures à la construction de l’église.

 

         Le « Catalogue des tombes » (p. 205-224) est rédigé par N. B et Fr. P.-U. en collaboration avec L. B. et S. G. La présentation, standardisée, est très concise : données anthropologiques (souvent non disponibles) ; type de sépulture ; dimensions ; mobilier… Aucune illustration n’est présente. En annexes se trouvent de jolies planches de mobilier ainsi qu’un tableau synthétique des données anthropologiques particulièrement clair.

 

         Le chapitre 4 s’intitule : « Du royaume franc de Burgondie à l’Empire carolingien. Évans et la christianisation des campagnes » (p. 237-250). Il débute par une contribution de Fr. P. U. « Les “Sarrazins” : évolution d’un enclos funéraire privilégié ? », (p. 238-241). Grâce à des élargissements, l’évolution des pratiques funéraires est envisagée de manière globale : l’apparition des chambres funéraires vers la fin du VIe siècle ainsi que la multiplication des dépôts funéraires, rares en contexte burgonde, serait le signe d’une influence des modes franques. Progressivement, les dépôts d’armes se raréfient et des coffres en pierre viennent remplacer les grandes chambres funéraires, ce qui marquerait alors un phénomène d’acculturation des nouveaux arrivants.

 

         La présence de nombreuses tombes « franques » dans ce secteur serait le reflet de l’importance stratégique des lieux. La même autrice signe ensuite une partie intitulée « Le “Champ des Vis” et les églises funéraires en milieu rural : des fondations diversifiées », (p. 241-246)Comme le titre l’indique, Fr. P. -U. établit des comparaisons avec d’autres édifices de la région pour souligner la diversité de l’architecture cultuelle du haut Moyen Âge et s’efforce ensuite de préciser la fonction de l’église d’Évans, probablement une église « domaniale » dans laquelle « La commémoration familiale des défunts (…) serait associée à un culte réunissant la communauté », p. 244. Des logiques familiales, lignagères, semblent à l’œuvre dans la mesure où de nombreuses tombes ont été conçues pour être réouvertes. Elle insiste aussi sur le fait que l’apparition de ces nécropoles groupées autour des églises n’a pas signifié la disparition des nécropoles de plein champ. Quelle est la raison de cette dichotomie ? Est-elle l’expression de différences sociales ? Quoi qu’il en soit, l’apparition de l’église d’Évans est la traduction du rôle croissant joué par l’Église dans l’organisation des funérailles.

 

         La conclusion s’intitule « Regards rétrospectifs » (N. B., Fr. P.-U., p. 247-250). Les auteurs y insistent sur l’importance du secteur dès avant l’Antiquité, son développement antique qui se traduit par la présence de nombreux établissements, de nécropoles, d’un sanctuaire… Au haut Moyen Âge, nécropoles et ateliers métallurgiques sont le signe d’un dynamisme maintenu, même si les habitats font défaut. L’étude des nécropoles manifeste une influence des pratiques franques, puis du monde carolingien. Des phénomènes d’appropriation, d’assimilation ou bien encore d’acculturation sont alors à l’œuvre.

 

         Le rôle de plus en plus important joué par le christianisme s’incarne en partie dans l’église d’Évans, qui est une nouvelle fois rapprochée de ce que l’on sait des autres édifices tardo-antiques ou altomédiévaux. Cet élargissement s’appuie pour partie sur une belle planche dont on regrette qu’elle ne soit pas plus grande (fig. 205). Quelques lignes sont ensuite consacrées à la disparition de l’édifice cultuel fouillé et au lien qu’il a pu entretenir avec les paroisses attestées au Moyen Âge central. Cette conclusion, concise, est particulièrement bien menée.

 

         Une bibliographie complète figure entre les p. 251 et 262 et l’ouvrage se termine par un résumé (p. 263-264).

 

         En définitive, ce bel ouvrage collectif, parfois un peu difficile à suivre, se révèle un outil de travail et de réflexion de premier choix, en particulier pour quiconque voudrait travailler sur les usages funéraires du haut Moyen Âge occidental.

 

 

SOMMAIRE

 

Préface, par Jean Terrier, archéologue cantonal, professeur de l’Université de Genève p. 5-6

Introduction, par Nathalie Bonvalot et Françoise Passard-Urlacher p. 7-9

Sommaire p. 11-15

 

I- Environnement archéologique et historique p. 17-29

Présentation des sites d’Évans « Sarrazins » et « Champs des Vis », par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher p. 18-19

Les sources archéologiques anciennes, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher p. 19

Le secteur d’Évans durant l’Antiquité et le haut Moyen Âge, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher p. 20

Le contexte historique local du haut Moyen Age au témoignage des sources écrites, par Gérard Moyse p. 20-23

L’apport documentaire des XIe et XIIe siècles, par René Locatelli p. 23-29

 

II- la nécropole mérovingienne des « Sarrazins », (VIe-VIIe siècle) p. 31-94

Organisation de la nécropole et aménagements des tombes p. 33-42

- L’espace funéraire, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher p. 34-35

- Les aménagements des tombes, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher  p. 35-40

- Sépultures et aménagements extérieurs, par Françoise Passard-Urlacher p. 41-42

Le mobilier funéraire p. 43-64

Les ceintures, les aumônières, les châtelaines et accessoires associés, par Sophie Gizard p. 44-51

- Les ceintures p. 45-50

- Les contenus d’aumônières des sépultures masculines p. 50-51

- Les châtelaines des sépultures féminines p. 51

- Les couteaux des sépultures d’hommes et de femmes p. 51

- Le briquet de la tombe masculine S. 51, par Françoise Passard-Urlacher p. 51

L’armement  52-55

- Les scramasaxes et leurs fourreaux, par Sophie Gizard p. 52-53

- L’umbo de bouclier de la tombe S. 51, par Françoise Passard-Urlacher p. 54

- Le fer de lance de la tombe S. 41, par Françoise Passard-Urlacher  p. 54

- Le fer de hache S. 62, par Françoise Passard-Urlacher p. 54

- Les pointes de flèches, par Françoise Passard-Urlacher p. 54

Les parures p. 55-61

- Les perles, par Françoise Passard-Urlacher p. 55-60

- La fibule en bronze de la tombe S. 65, par Françoise Passard-Urlacher   p. 60-61

- Les bagues, par Sophie Gizard p. 61

La vaisselle funéraire, par Françoise Passard-Urlacher p. 61-63

- La céramique p. 61-62

- Le bol apode en verre de la tombe S. 59  p. 63

Chronologie des tombes des « Sarrazins », par Françoise Passard-Urlacher, Sophie Gizard, Nathalie Bonvalot  p. 63-64 

Catalogue des tombes, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard Urlacher avec la contribution de Sophie Gizard p. 65-79

Planches p. 81-94                                                                    

 

III- L’église funéraire du « Champ des Vis »  p. 95-236

Le monument : structures et organisation p. 97-108

- Une création ex nihilo, par Nathalie Bonvalot  p. 98

- Plan d’ensemble et caractéristiques générales p. 99-105

- Inventaire des structures en creux à poteaux p. 105

- L’édifice d’Évans : un plan type ? p. 105-106

- Origine des matériaux géologiques, par Vincent Bichet p. 107

Inhumer à l’intérieur et à l’extérieur de l’édifice. p. 109-126

- Les modes d’aménagement des tombes, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher p. 110-126

Les éléments d’architecture récupérés, par Jean-Claude Barçon p. 122

Population inhumée, sépultures, réutilisations et manipulations des ossements   p. 127-150

- La population inhumée, par Luc Buchet  p. 128-140

- Sépultures et gestes funéraires, par Françoise Passard-Urlacher, Nathalie Bonvalot p. 141-150

Le mobilier funéraire p. 151-162

La parure et les accessoires vestimentaires, par Françoise Passard-Urlacher p. 152-157

- Les éperons de la tombe T. 83, par Françoise Passard-Urlacher  p. 157-162

- La monnaie de la tombe T. 174, par Françoise Passard-Urlacher  p. 162

Céramique, verre et métallurgie p. 163-194

- La céramique, par Stéphane Guyot  p. 164-177

- Le verre, par Inès Pactat p. 178-181

- Analyses physico-chimique des verres, par Inès Pactat avec la contribution de Bernard Gratuze p. 181-188

- Inventaire général du mobilier en verre p. 189-193

- La métallurgie, par Hervé Laurent p. 194

L’église funéraire, chronologie et fonction p. 195-203

- Chronologie des types de tombes et du site : datations relatives et absolues, par Françoise Passard-Urlacher, Nathalie Bonvalot p. 196-199

- Interprétation du monument, par Françoise Passard-Urlacher, Nathalie Bonvalot p. 200-203

Catalogue des tombes, par Nathalie Bonvalot, Françoise Passard-Urlacher avec la collaboration de Luc Buchet et Sophie Gizard p. 205-224

 

Planches p. 225-230

Inventaire anthropologique, par Luc Buchet  p. 231-236

 

IV- Du royaume franc de Burgondie à l’empire carolingien : Evans et la christianisation des campagnes p. 237-250

Les « Sarrazins » évolution d’un enclos privilégié ? , par Françoise Passard-Urlacher p. 238-241

Le « Champ des Vis » et les églises funéraires en milieu rural : des fondations diversifiées, par Françoise Passard-Urlacher p. 241-246

Regards rétrospectifs, par Nathalie Bonvalot et Françoise Passard-Urlacher p. 247-250

 

Bibliographie p. 251-262

                                    

Résumé p. 263-264