Skupinska-Lovset, Ilona: The Temple Area of Bethsaida. Polish Excavations on et-Tell in the Years 1998-2000; 194 pages, 38 plates (94 ill.), 2 tables, 70x100 cm, ISBN 83-7171-963-9, 30 euros
(Lodz University Press, Lodz 2007)
 
Compte rendu par Amélie Le Bihan, Université Paris I
 
Nombre de mots : 1013 mots
Publié en ligne le 2009-05-18
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=393
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           Ce volume constitue la première publication des fouilles proprement dites de la mission polonaise à et-Tell (Bethsaïda), au cours des années 1998-2000. Cette étude présente un bilan des explorations de terrain ayant pour but de reconstituer  l’histoire et l’architecture de la zone appelée « temple area ».

           L’ouvrage est divisé en deux grandes parties. L’auteur débute par l’historiographie du site, en  rappelant l’ensemble des travaux effectués sur le site de et-Tell. Puis les auteurs s’intéressent à l’interprétation des découvertes effectuées par la mission polonaise au cours des trois campagnes de fouilles en 1998, 1999 et 2000.

 

           Et-Tell, le tertre identifié comme l’ancienne Bethsaïda, est situé sur un éperon basaltique, au nord du lac de Tibériade, près de l’endroit où se jette le Jourdain. Le tell couvre une superficie de quelque 8 hectares et surplombe de 30 mètres une vallée fertile. Des études géologiques et géomorphologiques montrent que, par le passé, cette vallée faisait partie du lac de Tibériade. Une série de tremblements de terre provoquèrent une accumulation de limon, façonnant ainsi la vallée et faisant reculer la rive nord du lac. Ce processus, qui se poursuivit jusqu’à la période hellénistique, fit que Bethsaïda, construite à l’origine au nord du lac de Tibériade, se retrouva à environ 1,5 kilomètre plus au nord.

 

           Dans une première partie, l’auteur présente les travaux qui ont été effectués avant la reprise des fouilles par la mission polonaise. Les résultats des fouilles antérieures à 1998 ont été publiés dans deux monographies et une série d’articles. Les premiers travaux ont consisté à démontrer que et-Tell correspond à la ville ancienne de Bethsaïda grâce à des études géologiques et géomorphologiques. Une stratigraphie de et-Tell a été proposée depuis l’âge du Bronze (3050-2700 av. J.-C.) jusqu’à la période moderne, avec une occupation attestée jusqu’au début de la période romaine (67 ap. J.-C.).

 

Le tell a été divisé en cinq secteurs : A, B, C, D, E.

          

           L’aire A a été identifiée dès 1997 comme un secteur à caractère religieux grâce à la découverte de stèles aniconiques et iconiques. Un bâtiment rectangulaire a été mis au jour et identifié comme un temple du culte impérial par la mission dirigée par R. Arav.

           À partir de 1998, la mission polonaise a repris l’étude de l’aire A afin de préciser la stratigraphie et l’évolution du bâtiment. L’auteur se livre à une description précise de la progression de la fouille (p. 47-70), pièce par pièce, locus par locus : types de structures mis au jour, matériel collecté, hypothèses d’interprétation…

 

           Dans une seconde partie, l’auteur s’intéresse à l’interprétation des vestiges révélés par les fouilles archéologiques. Elle souligne que l’interprétation est difficile à cause des réoccupations du site, en particulier par un cimetière bédouin au 19e siècle, et des démolitions dues aux activités militaires syriennes et israéliennes dans la région.

           La première interprétation est que ce bâtiment de l’aire A est un temple du culte impérial. Cette hypothèse avait été formulée par R. Arav et M. Bernett à partir de considérations historiques, numismatiques et par des analyses des vestiges archéologiques. En effet, une inscription datée de 30/31 ap. J.-C., rappelle la fondation de la cité Polias sur le tell jusque-là appelé Bethsaïda. On pense que cette fondation s’accompagna de la construction d’un temple dédié à Auguste et Livia-Julia. Plusieurs restitutions de l’architecture de ce temple ont été proposées. Il s’agit d’un bâtiment rectangulaire avec une entrée sur le long côté au Nord. Le temple semble avoir eu deux colonnes in antis sur la façade Est. Cependant, l’auteur de ce volume ne pense pas que ce bâtiment corresponde à un temple du culte impérial.

           Deuxième hypothèse proposée par les chercheurs, il s’agirait d’une proto-synagogue. Mais cette idée a été abandonnée par manque de preuves et en l’absence de prescriptions de pureté du lieu.

           Troisième hypothèse, il s’agissait peut-être d’un bâtiment multifonctionnel du type andron, édifice qui peut par exemple accueillir des réunions ou des banquets. On en trouve des exemples dans des villages antiques de Syrie.

Ces hypothèses ont toutes été abandonnées et montrent qu’on ne peut pas rattacher ce bâtiment à un modèle gréco-romain. L’auteur propose donc d’identifier ce monument à un temple de type phénicien.

           Il met en évidence les caractéristiques de ce monument : proportions allongées du bâtiment, utilisation d’une colonne isolée sur le côté Est, entrée latérale par l’Ouest, une autre entrée sur le côté Nord, une ou plusieurs colonnes disposées symétriquement, présence possible d’une banquette sur le mur Ouest et d’un bèma dans la pièce B. Autres particularités du téménos : forme asymétrique, bassin d’eau, bétyles dans la cour, autel placé asymétriquement. Ces différents éléments suggèrent des traditions cultuelles différentes de la religion gréco-romaine. L’auteur a donc pensé aux traditions mésopotamiennes ou phéniciennes. Il a porté son attention sur les temples phéniciens au cours de la période hellénistique et au tout début de la période romaine, avant que ne s’impose un modèle de plan rectangulaire avec colonnade.

           L’auteur fait un rappel sur l’architecture religieuse phénicienne qui malheureusement est assez mal connue. Elle met en évidence les caractéristiques architecturales d’un certain nombre de sanctuaires : les sites cultuels du Mont Hermon, le sanctuaire de Mispe Yamin, le sanctuaire d’Apollon à Tyr, les temples de Carthage. Puis elle établit des parallèles entre ces sanctuaires et le bâtiment de l’aire A. Enfin, dans un dernier temps, l’auteur nous propose une reconstitution de ce bâtiment.

 

           Trois appendices complètent cette étude : deux tableaux récapitulatifs du matériel collecté lors des trois campagnes, le premier sur le matériel lithique taillé, le second sur les terres cuites ; et enfin la liste des sources anciennes bibliques et non bibliques, qui mentionnent le site de Bethsaïda/Polias.

           Le texte de cet ouvrage est complété par une très riche documentation iconographique : plan et coupes tirées du travail de terrain et de très nombreuses photos.

           Cet essai de restituer l’histoire d’un sanctuaire est naturellement lacunaire et se heurte à différentes difficultés : longue histoire du sanctuaire, caractère limité des fouilles… mais il s’agit d’un joli petit livre qui a le mérite de publier les résultats, même limités, d’une série de fouilles. On regrettera cependant l’absence de publication de la céramique du site.