Chrzanovski, Laurent : Lampes antiques, byzantines et islamiques du Nil à l’Oronte. La Collection Bouvier. 717 p., 29,5x21 cm, figs, ISBN: 978-83-235-4058-8, 120 $
(Université de Varsovie, Varsovie 2020)
 
Compte rendu par Jean-Louis Podvin, Université Littoral Côte d’Opale (Boulogne-sur-Mer)
 
Nombre de mots : 1665 mots
Publié en ligne le 2020-12-14
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3941
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          Cet important volume est dû à Laurent Chrzanovski (désormais LC), spécialiste reconnu de la lychnologie, organisateur de nombreux colloques sur le sujet. Il publie ici une collection privée exceptionnelle, dans un ouvrage judicieusement pensé et remarquablement illustré (237 pages de planches reproduisant les 795 lampes en deux dimensions, auxquelles s’ajoutent, dans le texte, les photographies en couleur de chacune d’entre elles).

 

         Après la table des matières très détaillée (p. 5-10), le Pr. Tomasz Waliszewski, directeur du Centre polonais d’archéologie méditerranéenne, justifie dans la préface l’intérêt de la publication de l’ouvrage (p. 11-12). L’ensemble réuni par le Professeur Maurice Bouvier est un des plus importants hors d’Égypte après celui de la collection Benaki, encore largement inédit.

 

         Jean-François Bouvier, fils de Maurice, présente son père, professeur de droit à l’université d’Alexandrie et collectionneur (p. 13-14). Les lampes sont aujourd’hui dans la collection de son fils, Marc, auteur de l’ensemble des clichés de l’ouvrage.

 

         J. Młynarczyk souligne l’intérêt de ce volume pour la lychnologie égyptienne et levantine (p. 15-18). Même s’il s’agit d’une collection privée, qui a donc privilégié les lampes décorées au détriment de celles, plus « banales », réalisées au tour, et si elle n’est que le reliquat d’une collection plus large encore, dont une partie fut perdue lors du départ précipité du collectionneur en 1960, elle présente une véritable cohérence géographique, les exemplaires ayant presque tous été achetés à Alexandrie et correspondant à des modèles d’Alexandrie ou du delta. Elle regrette en conséquence l’absence de contexte archéologique, mais c’est un problème récurrent dans l’étude des collections de musées. 

 

         Dans l’avant-propos (p. 19-22), LC dresse un bref état de la question et de la bibliographie disponible. Cette dernière est ensuite détaillée (p. 23-36).

 

         L’introduction (p. 37-53) démontre tout l’intérêt des lampes égyptiennes et levantines dans la lychnologie. La diversité des huiles utilisées est mieux connue au Levant – où l’huile d’olive est privilégiée dans le judaïsme, puis dans l’islam – qu’en Égypte, où elle est marginale au profit de l’huile de ricin, de sésame, de carthame ou de lin. La présence de résidus de sel dans les réservoirs de lampes permettait d’éliminer l’eau et d’améliorer l’éclairage. Les mèches sont souvent en lin et peuvent être réalisées en matériel de récupération. L’analyse des besoins en huile est intéressante et souligne le rôle des services administratifs et cultuels. 

 

         Deux répertoires épigraphique et iconographique précèdent le catalogue. L’index épigraphique (p. 57-65) recense les inscriptions en latin – peu nombreuses – et en grec – elles le sont plus – qui mentionnent des ateliers. L’index iconographique des lampes romaines (p. 67-107) aborde successivement les divinités du panthéon gréco-romain pour lesquelles les figures d’Éros sont très diversifiées ; les divinités du panthéon égyptien sont dominées par celles de Sarapis. La représentation attribuée à Isis-Fortuna en M43 est peu probante (il s’agit plutôt de Fortuna), tout comme celles attribuées à Harpocrate en M47 et 48. La vie quotidienne, les spectacles et loisirs, le monde animal et végétal, et les motifs chrétiens sont successivement abordés.

 

         Le catalogue (p. 109-478) constitue l’essentiel de l’ouvrage, avec une présentation soignée, alliant le texte et la photographie en couleur du dessus, ainsi que la marque éventuelle. Il commence par les lampes phéniciennes et puniques (5 exemplaires p. 112-115), et les lampes tournées pré-hellénistiques (11 artéfacts p. 116-120).

 

         Les lampes hellénistiques (p. 121-184) comportent de rares lampes à marque imprimée sur le bec et la plupart des types identifiés par J. Młynarczyk (A à O) sont datés entre le début de l’époque hellénistique au Ier siècle avant J.-C. Quelques lampes à deux ou trois becs complètent cet ensemble, ainsi que des lampes-pichets. Des luminaires en forme de sabot sont particulièrement originaux : certains sont décorés de divinités (Bès, Athéna, Éros) le long de la tige verticale qui les surmonte. D’autres sont des lampes plastiques ou des lanternes, appelées par l’auteur « lampes statuettes ». D’autres encore sont rectangulaires, polylychnes, ornées d’un décor plus ou moins riche sur le médaillon.

 

         Les lampes romaines sont largement majoritaires (p. 185-331). Les Loeschcke I, IV et V, du début de l’Empire, témoignent de l’annexion de l’Égypte et de l’adoption du répertoire iconographique méditerranéen. Très vite, les modèles importés laissent la place à d’autres, produits à Alexandrie. Les Loeschcke III à réflecteur, généralement à deux becs, sont prisées. Les réflecteurs sont d’ailleurs nombreux dans la collection Bouvier, sans doute parce que l’Égypte s’y est montrée particulièrement sensible : les divinités y figurent, comme ce rare exemple d’Isis à la voile (n° 225, p. 214). On notera aussi plusieurs lampes à anse plastique (plutôt que réflecteurs), là encore décorées des divinités isiaques ou de Déméter (plutôt qu’Isis-Déméter). Les lampes plastiques, à tête humaine ou animale, constituent un ensemble très original. À côté du groupe traditionnel des Loeschcke VIII, celles à petit bec en enclume constituent une production typiquement égyptienne des années 30-130. D’autres groupes sont, là encore, caractéristiques de la vallée du Nil : les lampes à décoration radiale, dont l’origine remonte peut-être à l’Italien Phoetaspus, installé en Égypte au cours du Ier siècle ; celles carénées, du Fayoum, au IIe s. Les anses striées et pourvues d’une encoche sur le haut caractérisent les productions égyptiennes. Les lampes-grenouille qui se sont maintenues sur une fort longue période forment un groupe important de plus de 90 exemplaires, analysé en fonction des typologies reconnues (notamment celle de Selesnow).

 

         Les lampes tardives/byzantines d’Égypte sont en fait davantage de Tripolitaine et surtout de Tunisie : elles sont analysées à partir de la typologie de Bussière. Celles d’Abou Mina, en relation avec le célèbre pèlerinage de Ménas, portent pour les premières des inscriptions (à eulogie) et pour les autres des représentations iconographiques. Produites sur place, leur succès est tel qu’elles sont aussi imitées en Moyenne Égypte. Quelques lampes-pantoufles égyptiennes complètent cet ensemble. Deux gutti sont probablement des verseurs à huile. 

 

         Les lampes romaines et byzantines du Levant comptent aussi bien des exemplaires jordaniens que des lampes de l’Euphrate, d’Antioche, de Samarie ou de Jérusalem, de l’Oronte : pyriformes pour les unes, rondes pour les autres, elles marquent une transition avec les lampes d’époque islamique.

 

         Ces dernières commencent avec les luminaires omeyyades de Syrie, décorés d’éléments végétaux ou géométriques, pour la plupart achetés par le collectionneur en Syrie ou au Liban. Quelques-unes portent des inscriptions arabes et coufiques.

 

         Des lampes en bronze hellénistiques, romaines et byzantines traduisent la qualité de la collection Bouvier. On ajoutera trois lampes musulmanes en pierre en forme d’étoile. 

 

         Parmi les rares reproches que l’on peut faire à ce très beau tableau, une table de concordance entre les numéros des lampes de la collection Bouvier et ceux du catalogue aurait été bienvenue. Il convient de corriger quelques coquilles et lire « autarcie » au lieu de « autarchie » (p. 37), « ermite » pour « hermite » (p. 53), « catalogue » pour « décalogue » (p. 190).

 

 

 

Table des matières 

 

Préface p. 11-12

Maurice Bouvier – le collectionneur p. 13-14

De l’intérêt de ce volume pour la lychnologie égyptienne et levantine p. 15-18

Avant-propos : La raison d’être de ce volume p. 19-22

Bibliographie p. 23-36

Introduction : Pour une compréhension de la macro-économie de l’éclairage : la contribution fondamentale de l’Égypte et du Levant p. 37-53

 

Répertoires épigraphique et iconographique p. 55

I. Index épigraphique des marques de potier hellénistiques et romaines p. 57

II. Index iconographique des lampes romaines

 

Catalogue p. 109

A. Lampes pré-hellénistiques d’Égypte et du Levant p. 111

I. Lampes phéniciennes et puniques p. 112

II. Lampes tournées pré-hellénistiques et hellénistiques p. 116

B. Lampes de l’Égypte hellénistique p. 121

I. Lampes hellénistiques p. 122

II. Lampes de transition ptolémaïco-romaines p. 170

C. Lampes romaines : types standard et variations autochtones p. 185

I. Introduction p. 186

II. Types Dressel 4 et variantes p. 191

III. Types Loeschcke I p. 192

IV. Type Loeschcke IV p. 197

V. Type Loeschcke V p. 203

VI. Type Loeschcke III p. 206

VII. Lampes à plusieurs becs : formes romaines p. 212

VIII. Réflecteurs d’anse p. 213

IX. Lampes plastiques correspondant aux types romains standard p. 224

X. Lampes romaines standard et types du Delta du Nil entre le 1er et le 4e siècle apr. J.-C. p. 237

XI. Lampes-grenouille : les classifications « classiques » et leurs datations p. 297

D. Lampes tardives/byzantines d’Égypte p. 333

I. Lampes égyptiennes de formes rares, tardives p. 334

II. Lampes africaines tardives et leurs imitations locales p. 335

III. Lampes à bec en spatule et dérivés p. 344

IV. Lampes coptes p. 346

V. Lampes-pantoufle égyptiennes ovoïdes avec bec à canal, de facture égyptienne p. 360

VI. Lampes coptes de types rares p. 362

VII. Lampes tournées tardives p. 363

E. Les gutti, des verseurs à huile ? p. 365

F. Lampes romaines et byzantines du Levant p. 369

I. Lampes « hérodienne » p. 370

II. Lampe nabatéenne de type Négev Ic p. 371

III. Lampes « du Darom » et « de Gerasa » p. 372

IV. Lampe de la vallée de l’Euphrate p. 377

V. Lampe samaritaine à trois trous de mèche p. 378

VI. Lampes d’Antioche p. 379

VII. Lampes ovoïdes à décor géométrique p. 381

VIII. Lampes-cruche p. 383

IX. Lampes samaritaines tardives p. 384

X. Lampes « décapoliennes » tardives p. 386

XI. Lampes byzantines chrétiennes dites « candlestick lamps »

XII. Lampes-galets syriennes de l’antiquité tardive p. 392

XIII. Lampes tardives de la vallée de l’Oronte p. 395

XIV. Lampe ronde d’Apamée p. 403

XV. Lampe byzantine de type dit « de Césarée » p. 404

XVI. Lampes syriennes tardives inclassables (vallée de l’Oronte ?) p. 408

XVII. Lampes nord-jordaniennes ou de type « proto-Jérash » p. 409 

XVIII. Lampes byzantines de Syrie p. 411

XIX. Lampes-pantoufle, entre période byzantine et conquête omeyyade p. 416

XX. Lampes syriennes et palestiniennes à bec pointu p. 420

XXI. Lampes de Jérash p. 423

XXII. Lampes-pantoufle byzantino-islamiques de la côte levantine p. 426

G. Lampes musulmane d’Égypte et du Levant p. 431

I. « Lampes d’Usays » ou les premiers luminaires omeyyades p. 432

II. Lampe byzantino-musulmane à dévorations linéaires p. 434

III. Lampes omeyyades compactes à anse conique p. 435

IV. Lampes à base en forme de goutte p. 442

V. Lampes islamiques moulées, tardives p. 451

VI. Lampes à inscriptions arabes et coufiques p. 453

VII. Lampes tournées rondes du Levant p. 456

VIII. Lampes tournées rondes d’Égypte p. 459

H. Lampes de bronze p. 467

I. Hellénistiques p. 468

II. Romaines p. 470

III. Byzantines et musulmanes p. 472

I. Lampes de pierre p. 475

Planches p. 479