D’Arista, Carla: The Pucci of Florence: Patronage and Politics in Renaissance Italy. IV+359 p., 296 colour ill., 220 x 280 mm, HB, ISBN 978-1-912554-25-6, EUR 200 excl. tax
(Harvey Miller an imprint of Brepols, Turnhout 2020)
 
Compte rendu par Clarisse Evrard, Université de Lille
 
Nombre de mots : 1546 mots
Publié en ligne le 2021-09-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3981
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          Si le mécénat artistique de la puissante famille florentine des Pucci est bien connu grâce à de nombreux articles et essais consacrés à différents membres de la famille, une commande précise ou un domaine artistique, Carla d’Arista vient combler un vide bibliographique par la publication de cette monographie synthétique qui permet d’avoir un panorama général du rapport aux arts des Pucci du Quattrocento au début du Seicento. S’appuyant sur un riche fonds de documents d’archives, particulièrement ceux de l’Archivio di Stato di Firenze et des archives familiales conservées dans leur palais florentin, l’historienne propose une grande variété de sources telles que des inventaires, des registres de comptes, des lettres, et les œuvres conservées de leurs collections. 

 

         Dans une introduction contextuelle retraçant la généalogie des Pucci aux Quattro- et Cinquecento, Carla d’Arista rappelle les relations bien connues entre la famille et les Médicis et l’influence des goûts de ces derniers sur les grandes familles locales qui s’en font le reflet. C’est le cas des Pucci, pour lesquels la magnificence est articulée aux références à l’Antiquité, aux réalisations architecturales et au goût pour les objets d’art, trois champs développés au fil des chapitres, dont les premiers sont centrés sur le Quattrocento. Le premier chapitre constitue ainsi les prolégomènes historiques précisant le lien fort entre les Médicis et les Pucci depuis Puccio Pucci (1389-1449), proximité inscrite dans la topographie même de la ville par celle de leur demeure de la Via dei Servi et le palais de Côme Ier édifié à partir de 1444, et visible par l’ascension politique de Puccio, gonfalonier de la justice en 1447 et les premiers inventaires de biens immobiliers. Ces derniers témoignent d’une affirmation de leur pouvoir sur la route menant de Florence à Sienne, à l’exemple du castello d’Uliveto construit entre 1428 et 1532. L’intervention de Michelozzo rapproche une fois encore les Pucci des Médicis, pour lesquels l’architecte réalise alors les villas de Cafaggiolo et de Trebbio. De même, l’étude de cas consacrée à l’oratoire San Sebastiano de la Santissima Annunziata permet de souligner le rôle des Pucci dans les commandes religieuses du Quattrocento et l’affirmation de leur piété et de leur identité civique. Un troisième temps est dédié à la figure d’Antonio Pucci (1419-1484) : celui-ci multiplie les commandes dans tous les domaines artistiques, de l’architecture aux arts décoratifs, en passant par les panneaux de Botticelli illustrant l’histoire de Nastagio degli Onesti, dont l’iconographie est replacée dans le contexte médicéen. L’inventaire de 1484 montre la variété des biens d’Antonio qui s’affirme comme un véritable collectionneur et qui accroît, par ses commandes auprès d’artistes, tels que les Ghirlandaio, Antonio Rossellino et Giuliano da Sangallo, le prestige de sa famille. 

            

         Les chapitres suivants portent sur la première moitié du Cinquecento suivant l’ordre chronologique des descendants d’Antonio, de son fils aîné Alessandro (1454-1526) à son petit-fils Raffaello (1490-1551). Ses fils contribuent à asseoir la puissance familiale et à conforter les alliances matrimoniales, ce que traduit la participation à la commande de la chapelle Sassetti de l’église de la Santa Trinita. L’historienne multiplie les exemples témoignant de cette politique artistique dans le premier tiers du XVIe siècle, notamment à travers les commandes effectuées auprès de Bacio d’Agnolo et d’Andrea del Sarto. Un chapitre est plus spécifiquement dédié à la figure majeure du cardinal Lorenzo Pucci (1458-1531), qui joue un rôle politique de premier plan à la cour papale, favorise les intérêts des Médicis et s’assure ainsi par ses démarches politiques que les lucratives possessions ecclésiastiques restent dans la famille, autant d’efforts qui se voient récompensés lors de l’élection de Clément VII. Cette position centrale à la Curie s’accompagne d’une politique de magnificence et de chantiers comme la Casa Pucci à Orvieto. Une autre figure cardinalice majeure est celle d’Antonio Pucci (1484-1544) qui suit l’exemple de son oncle, Lorenzo. Après avoir rappelé son parcours, l’historienne souligne l’importance de son rôle diplomatique auprès de Clément VII dans le contexte agité des guerres d’Italie. Mais c’est surtout l’étude de son mécénat artistique qui intéressera l’historien de l’art, tout particulièrement dans le domaine des arts décoratifs, toutefois traité de manière très synthétique. On peut regretter par exemple que les célèbres majoliques aux armes des Pucci ne fassent pas l’objet d’une analyse plus approfondie, tant du point de vue du commanditaire, qui reste incertain, que de la fonction de ces céramiques dans la promotion de l’image familiale. L’étude des commandes architecturales est quant à elle plus fouillée, tout particulièrement l’agrandissement et la décoration de la villa de Casignano, la Villa Igno à Pistoia ainsi que le Palazzo Pucci du Campo Santo. L’oncle d’Antonio, le cardinal Roberto Pucci (1464-1547), fait également l’objet d’un développement spécifique. Après avoir précisé les différentes étapes de son parcours ecclésiastique et politique auprès des Médicis, Carla d’Arista analyse comment le cardinal a fait fructifier le patrimoine immobilier familial, notamment le Palazzo Pucci à Rome, restauré et fortifié après le sac de la ville. D’autres chantiers sont menés à Florence auxquels participent les Sangallo. Outre ces illustres architectes, Roberto Pucci se fait le protecteur de nombreux artistes et artisans, tels que Benvenuto Cellini qu’il introduit auprès de Paul III, les sculpteurs Bacio da Montelupo et son fils, Raffaello, à qui est commandé le tombeau de Lorenzo Pucci. La magnificence se traduit également dans la richesse de la guardaroba du cardinal : dalmatiques, brocards dorés, perles, soie et plumes de paon sont autant de signes de cette magnificence, dont témoigne le portait de Roberto Pucci par Cristofano di Papi dell’Altissimo. Les inventaires soulignent aussi la profusion dans les arts décoratifs à l’exemple des marqueteries, ivoires, vaisselle d’apparat en argent, vases en cristal de roche et tapisseries, faisant appel aux meilleurs artisans de toute l’Europe. La politique artistique du cardinal apparaît ainsi comme emblématique de celle suivie par les différents membres de la famille Pucci pendant toute la première moitié du siècle. 

            

         Les deux derniers chapitres esquissent un prolongement chronologique menant de 1547 à 1913, et montrent que, si le milieu du Cinquecento constitue l’apogée de la puissance de la famille Pucci, ce dont témoigne l’inventaire de Pandolfo Pucci (1508-1560) en janvier 1547, la seconde moitié en amorce le déclin. L’historienne analyse en ce sens la construction attribuée à Gugliemo della Porta de la serlienne du palais familial florentin vers 1546-1550, qui prend la forme d’une loggia de cérémonie surmontée de l’emblématique des Pucci, en référence à l’architecture de Saint-Pierre, symbole sculpté de leur auctoritas mais aussi d’une prise de distance par rapport à Cosimo de Médicis. Ces considérations amènent à un développement sur la carrière du sculpteur et ses nombreux liens avec les familles dominantes telles que les Farnese, pour lesquels il réalise notamment le tombeau de Paul III. L’historienne souligne ensuite les liens entre Pandolfo et les Républicains, l’exécution de Pandolfo en 1560 annonce symboliquement les problèmes politiques et financiers, emprisonnements et confiscations durant la seconde moitié du siècle qui correspond à une période de disgrâce pour les Pucci. C’est donc un patrimoine considérablement amoindri qui revient à Ottavia Capponi, veuve de Roberto di Pandolfo mort en 1612. En épilogue, Carla d’Arista conclut sur l’importance et la longévité exceptionnelle de la famille Pucci à perpétuer les valeurs de l’humanisme civique hérité de la culture renaissante. Leur influence et leur puissance sont naturellement liées à l’implication des différentes générations dans les intrigues politiques à la cour papale et à leurs rapports avec les Médicis. Leur héritage artistique apparaît dans le catalogue établi des œuvres d’art du marquis Roberto Orazio Pucci au XIXe siècle, qui ne comporte pas moins de 505 peintures et 175 gravures couvrant quatre siècles d’art italien, et reflétant le rôle de la famille dans tous les domaines artistiques et une véritable politique artistique valorisant le foyer maniériste florentin. 

            

         Ainsi, Carla d’Arista propose un ouvrage clair et richement illustré. On peut néanmoins regretter sa structure strictement chronologique et ses subdivisions thématiques en domaines artistiques hermétiques, qui donnent un effet de catalogue et qui font perdre la question du « status symbol » et de « sémiophores » de ces objets et commandes, qui aurait permis de mettre en avant la spécificité du mécénat des Pucci au-delà du rapport mimétique à celui des Médicis. De même, un spécialiste de la période pourra parfois regretter les digressions contextuelles sur des productions contemporaines célèbres, à l’exemple de l’oratoire San Sebastiano qui amène à évoquer le Tempio Malatesta et le studiolo de Federico da Montefeltro, qui éloignent du sujet spécifique des rapports aux arts des Pucci. Malgré ces quelques réserves, cet ouvrage reste important par les sources qu’il traite et il offre une synthèse indispensable qui manquait jusqu’alors et qui pourra intéresser autant les historiens de l’art que les spécialistes d’histoire politique et diplomatique du Cinquecento.

 

Sommaire

 

Acknowledgements, p. 3

 

Abbreviations, Notes on Money and Currencies, Weights and Measures, Dates, Spelling, p. 4

 

Archival Sources Used in this Study, p. 5

 

Introduction: ‘Beneath the Shadow of Thy Wings I Sleep’, p. 7-12  

                  

I. From the Beginning: Medici Loyalists, p. 13-26

 

II. The Pucci Oratory in Santissima Annunziata, p. 27-50

 

III. Antonio Pucci: Dynastic Promotion and Image-Building, p. 51-90

 

IV.  Casa Pucci in Florence (1503-1537): Fashioning Social Hierarchies, p. 91-110

 

V. Cardinal Lorenzo Pucci in the Eternal City, p. 111-164

 

VI. Cardinal Antonio Pucci: A Scholarly Diplomat, p. 165-206

 

VII. Roberto Pucci (1531-1547): It’s All in the Family, p. 207-242

 

VIII. Reframing Ambition, Wealth, and Dishonor (1547-1612), p. 243-262

 

Epilogue (1612-1913), p. 263-274

 

Notes, p. 275-318

 

Works cited, p. 319-336

 

Index, p. 337-359