Demauro, Teresa: Restauri a Pompei (1748-1860) (Studi e Ricerche del Parco Archeologico di Pompei, 44). 224 p., 193 ill. col., 24 x 27 cm, ISBN : 9788891320933, 200 €
(« L’Erma » di Bretschneider, Rome 2020)
 
Compte rendu par Alix Barbet, CNRS
 
Nombre de mots : 1062 mots
Publié en ligne le 2022-01-28
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4031
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          D’entrée de jeu on note qu’il y a presque autant d’illustrations que de pages de texte et qu’elles ont une importance documentaire évidente. Puis on s’interroge, pourquoi ces dates de 1748 à 1860 ? 1748, c’est la date du début des fouilles de Pompéi et 1860, un an avant la fin du royaume des Bourbons de Naples. Le plan de l’ouvrage suit les événements historiques, le premier chapitre traite des années des Bourbons de 1748 à 1805, puis la période d’occupation française de 1806 à 1815, enfin les années de la restauration des Bourbons de 1815 à 1860. Un dernier chapitre traite de l’étude des mortiers. En annexe, appelée appendice, des documents d’archives.

 

 

Les années de Bourbon-Sicile 1748-1805

 

          Six paragraphes successifs exposent la découverte de Pompéi et des premières fouilles, et la documentation établie, puis la « muséalisation » des objets découverts, c’est-à-dire la création du premier musée à Portici, et enfin les interventions de restauration dans quelques monuments emblématiques : la caserne des Gladiateurs, le grand théâtre et le portique du forum triangulaire où des campagnes de relevé et d’étude, de 2016 à 2019, ont permis de retrouver des interventions de restauration controversées d’après les documents anciens, le temple d’Isis, l’Odéon et l’area de la porte d’Herculanum, c’est-à-dire certains tombeaux de la nécropole et la villa de Diomède[1]. Chaque fois qu’il est possible, sur un plan ou une vue du monument restauré, est marquée en couleur la zone des interventions réalisées, qui sont souvent indiquées dans les légendes des figures, empruntées à un nombre imposant d’auteurs de l’époque et datées, sauf les photos faites de l’état actuel par l’auteur, sans doute précédant de peu la publication du livre. Cette méthode permet d’évaluer les ajouts apportés et leur pertinence ou non.

           

 

La période française 1806-1815

 

          Avec l’occupation française, qui a duré à peine une dizaine d’années, six paragraphes examinent la rationalisation de l’administration des fouilles, qui deviennent systématiques et régulières, mais avec difficulté. Ainsi, au lieu de rechercher des objets précieux, c’est la découverte de la cité qui est privilégiée. Les activités du chantier avec ses règlements et ses expérimentations sont développées et la présence de plus en plus de visiteurs exige l’entretien des zones dégagées, des travaux de couvrement avec rehaussement des pièces, des puits pour recueillir l’eau de pluie, l’adjonction de pancartes pour distinguer les parties refaites des parties antiques. La documentation des fouilles est développée, avec un relevé topographique et une planimétrie générale de la cité, où le dessinateur François Mazois peut librement tout relever, sans aucune interdiction et où, pour la première fois, l’architecture domestique est visible. Le musée étant trop petit, une grande partie des objets est transférée dans le Palazzo degli Studi, qui sera ouvert au public. Enfin les interventions de restauration sont développées, notamment dans la partie nord-ouest de la ville, dont le tombeau d’A. Umbricius Scaurus, et, au sud-est, l’amphithéâtre, qui nécessite des consolidations difficiles à mettre en œuvre.

           

 

La restauration de Bourbon-Deux Siciles 1816-1860

          

          Comme pour les chapitres précédents, six paragraphes reprennent les mêmes thèmes : celui de l’administration des fouilles, les zones fouillées, les restaurations urgentes et ordinaires, l’activité de documentation et le musée royal, enfin les interventions de restauration nombreuses, sur le temple d’Apollon avec la réfection du pavement de la cella, celui de Jupiter avec la place du forum, le temple de Vespasien, qui servira de dépôt des objets retrouvés et auquel on ajoutera une couverture, l’édifice d’Eumachie, à l’entrée duquel sera posée une copie de l’inscription dédicatoire recomposée, et le macellum, sans oublier l’amphithéâtre, où plusieurs architectes sont nommés pour renforcer la voûte annulaire menacée par le poids des gradins situés au-dessus, les thermes du forum, dont les stucs étaient menacés par l’humidité, et la maison du Faune, dont la mosaïque célèbre de la bataille d’Issos est protégée par une couverture. Des directives sont bien écrites, et nous sont rapportées : il ne faut procéder qu’à des interventions indispensables et il est précisé d’en faire le moins possible.

 

           

L’Étude des mortiers : un instrument de vérification

           

          Le dernier chapitre concerne l’étude des mortiers de quatre monuments du forum, pour lesquels il convient de distinguer ceux postérieurs au tremblement de terre de 62-63, qui a nécessité beaucoup de reconstructions avant l’éruption de 79, et les interventions modernes. L’analyse pétrographique a permis de distinguer sept groupes différents dans les agrégats et dans les modes de préparation de la chaux, et d’identifier trois époques : antique, du XVIIIe siècle, et post-1860. Cette recherche pourra être poursuivie pour distinguer clairement des phases d’intervention en restauration sur d’autres édifices de Pompéi.

 

 

 Appendice

           

          Enfin, après une bibliographie bien fournie et un index des noms de personnages qui sont intervenus au cours de cette période, un appendice nous donne des textes retrouvés dans diverses archives, qui détaillent les problèmes rencontrés, comme les peintures qui s’abîment et dont il est proposé de les protéger de l’eau par des vitres et de construire des toitures. S’ensuivent les propositions qui ont été faites, comme d’enlever les sels des peintures qui se détérioraient en appliquant de la cire, refaire un mortier avec une bonne chaux, du sable et même de la poudre de marbre non lissé pour le distinguer de l’antique ; enfin, les travaux exécutés comme des relevés colorés des décors et la dépose des peintures en péril, notamment celles avec des figures. Tous ces documents, bien datés, sont présentés selon les trois périodes considérées depuis la découverte du site.

 

            En conclusion, ce livre donne à examiner beaucoup d’informations, le plus souvent inédites et avec beaucoup d’images, sur la gestion des fouilles de Pompéi, sur les restaurations opérées pendant plus d’un siècle, qui n’étaient pas toujours décelables, ce qui devrait permettre une gestion du site plus efficace à l’avenir. L’auteur met bien en valeur une pratique de restauration qui se veut respectueuse de l’œuvre antique et qui peut s’inscrire dans les directives actuelles édictées par la charte de Venise du 31 mai 1964, approuvée par les architectes et les techniciens des monuments historiques réunis en colloque et adoptée par l’ICOMOS en 1965.

 


[1] Elle vient de faire l’objet d’une monographie monumentale où plusieurs chapitres traitent des archives : H. Dessales (éd.),  The Villa of Diomedes The making of a Roman villa in Pompeii, éd. Hermann, Paris, Centre Jean Bérard n° 52, Naples, 2020.