Colonna, Giovanni (a cura di): Il santuario pi Portonaccio a Veio II. Gli scavi di Maria Santangelo (1944-1952) (Monumenti Antichi, 80 - serie misc. 25). XVI+56 p., 60 tav., 24 x 34 cm, ISBN 978-88-7689-325-4, 109€
(Giorgio Bretschneider, Rome 2021)
 
Recensione di Vincent Jolivet, CNRS
 
Numero di parole: 2598 parole
Pubblicato on line il 2022-01-31
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4063
Link per ordinare il libro
 
 

            Giovanni Colonna a débuté sa carrière scientifique en 1956, à l’âge de 19 ans, par deux courts articles publiés dans la revue scientifique Archeologia Classica, respectivement consacrés à un fragment de candélabre des environs de Chieti et à l’inscription pélignienne d’Herentas, annonçant ainsi une production exceptionnellement riche en termes de qualité, mais aussi de diversité chronologique et géographique – elle est loin de concerner exclusivement l’Étrurie –, composée de monographies, de corpus, de directions d’ouvrages ou de catalogues d’expositions, et naturellement d’articles : l’ensemble atteindrait actuellement, selon le moteur de recherche Dyabola, le nombre impressionnant de 387, mais celui-ci est certainement bien inférieur à la totalité de sa production scientifique réelle[1].

 

          Le savant italien poursuit avec ce nouveau volume la publication systématique des fouilles anciennes menées dans le sanctuaire étrusque extra-urbain de Portonaccio à Véies[2], découvert fortuitement en 1914 au sud-ouest de la cité, au pied de sa muraille, dont il a dirigé les fouilles en 1996 et 1997[3]. Occupé dès la première moitié du VIIe siècle av. J.-C., le site a fait l’objet, au VIe siècle, d’un important culte à la déesse Minerve, avant la construction d’un grand temple toscan tripartite dédié à Apollon, autour de 510 ; si cet édifice semble avoir été graduellement abandonné dans le courant du Ve siècle, le culte de Minerve se poursuivit sur le site même après la destruction de la ville par les Romains, en 396. Le fait que le volume II, présenté ici, soit paru douze ans après le volume III semble témoigner d’une programmation éditoriale bien définie dans la série des Monumenti Antichi publiée par l’Accademia dei Lincei mais qui, du moins à ma connaissance, n’a jamais été rendue publique et qui devrait logiquement aussi inclure une révision des premières fouilles qui se sont succédé sur le site sous la direction d’Ettore Gabrici (1914), d’Ennio Quirino Giglioli (1914-1916 – année faste, marquée par la découverte de la célèbre statue d’Apollon –) et d’Enrico Stefani (1917-1921). Au terme de ce travail de bénédictin, il devrait être enfin possible de proposer un état définitif de nos connaissances relatives à cet important sanctuaire, qui pourra enfin se substituer à l’étude la plus complète dont nous disposons à ce jour, parue en 1953[4], et naturellement aujourd’hui en grande partie obsolète.

 

          Les deux volumes de la série publiés auparavant concernent, pour le premier, les recherches réalisées sous la direction de Massimo Pallottino dans le secteur de l’autel (1939-1940)[5], pour le second, la citerne archaïque fouillée en 1945 par Maria Santangelo, dont le comblement, du début de l’époque hellénistique, a livré nombre de vases intacts probablement déposés rituellement, mais dont l’emplacement, perdu depuis faute de documentation, n’a été redécouvert qu’en 1996[6]. Ses travaux, menés « con giovanile esuberanza » et « con grande vigore », pour reprendre les expressions diplomatiques de G. Colonna, entre 1944 et 1952 (1948 excepté), font l’objet de cette nouvelle publication, qui est donc étroitement complémentaire de la précédente[7].

 

          Née à Piazza Armerina en 1913, élève de Giulio Emanuele Rizzo à l’université La Sapienza de Rome, membre de la Scuola archeologica italiana di Atene en 1939-1940, entrée à la Soprintendenza archeologica dell’Etruria meridionale à partir de 1942, et encore dépourvue de toute expérience de fouille, mais dotée d’un caractère bien trempé qui la conduisit à quitter cette administration avec fracas en 1953, l’archéologue sicilienne, décédée à Rome en 1998[8], a entrepris ses recherches après la découverte fortuite de nombreux fragments de terres cuites en 1943, en particulier celle de différentes plinthes des statues acrotériales (p. 8-10 et pl. XVI-XVII, XXIX). Elle les a poursuivies pendant près de dix années dans différentes parties du sanctuaire qui ne sont pas toujours localisables avec précision, déterminées à l’époque en fonction d’une logique qui n’est plus guère perceptible aujourd’hui à la lecture du volume.

 

          L’exploitation de ses carnets, journaux de fouille ou rapports dactylographiés, proposée ici pour la première fois de manière systématique[9], se révèle cependant, pour une large part, décevante : les travaux ont été menés au cours de toutes ces années avec des équipes composées de 5 à 30 ouvriers sans la moindre considération pour les contextes archéologiques ou la stratigraphie, et les notes figurant dans cette documentation ne comportent que des indications concises, toujours dépourvues de croquis ou de plans, remplacés par de rares photos de qualité modeste. Cette méthode (p. 11-12) – ou, plutôt, cette absence de méthode, qui contraste avec l’attention soutenue portée à la fouille par ses prédécesseurs immédiats sur le site, Stefani et Pallottino –, avec les importants mouvements de terre qui en ont résulté, menés sans remords jusqu’au terrain vierge à la recherche obsessionnelle d’œuvres d’art et en faisant table rase des vestiges archéologiques plus récents (la route romaine et hellénistique d’accès à la cité, à vrai dire déjà en grande partie détruite auparavant par Stefani pour atteindre les niveaux plus anciens), a évidemment permis la découverte de la citerne d’époque archaïque, ainsi que celle d’un grand nombre d’importants fragments de terres cuites, dont certains sont venus compléter le groupe acrotérial du temple recomposé à partir des premières découvertes (le torse d’Héraklès avec la biche de Cérynie ; différents éléments de la statue d’Apollon ; la tête de la déesse à l’enfant, probablement Léto, découverte en 1944 – p. 21 –, et non en 1945, comme l’indique la légende de la pl. XXVa)[10]. Mais il est bien difficile d’en tirer aujourd’hui des indications de provenance précises, d’autant que les objets découverts n’ont fait à l’époque l’objet d’aucun inventaire. Dans ces circonstances, on peut légitimement s’inquiéter rétrospectivement de la formation dispensée aux participants des deux chantiers-écoles qui se sont déroulés sur le site sous sa direction, en 1951 et 1952 (p. 48-49 ; les photos publiées aux planches LVII-LIX évoquent bizarrement l’atmosphère des grands chantiers de fouilles médio-orientaux au cours de ces années-là). Mais sans doute devons-nous tenir compte aussi à cet égard de l’époque très particulière dans laquelle s’est déroulé le début de ces travaux, aux portes de Rome, alors « ville ouverte », où l’histoire des fouilles est venue se superposer, de manière parfois passablement incongrue, à la grande histoire de l’Italie, et plus largement à celle du monde : la date du début de la troisième campagne de fouilles sur le site, le 19 août 1945, est celle du largage de la bombe nucléaire américaine sur Nagasaki, qui mit fin à la Seconde Guerre mondiale (p. 33).

 

          Précédé par une introduction de L. Ambrosini (p. vii) et par une liste des abréviations bibliographiques (p. ix-xvi) dont le nombre – environ 200 – témoigne du caractère exhaustif de la documentation analysée, le corps de l’ouvrage est subdivisé en 16 parties. Tandis que les trois premières (p. 1-12) constituent une forme d’introduction à l’activité de Maria Santangelo à la Surintendance archéologique et sur le chantier de Portonaccio, douze autres, de longueurs très inégales (de 4 lignes à 14 pages, p. 12-49), sont consacrées à chacune des campagnes menées sous sa direction entre 1944 et 1952, et une dernière, la plus brève, à un chantier-école auquel elle ne participa pas, en 1961. L’ouvrage se referme sur une conclusion (p. 51-53), également rédigée par L. Ambrosini, qui rassemble ses principaux acquis, et sur deux utiles index, l’un par personnes, l’autre par matières.

 

          Le texte exploite manifestement toutes les indications utiles, si minces et problématiques soient-elles, contenues dans la documentation laissée par la directrice de la fouille : grâce à sa profonde connaissance de la topographie du site et de l’histoire des collections, G. Colonna a pu en tirer tout le parti possible, en réalisant un rapprochement fécond avec le mobilier aujourd’hui conservé au Museo Etrusco Nazionale di Villa Giulia, venu s’ajouter aux quelque 3500 objets recueillis au cours des fouilles précédentes, entre 1914 et 1920 (p. 5), dont une partie a pu ainsi être recontextualisée, fût-ce génériquement, dans le cadre de la topographie du sanctuaire : outre les différents fragments des statues acrotériales, ce mobilier (dont l’ouvrage aurait pu utilement proposer, à défaut d’une publication définitive, un tableau de quantification par classes d’objets)[11] se compose d’un riche ensemble d’antéfixes, de plaques de revêtement, de céramiques en particulier grecques et étrusques à figures noires et à figures rouges, de statues votives en terre cuite, d’ex-voto anatomiques. L’ensemble, qui ne semble pas postérieur à la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., compte aussi une remarquable petite statuette votive féminine en bronze d’époque archaïque (p. 49 et pl. LX).

 

          C’est probablement sur le plan de l’illustration que l’ouvrage aurait pu bénéficier d’une présentation plus efficace : après les 5 premières planches, consacrées à l’activité scientifique de Maria Santangelo, les 55 suivantes auraient sans doute gagné à être réparties en trois sections distinctes – plans d’ensemble et de secteurs (en y joignant les fig. 1-5, dont la source et la date devraient figurer dans leur légende, plutôt qu’à la p. 63, avec les crédits photographiques), photos de fouille, mobilier –, d’autant que l’ordre des planches ne suit que très approximativement le fil de lecture du texte : il aurait donc été utile de disposer, pour chaque illustration, d’un renvoi à la page du texte auquel elle se rapporte. Les illustrations sont toutes en noir et blanc, généralement de faible qualité – ce qui était à peu près inévitable, puisqu’il s’agit le plus souvent des photos d’origine ; quelques documents (pl. LV, la vue dessinée en 1953 par Lucos Cozza), mais aussi certaines céramiques ou terres cuites polychromes, auraient cependant certainement bénéficié du recours à la couleur. Nombre de ces photos, par ailleurs, ne concernent pas directement les fouilles Santangelo, mais des travaux antérieurs – c’est le cas de la très belle et émouvante photo de la découverte de la statue d’Apollon, faite par Giglioli en 1916 (pl. VIIb) –, ce qui complique un peu l’accès à ces documents, surtout lorsque la date du cliché n’est pas indiquée dans la didascalie de la figure (pl. IIc, la statue photographiée à côté du restaurateur Augusto Falessi n’est évidemment pas celle d’Apollon, comme l’indique sa légende, mais celle de la déesse à l’enfant). Par ailleurs, puisqu’il est beaucoup question, dans le texte, de la citerne archaïque (particulièrement p. 36-37), il aurait été utile de la situer sur l’un des documents publiés dans le volume[12]. Plus généralement, il manque clairement à l’ouvrage une planimétrie d’ensemble regroupant des indications dispersées ici entre différentes figures, sinon même absentes, qui permettraient de localiser commodément, pour qui n’est pas nécessairement familier du site, les différents secteurs de fouille mentionnés dans le texte – muro di temenos, strada romana, fogna nella zona dell’altare, cisterna romana, pozzo F, cava di tufo, angolo Sud dell’Ara, vano G, collina sovrastante la terrazza del santuario, Cannetaccio[13] –, tel qu’ils sont à nouveau évoqués en conclusion du volume (p. 51-53).

 

          En dépit de ces quelques réserves, qui ne retirent rien à la qualité des informations contenues dans l’ouvrage et à son intérêt, cette minutieuse publication constitue une pièce nouvelle, et fondamentale, apportée au grand puzzle de l’archéologie du site, conformément à une situation malheureusement commune à nombre d’autres chantiers de fouille, en Étrurie et ailleurs, aujourd’hui comme hier. Elle illustre parfaitement la somme considérable de rigueur, de travail et de connaissances nécessaires pour tirer pleinement parti aujourd’hui de données de fouilles anciennes demeurées inédites et dont le bilan se solde finalement bien souvent, en définitive, par une perte de données supérieure à la somme réelle de leurs acquis.

 


[1] Une sélection de plus de 150 articles de cet auteur, relatifs à la seule période 1958-1998, a été publiée en six volumes, pour un total de près de 3000 pages, sous le titre Italia ante romanum imperium. Scritti di antichità etrusche, italiche e romane, Pise-Rome, 2005.

[2] Sur cette importante cité étrusque, voir, en dernier lieu, J. Tabolli et O. Cerasuolo (dir.), Veii, Austin, 2019 (Cities of the Etruscans 2).

[3] G. Colonna, Veio : i santuari di Portonaccio e Piano di Comunità, dans L. Drago Troccoli (dir.), Scavi e ricerche archeologiche dell’università di Roma « La Sapienza », Rome, 1998, p. 139-143.

[4] E. Stefani, Veio. Tempio detto dell’Apollo, NSc 1953, p. 29-112

[5] G. Colonna (dir.), Il santuario di Portonaccio a Veio. I. Gli scavi di Massimo Pallottino nella zona dell’altare (1939-1940), MonAnt 58 (Ser. Misc. 6-3), Rome, 2002 (avec la bibliographie fondamentale du site figurant à la p. 129, note 1).

[6] G. Colonna, L. Ambrosini (dir.), Il santuario di Portonaccio a Veio. III. La cisterna arcaica con l’incluso deposito di età ellenistica, MontAnt 67 (Ser. Misc. 13), Rome, 2009.

[7] Les principaux résultats de cette recherche ont été anticipés dans un article de G. Colonna, Gli scavi Santangelo nell’area urbana di Veio, ArchCl 65, 2014, p. 59-102.

[8] Voir la notice biographique et bibliographique publiée par Maria Letizia Arancio dans Colonna-Ambrosini 2009 (supra, note 6), p. 319-323.

[9] Maria Santangelo avait cependant publié quelques brèves notices sur ses travaux à partir de 1945, ainsi qu’une présentation préliminaire, en 1952, portant sur ses six premières années de fouilles (Veio, santuario « di Apollo ». Scavi fra il 1944 e il 1949, BdA 1952, p. 141-172), qui est demeurée sa dernière contribution consacrée au site : voir, dans ce volume, la bibliographie figurant à la p. xv.

[10] Pour une étude récente sur cet ensemble exceptionnel, voir L. M. Michetti, Gli dei sul tetto. Le basi acroteriali del tempio di Veio-Portonaccio. Struttura e apparato decorativo, dans P. Lulof et C. Rescigno, Deliciae Fictiles IV. Architectural Terracottas in Ancient Italy. Images of Gods, Monsters and Heroes, Oxford-Oaxville, 2010, p. 96-106.

[11] À cet égard, la publication des fouilles Santangelo à Véies ne peut donc être considérée comme définitivement achevée.

[12] Indiquée sur la seule fig. 4, elle se trouve à peu près à mi-distance entre le grand temple, à l’ouest, et le complexe de l’autel, à l’est, vers le centre de la grande carrière de tuf qui a détruit une partie des structures du sanctuaire. De même, la compréhension de documents complexes (pl. VIII-IX) aurait pu être facilitée en indiquant sur la photographie la position des structures mentionnées dans la légende

[13] Les informations données dans le texte permettent seulement de comprendre que cette zone se trouvait en contrebas (fondovalle) du sanctuaire, non loin de la rivière (la Mola, c’est-à-dire le Crémère antique), comme l’indique son toponyme, relatif à la présence de roseaux et de joncs (canneto).

 

 

INDICE

 

Introduzione (Laura Ambrosini)  p. vii

 

Abbrezviazioni bibliografiche  p. ix

 

1. Maria Santangelo, il Museo di Villa Giulia e il santuario di Portonaccio  p. 1

 

2. Le scoperte del 1943 al Portonaccio  p. 8

 

3. Considerazioni generali sugli scavi Santangelo al Portonaccio p. 11

 

4. La I campagna di scavo (22 agosto-21 ottobre 1944)  p. 12

 

5. La II campagna di scavo (9 aprile-29 maggio 1945)  p. 26

 

6. La II campagna di scavo (9 agosto-16 ottobre 1945)  p. 33

 

7. La IV campagna di scavo (25 marzo-20 maggio 1946)  p. 39

 

8. La V campagna di scavo (2 settembre-5 ottobre 1946)  p. 45

 

9. La VI campagna di scavo (ottobre-novembre 1947) p. 46

 

10. Recuperi dell’aprile 1949  p. 46

 

11. La VII campagna di scavo (26 settembre-14 ottobre 1949)   p. 46

 

12. La VIII campagna di scavo (24-29 gennaio 1950)  p. 47

 

13. La IX campagna di scavo (maggio-giugno-luglio 1950)  p. 47

 

14. Primo cantiere scuola (16 ottobre 1950-17 febbraio 1951) (= X campagna)  p. 48

 

15. Secondo cantiere scuola (17 dicembre 1951-8 aprile 1952) (= XI campagna)  p. 49

 

16. Terzo cantiere scuola (11 ottobre 1960-10 gennaio 1961)   p. 49

 

Conclusioni (Laura Ambrosini)  p. 51

 

Indice delle personne  (Laura Ambrosini)   p. 55

 

Indice per materie (Laura Ambrosini)  p. 57

 

Crediti fotografici  p. 63