Tsourti, Eos - Trifiro, Maria Daniela: Sylloge Nummorum Graecorum Greece 5, Numismatic Museum Athens, The A.G.Soutzos Collection (Academy of Athens, Athènes 2007)
Reviewed by Dominique Gerin, Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France Number of words : 1112 words Published online 2009-01-06 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=419
Avec la collection Soutzos, la patiente entreprise internationale
qu’est la SNG trouve, en Grèce, l’accomplissement d’un cinquième
volume, après Evelpidis (SNG 1, 1970), Alpha Bank (SNG 2, 2000),
Christomanos (SNG 3, 2004), Saroglos (SNG 4, 2005), toutes collections
particulières déposées ou données, si l’on excepte la collection de
l’Alpha Bank, au Numismatiko Mouseion, îlots bien circonscrits dans
l’énorme masse des collections nationales dont le catalogue
constituera, quand il sera établi, une gigantesque manne documentaire…
Alexandre Soutzos (1802-1870) fut le contemporain du duc de Luynes.
Autant dire que l’ensemble qu’il a constitué, sous le regard attentif
du grand numismate Postolakas, premier directeur du musée numismatique,
présente, outre l’intérêt de nous éclairer sur le goût et les choix
d’un homme, celui de nous dévoiler, au détour d’une monnaie, les
contours d’une discipline encore à ses commencements. Il y a quelque
chose de fascinant dans ces anciennes collections, où les choix
d’exemplaires, leur publication dévoilent certains mécanismes du
développement de la connaissance ; et les erreurs de classement sont
souvent révélatrices de ces mécanismes, et des rapports intellectuels
entre le modeste collectionneur et ses amis expérimentés et savants —
Paul Lambros, en particulier — qu’il investit d’une confiance parfois
mal placée (v. ci-dessous l’attribution à Stratos d’une monnaie de
Tégée).
Comme il est si souvent d’usage chez les amoureux des monnaies que sont
les collectionneurs, Soutzos n’a pas échappé à la tentation de
l’exhaustivité : il s’est efforcé de couvrir la totalité du monde
hellénisé, avec plus ou moins de bonheur. On ne s’étonnera pas du
faible nombre de monnaies d’Espagne (6) et de Gaule (12 : 7 à 18), ou
d’Égypte (5 Lagides et 4 provinciales : 1733-1741), a fortiori des
Séleucides (1707-1709) ; le cœur de la collection est constitué de
monnaies de la Grèce propre (SNG 207-1261). Il est par contre beaucoup
plus révélateur de constater, au fil des pages, la richesse des séries
de monnayages fractionnaires. Cet intérêt particulier d’un
collectionneur relativement modeste se révèle, en fait, précurseur — ce
n’est qu’au XXe s. que des études plus larges ont commencé d’être
conduites sur les fractions — ; on en trouve clairement la trace dans
la publication qu’il fit lui-même de cinquante-et-une de ses monnaies
(RN 1869-1870, p. 173-183 et pl. VI-VIII) : 5, une obole qu’il attribue
à Larissa (dont il manquerait le lambda), et qui est de Krannon (dont
il manque le kappa : SNG 363, qui indique par erreur Soutzo 15, au lieu
de 5) ; 9, Alea (SNG 1111) ; 12, Stratos d’Acarnanie (SNG 520) et 13
(SNG 1141), qu’il avait placée à juste titre à Tégée pour se ranger
ensuite à l’opinion « étayée » de Lambros lisant une indication de
poids, et attribuant la pièce à la Phocide, etc. Les plus remarquables,
à nos yeux, de ces séries de fractions sont bien évidemment celles
d’Athènes, atelier central de cette jolie collection, puisqu’elle
compte, toutes époques et métaux confondus, 126 exemplaires (SNG
654-779) ; n’ayant ni drachmes ni statères de la première série, dite
des « Wappenmünzen », Soutzos a cependant acquis sept oboles à la
roue/carré creux (654-660 : trouvaille d’un petit dépôt ?) et une obole
à la gorgone (661) ; l’abondante série du Ve s., de la drachme à
l’hémiobole (669-694) est particulièrement remarquable, immédiatement
suivie, de la drachme au tetartemorion, de celle du début du IVe s.
(695-707). La série béotienne (SNG 564-623) propose elle aussi une
extraordinaire abondance de fractions. On n’en finirait pas d’énumérer
ces petits objets, longtemps négligés — la riche collection de Luynes
en comporte très peu — qui constituent la part la plus remarquable de
la collection Soutzos. Quant au nombre, sans considération de
dénominations, seule la Ligue achéenne approche l’atelier d’Athènes
(106 exemplaires : SNG 905-1010) ; là encore on peut soupçonner la
présence d’un ou plusieurs trésors.
En 1904, à l’occasion du transfert de la collection au Musée
numismatique, Svoronos a publié (JIAN 7) quelque 283 pièces de la
collection, dont deux seulement déjà publiées en 1869 : l’une de
Thèbes, un assez rare tetartemorion au bouclier (SNG 593, Svoronos 117
[Hisménè], Soutzos 15 [Hisménè]) ; l’autre un bronze de Tanagra au nom
et à l’effigie de Drusus (SNG 578, Svoronos 122, Soutzos 16), si rare
que le RPC présente l’exemplaire du BM comme unique, les deux
références à Soutzos ayant échappé à son inventaire.
Cette ancienne collection enfin heureusement mise à la disposition des
numismates est publiée avec un appareil d’indices qui nous paraît un
peu sommaire : auprès des index des ateliers, fédérations et dynastes,
on regrette l’absence d’un index des types ; l’index des légendes est,
par contre, très complet ; on aurait aimé disposer d’une concordance
entre les publications de Soutzos et de Svoronos et la SNG, ce qui
aurait permis de systématiser les références dans les notices. Ce n’est
pas le lieu de publier ici une telle concordance, trop lourde :
signalons simplement la trentaine de références qui ont échappé aux
auteurs (ou qui sont mal attribuées), dans l’ordre de la SNG : 63
(Samadion d’Apulie) = Sv. 274 ; 167 et 169 (Panormos) = Sv. 33 et 34 ;
292 (Orresciens) = Sv. 59 (268 [Acanthe] ≠ Sv. 59) ; 368 (Héraclée
Trachinia) = Sv. 81 ; 395 (Scotussa) = Sv. 88 ; 428 (Damastion) = Sv.
97 ; 537 (Locres Opontiens) = Sv. 110 ; 553 (Delphes) = Soutzos 14 ;
580 (Thèbes) = Sv. 120 : 597 = Sv. 115 ; 610 (Féd. béot.) = Sv. 114 ;
663 (Athènes) = Sv. 124 (664 ≠ Sv. 124) ; 725 = Sv. 129 ; 764 = Soutzos
17 ; 828 (Corinthe) = Sv. 139 ; 1073 (Argos) = Soutzos 22 ; 1111 (Alea)
= Soutzos 9 ; 1113 (Caphyae) = Sv. 164 ; 1120 et 1123 (Héraia) = Sv.
162 et 163 ; 1148 (Tégée) = Sv. 168 ; 1195 (Rhaucos) = Sv. 169 ; 1242
(Paros) = Sv. 257 [Celenderis] ; 1324 (et non 1325) (Parion) = Sv. 190
; 1383 (Larissa d’Éolide) = Sv. 200 (et non 201 ; Sv. 200 semble ne pas
figurer dans la SNG) ; 1399 (Koinon de Lesbos) = Sv. 198 ; 1402
(Por[d]osilène [Pyrgos]) = Sv. 193 ; 1446 (Samos) = Sv. 210
[Clazomènes] ; 1476 (Héraclée Salbakè) = Sv. 209 ; 1506 (incert. Carie
[plutôt Kaunos : K. Konuk, Mélanges Price, 1998, 36]) = Sv. 260
[Cilicie ou Lycie] ; 1512 (Kilbianoi, Lydie) = Sv. 232 ; 1515
(Dioshieron) = Sv. 230 ; 1623 (Baris, Pisidie) = Sv. 270 (et non 268) ;
1637 (Selgé) = Sv. 53 [Chersonèse de Thrace] ; 1648 (Kasai, Cilicie) =
Sv. 267. — SNG 40 est la monnaie 6 de la planche IX de Svoronos, mais
elle n’a ni numéro ni notice dans le texte. Quant à la monnaie 108 de
Svoronos, une drachme aux types corinthiens (Pégase/Aphrodite) qu’il
attribue à Lysimachie de Thrace, en raison de la légende ΛΥ au revers,
et que MüM Deutschland 23 (BCD coll., 18 oct. 2007), 418 (tête à g., et
non à dr.) attribue à un atelier incertain d’Acarnanie, sauf erreur,
elle ne figure pas dans la SNG.
Signalons, pour finir, parmi les quelques monnaies fausses rejetées en
fin de volume, le statère de Stymphale (1768), trop léger, qui apparaît
au premier regard comme des deux mêmes coins que celui de Paris
(Schweizer Münzbl.,221 [3/2006], p. 3-8) dont nous avons montré qu’il
figurait dans la collection royale dès avant le déménagement à
Versailles (inventaire de 1689), et qu’il pouvait s’agir d’un faux
antique. D’où Soutzos a-t-il tenu son exemplaire ? Le mystère
s’épaissit…
Malgré notre petite réserve sur indices et concordance, voilà une
publication de qualité, qui rend déjà certainement de grands services à
tous les numismates.
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