Di Bella, Fabiano Fiorello: Il ritratto nell’arte greca. Fonti scritte e archeologia in età arcaica e classica, (Archaeologica, 183), XVIII-268 pp., 29 illustrazioni nel testo, brossura, 17 x 24 cm, ISBN: 9788876893261, 180 €
(Giorgio Bretschneider, Roma 2021)
 
Compte rendu par Marion Muller-Dufeu, Université de Lille
 
Nombre de mots : 1070 mots
Publié en ligne le 2022-11-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4220
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       L’ambition de ce livre est de préciser s’il existe des portraits dans l’art grec archaïque et classique et quelles œuvres on peut mettre à bon droit sous ce vocable.

 

       L’introduction explique donc la problématique à laquelle on se heurte dans ce domaine pour l’Antiquité : la représentation d’un personnage est-elle une représentation individuelle, dont la ressemblance établit l’identité, ou une image plus générique destinée à mettre en valeur les qualités attendues du représentant d’une fonction ou d’un statut social ? Pour résoudre cette question, l’auteur se propose d’examiner quelques œuvres caractéristiques en lien avec les sources textuelles.

 

       Suivent trois parties ou grands chapitres, chacune subdivisée en paragraphes traitant de problèmes spécifiques. La première partie, assez courte, est un état de l’art : quels sont les problèmes posés par le sujet du livre et comment la recherche y a-t-elle répondu depuis l’intérêt suscité par les découvertes de la Renaissance ? Quelles sont les caractéristiques qui permettent de faire d’une sculpture un portrait ? Puisque nous ne pouvons pas reconnaître directement un personnage de l’Antiquité, il faut tout d’abord qu’un nom soit apposé sur au moins l’une des œuvres appartenant éventuellement à une série. On peut ensuite s’interroger sur le réalisme du portrait aux époques archaïque et classique : la critique a d’abord voulu exclure en tout réalisme. Mais les datations récentes de certaines de ces œuvres obligent à considérer que cette façon de voir est erronée. L’auteur se fonde toujours pour appuyer ses thèses tant sur des exemples précis (ici le portrait d’Aristote du Kunsthistorisches Museum de Vienne) que sur les allusions contenues dans les textes : ainsi de l’anecdote célèbre de la caricature du poète Hipponax par Boupalos. Cependant, cet usage du réalisme n’empêche pas de mettre dans le portrait des traits qui se rapportent à une idée plus générale des valeurs que l’on attribue à la fonction exercée par le personnage, comme on peut le voir dans le portrait de Périclès.

 

       La deuxième partie s’intitule : « Penser par images. Définir le portrait. » L’auteur s’appuie d’abord sur les mentions épigraphiques, « qu’on peut directement confronter aux données archéologiques et moins sujettes à l’intention doctrinale de la littérature. » Il rappelle tout d’abord que le premier terme utilisé par les Grecs eux-mêmes pour désigner les représentations anthropomorphes (mais pas seulement) est le mot ἄγαλμα, qui se réfère au lien tissé entre l’homme et la divinité plus qu’à la caractérisation de l’œuvre. L’analyse de la statue de Phrasikléia et de l’épigramme qui l’accompagne donne lieu à un commentaire sur l’intention de donner à voir un portrait dans cette œuvre singulière. Dans un deuxième temps, l’auteur s’intéresse à l’apparition de termes spécifiques dans la littérature : tandis qu’ἄγαλμα se spécialise peu à peu pour désigner la représentation de la divinité, le mot εἰκών se répand pour désigner la représentation de l’humain, et ce à partir d’Hérodote, qui est le premier à utiliser de façon différenciée les termes εἰκών, εἴδωλον, ἀνδρίας ou κόλοσσος. L’historien évoque en effet dans son œuvre quelques représentations individuelles (athlètes ou autres), consacrées dans divers sanctuaires. Deux autres mentions littéraires importantes au sujet du portrait sont le fragment des Isthmiastai d’Eschyle et l’apparition vers la fin de l’époque archaïque de la caricature, comme dans l’anecdote relative à la querelle d’Hipponax avec Boupalos et Athénis. Enfin, l’auteur examine les nombreuses offrandes de statues honorifiques présentes dans les grands sanctuaires grecs (Olympie, Delphes, l’Acropole d’Athènes). À chaque fois, un tableau permet de repérer les termes utilisés par les Anciens pour caractériser ces œuvres. À chaque étape de sa réflexion, en effet, l’auteur produit les éléments factuels sur lesquels il s’appuie, permettant ainsi de mieux suivre son argumentation.

 

       Dans la troisième partie, la plus importante en nombre de pages, l’auteur examine la « forme des images » pour en déduire « l’origine du portrait ». L’étude suit ici encore l’ordre chronologique, depuis l’époque archaïque jusqu’à l’époque classique et tardo-classique, en passant par le style sévère. Elle s’appuie plus particulièrement sur le commentaire de quelques œuvres jugées emblématiques des tendances de l’époque à l’égard du portrait, comme le Cavalier Rampin, le devin du fronton d’Olympie ou les crypto-portraits de Phidias et Périclès sur le bouclier de la Parthénos. L’auteur n’oublie pas de convoquer aussi la littérature pour conforter ses thèses : il propose parfois des identifications pour les sculptures célèbres qu’il étudie et montre que, quel que soit le personnage représenté, ces œuvres témoignent bien d’une volonté de faire des portraits individualisés et non simplement des images conventionnelles d’un statut particulier. Il s’efforce aussi de proposer des attributions à ces œuvres souvent anonymes, en comparant leurs traits à ce que la littérature nous transmet du style des auteurs. C’est ainsi qu’il fait deux allusions au « Didymidès » de l’épigramme 62 de Posidippe, en soulignant dans la note 246 le caractère « σκληρόν » de ses œuvres sans faire cependant le lien avec Calamis, qu’il évoque dans la note suivante. J’avais essayé de montrer que la seule correction acceptable pour cet hapax était justement Calamis, la description du style et la paléographie s’accordant pour cette identification (REG 2012, p. 281-286). Cette troisième partie classe donc les portraits non seulement en fonction de leur datation possible, mais aussi d’après la forme qu’ils peuvent prendre : glorification de l’aristocrate à l’époque archaïque, portrait « de caractère » dans les grandes œuvres à multiples personnages où se distinguent quelques individus marqués par leur destin et apparition du portrait « historique » à l’époque du style sévère, portrait rétrospectif et crypto-portrait à l’époque classique, où la principale qualité du personnage devient son attachement à la patrie.

 

       En conclusion, l’auteur montre comment on peut passer de l’image au portrait en s’appuyant sur quelques principes simples : le portrait est caractérisé par l’intention affirmée de son auteur, que l’on peut démontrer par une analyse solide du style et de l’iconographie, en s’appuyant sur la constitution d’un corpus auquel s’applique la méthode définie. En appendice, des tableaux rassemblent les portraits évoqués par Pausanias dans sa Périégèse, en dehors des grands sanctuaires. Le volume est complété par les annexes habituelles : références des illustrations, sigles et abréviations, bibliographie, index des noms antiques et des noms de lieux.

 

       Le livre se signale par la précision de ses analyses, la variété de ses investigations et un style agréable, toutes qualités qui permettent de suivre le raisonnement avec aisance. On constate une fois de plus avec cet essai que les considérations des Anciens vis-à-vis de l’art n’étaient pas si éloignées des nôtres qu’on a longtemps voulu le dire.