Kosmopoulos, Dimosthenis : Architettura templare italica in epoca ellenistica, (Studia Archaeologica, 250),550 pp., Paperback, 17 x 24, ISBN: 9788891322760, € 150,00
(« L’Erma » di Bretschneider, Roma 2021)
 
Compte rendu par Vincent Jolivet, CNRS
 
Nombre de mots : 1757 mots
Publié en ligne le 2023-07-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4275
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      Issu d’une thèse dirigée par Eugenio La Rocca et soutenue en 2015 à l’université de Rome « La Sapienza », ce volume se propose de rassembler l’ensemble du dossier relatif à l’architecture des temples de la péninsule italique à l’époque hellénistique, de manière à approfondir la question de son rapport avec le monde grec. 

 

      Le corps de l’ouvrage, encadré par une introduction (p. 7-17) et une conclusion nourrie (p. 441-467), est subdivisé en trois parties dont les finalités sont toutefois bien différentes : les deux premières se rapportent à la planimétrie (p. 19-136) et à l’élévation (p. 137-190) des temples, tandis que la troisième (p. 199-440, soit la moitié du volume) constitue le corpus des édifices pris en considération. La bibliographie très riche, opportunément actualisée depuis la soutenance de la thèse (p. 469-525, de l’ordre de 1300 titres, dont les plus récents sont de 2020) témoigne de l’ampleur du travail accompli, et certaines données sont commodément rassemblées dans un tableau récapitulatif (p. 535-544) qui répertorie les entrées du corpus par ordre chronologique, depuis le temple d’Apollon Medicus à Rome, daté génériquement du IVe siècle, jusqu’à celui de Salus Frugifera à Lucus Feroniae, de la fin du Ier siècle. On peut regretter l’absence d’un index locorum qui aurait permis de retrouver plus facilement les informations relatives aux nombreux monuments grecs cités dans le texte, ainsi qu’à ceux de la péninsule italienne antérieurs à la période hellénistique ; une carte des sites, dont certains sont peu connus, aurait également utilement accompagné le lecteur, tout en permettant de mettre clairement en évidence l’aire de distribution des différents types de temples.

 

      L’introduction inscrit la recherche dans une fourchette chronologique comprise (p. 9) entre la prise de Véies en 396 (datation haute, à en juger par le titre même du volume) et Actium, et présente clairement l’état de la question, dont la complexité dérive de l’ampleur et de la diversité géographique du territoire pris en considération, des multiples interactions culturelles qui s’y sont exercées au cours de cette période, ainsi que de la datation et de la restitution débattues de différents monuments, dont les phases successives sont souvent loin d’être claires.

 

      Consacrée à la typologie des temples, la première partie est subdivisée en huit chapitres : les cinq premiers sont relatifs à l’extérieur des bâtiments (périptère, périptère sine postico, pseudopériptère, prostyle, tholos), les trois suivants à des configurations particulières de leur espace interne (tripartition de la pars postica, double cella, cella transversale) – une étude des différents types de pronaos aurait pu aussi utilement trouver sa place dans cette partie. À la fin du volume, trois dépliants (pl. I-III) rassemblent commodément les principaux plans relatifs à ces différents types (tholos exclue) ; y porter le nom des sites, en plus du numéro de catalogue, en aurait facilité l’utilisation. Pour chaque chapitre, le plus souvent encadré par une introduction et par une conclusion, la volonté de communiquer clairement les données est manifeste, mais une présentation plus uniforme de l’ensemble de la documentation (par exemple en traitant successivement de l’origine – ou non – du type dans le monde grec, de ses attestations dans le monde italique, et de sa diffusion en milieu romain) aurait aidé à mieux suivre le propos de l’auteur ; de même, les données ne sont analysées que dans certains chapitres en fonction de leur chronologie, dans ce cas toujours présentée selon deux grandes périodes, IVe-IIIe siècles et IIe-Ier siècles.

 

      Traitant de la décoration architectonique des temples, la deuxième partie[1] comporte cinq chapitres (et plusieurs sous-chapitres) relatifs aux podiums, aux bases de colonnes, aux fûts, aux chapiteaux et aux entablements. Curieusement, l’analyse de l’élévation du bâti s’arrête à ce niveau, en faisant l’impasse sur le fronton et le toit des temples, ainsi que sur le décor de terre cuite pourtant si important dans l’architecture de nombreux édifices sacrés d’époque hellénistique[2]. Une série de planches récapitulatives analogues à celles fournies pour la planimétrie des édifices aurait pu servir ultérieurement le propos de l’auteur.

 

      Le corpus de monuments, présenté dans la troisième partie, rassemble 87 sites classés par ordre alphabétique pour un total de 165 monuments – la part du lion revenant évidemment à Rome, avec 24 temples. Le plus au nord-est Brescia, le plus au sud Eloro ; les régions les mieux représentées sont le Latium (27 sites) et les Abruzzes (15 sites), suivies, en Italie centrale, par l’Étrurie (10 sites) et l’Ombrie (6 sites) ; l’Italie du Sud, avec les îles, est bien représentée (25 sites), l’Italie du Nord beaucoup plus discrètement (4 sites). Rédigées synthétiquement, mais de manière claire et très systématique (datation – éventuellement par phases, et selon les hypothèses des différents auteurs –, typologie, dimensions, technique de construction, orientation, description et commentaire), les fiches sont illustrées par une ou plusieurs figures relatives, pour la plupart d’entre elles, à la planimétrie et à la restitution des édifices, parfois à leur élévation, et comportent la bibliographie essentielle relative aux monuments. Le système de numérotation adopté permet un renvoi facile du texte au corpus. Comme c’est souvent le cas pour ce type de répertoire, un certain nombre d’édifices sacrés d’époque hellénistique qui auraient pu alimenter ultérieurement l’analyse ne figurent pas dans ce corpus[3] : par exemple, pour l’Étrurie et l’Ombrie actuelle[4] et sans nulle prétention d’exhaustivité, les sites de Bolsena (Poggio Casetta, IIIe siècle – p. 113, avec fig. 50, il est daté des VIe-Ve siècles à partir d’une hypothèse avancée par Raymond Bloch en 1950 pour conforter l’hypothèse selon laquelle Bolsena était Velzna, mais totalement abandonnée depuis –, Poggiarello et Poggio Moscini, IIe siècle), Musarna (îlots C et F, IIIe siècle), Orvieto-fanum Voltumnae (temple A, IVe siècle), Pérouse (Villa san Silvestro, fin IVe-IIIe siècle), Piana del Lago (IIsiècle), Populonia (temples B et C, fin IIIe-début IIsiècle, et A, plus récent), Santa Maria in Canale (IIIe siècle), Urvinum Hortense (IIIe siècle)… Plus surprenante, pour le sud du Latium actuel, est l’absence du grand sanctuaire de la Fortune Primigenia à Préneste, qui n’est que brièvement mentionné aux p. 100-101. Les contributions les plus récentes relatives aux différents édifices du corpus n’ont évidemment pas pu être intégrées au volume[5], et de nouveaux temples sont connus depuis sa publication[6] : le volume repose ainsi, à nouveau[7], la question de la validité du support papier pour ce genre de travail, par rapport aux possibilités immenses offertes aujourd’hui par une publication en ligne (nécessairement collective) susceptible d’être modifiée ou enrichie à tout moment en fonction des progrès de la recherche.

 

      Enfin, la conclusion de l’ouvrage revient de manière détaillée sur les différentes composantes de l’architecture des temples, entre traditions autochtones (podium, tripartition de la pars postica…), adaptation locale de modèles grecs (périptère sine postico), emprunts directs à l’architecture grecque (périptère, crepidoma), ces derniers devenus massifs à partir du début du IIe siècle à l’initiative de Rome, également du fait de la présence d’architectes et de sculpteurs grecs dans la ville, même si la tradition italique demeure encore très sensible au travers d’éléments de l’architecture d’un certain nombre d’édifices ; il s’attache aussi (p. 461-465), de manière plus novatrice, à préciser l’influence exercée par l’architecture italique en Grèce et en Orient (« rapporto biunivoco », p. 442), pour laquelle on possède des témoignages, directs ou non, de la présence d’architectes non grecs qui ont ainsi contribué, pour leur part, à la formation de ce que l’auteur définit comme une « architecture hellénistique méditerranéenne » en constante évolution. Dans cette partie aussi, on pourra s’interroger sur les choix effectués en termes de présentation et de hiérarchisation des données, ou sur le retour tardif sur des cas précis (Ostie-via della Foce, Cori, Rome) qui, à ce stade, auraient mérité d’être intégrés plus étroitement aux considérations finales de l’auteur.

 

      Il aurait évidemment été intéressant d’inscrire l’architecture des temples dans un contexte planimétrique plus large – présence d’un portique, d’un téménos (évoqué p. 444), d’un autel, d’une fontaine, d’un puits, d’un thesauros… –, ou encore de traiter des questions liées à la métrologie ou aux témoignages épigraphiques relatifs aux différents monuments analysés. Tel quel, et en fonction des objectifs de départ qu’il s’était fixés, cet ouvrage, efficacement illustré, offre cependant une analyse solide des temples hellénistiques de la péninsule italienne, et son corpus comble une lacune manifeste dans la bibliographie archéologique ; il rendra certainement de grands services aussi bien aux chercheurs qu’aux étudiants[8].

 


[1] Pour l’étude des moulures, plutôt qu’à l’édition originale de Lucy Shoe Meritt, Republican Roman mouldings, de 1965, on renvoie aujourd’hui normalement à sa réédition par Ingrid E. M. Edlund-Berry, parue en 2000 à Austin.

[2] Ainsi, la fiche relative au temple de Talamonaccio (p. 409) ne comporte-t-elle aucune mention de son remarquable fronton ; et le temple du Scasato à Faléries, avec son extraordinaire décor de terres cuites, ne figure pas au corpus (significativement, la bibliographie ne renvoie à aucun des cinq volumes des Deliciae Fictiles parus entre 1993 et 2019). En conclusion, p. 442, l’auteur évoque la « rarefazione della decorazione architetturale fittile », mais deux pages plus loin l’architecture des temples « fastosamente ricoperta con lastre fittili ».

[3] Il ne semble pas que les cinq volumes relatifs à l’Italie de la série Fana, templa, delubra. Corpus des lieux de culte de l’Italie antique, dirigée par Filippo Coarelli et John Scheid, parus entre 2008 et 2021, aient fait l’objet d’un dépouillement systématique : ils ne font pas toujours l’objet de renvois dans les fiches, et le temple périptère corintho-italique de Vénus à Ancône, daté de la seconde moitié du IIe siècle, et connu de longue date (FTD 7, p. 20-22, avec plan à la fig. 16), ne figure pas au corpus. 

[4] Pour la Sicile, voir le compte rendu de Leonardo Fuduli, dans BMCR 2023.02.31 (https://bmcr.brynmawr.edu/2023/2023.02.31/).

[5] P. ex., pour les quatre temples républicains d’Ostie, Filippo Coarelli, Ostia repubblicana, Rome, 2021, p. 317-342 ; pour Pietrabbondante, Adriano La Regina (dir.), Archeologia a Pietrabbondante : fasi edilizi, oggetti di culto, materiali, Rome, 2022

[6] P. ex. le temple suburbain de la via Latina près de Frégelles, Giovanna Battaglini, Filippo Coarelli, Francesca Diosono (dir.), Fregellae : il tempio del Foro ed il tempio suburbano sulla Via Latina, Rome, 2019 ; ou le nouveau grand temple urbain récemment mis au jour à Vulci (https://edit.gerda-henkel-stiftung.de/jb/jahresbericht2022/9-franceschini-pasieka_114848.html).

[7] Cf. mon compte rendu à L. Ceccarelli et E. Marroni, Repertorio dei santuari del Lazio, dans Histara, mars 2012 (http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1537).

[8] Sa lecture pourra être utilement complétée par celle de l’ouvrage du frère de l’auteur, publié chez le même éditeur, l’année suivante, et qui aborde des thématiques en partie voisines : Lorenzo Kosmopoulos, Tuscanicae dispositiones sive opera dorica. Architetture doricizzanti in Italia centro-meridionale, Rome, 2022.