| Leniaud, Jean-Michel - Perrot, Françoise: La Sainte Chapelle, 25x29 cm, 216 pages, 272 ill., ISBN 978-2-85822-920-8, 35 euros (Les éditions du Patrimoine, Paris 2007)
| Compte rendu par Sabine Berger, Université Paris IV-Sorbonne Nombre de mots : 1805 mots Publié en ligne le 2009-03-02 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=435 Lien pour commander ce livre L’ouvrage de Jean-Michel Leniaud et Françoise Perrot, réédition mise
à jour d’une monographie parue en 1991, est consacré à l’un des
monuments majeurs de l’art gothique, la Sainte-Chapelle de Paris,
châsse monumentale commandée par Saint Louis au milieu du XIIIe
siècle afin d’abriter les reliques de la Passion du Christ au sein du
palais de la Cité. Le livre est composé de deux grandes parties : la
première porte sur l’histoire de la fondation de la Sainte-Chapelle,
les travaux de restauration du XIXe
siècle, la liturgie ainsi que l’architecture de l’édifice, tandis que
la seconde partie est une présentation détaillée des verrières de la
chapelle haute (programme iconographique, analyse stylistique et
significations de l’ensemble vitré).
L’introduction présente le contexte de la fondation et offre au lecteur
les informations nécessaires pour bien appréhender les chapitres
suivants, à commencer par un panorama du royaume de France sous le
règne de Louis IX. Le rachat par celui-ci de la couronne d’épines du
Christ en 1239 sera suivi par l’acquisition de nouvelles reliques
quelques années plus tard, auprès de Baudouin II de Courtenay, empereur
de Constantinople. Pour les conserver, le roi projette la construction
d’un édifice-reliquaire majestueux, propre à marquer les esprits de ses
contemporains, à l’emplacement de l’ancienne chapelle Saint-Nicolas, au
cœur même du palais royal. Ce choix symbolique est expliqué sous
plusieurs angles en fin d’introduction. Consacrée en 1248,
monument-phare du gothique rayonnant et modèle architectural, la
Sainte-Chapelle est pourtant, l’auteur le rappelle, un bâtiment
considérablement marqué par les restaurations menées au XIXe siècle : l’histoire de ces transformations fait l’objet du premier chapitre.
La Sainte-Chapelle, dont les modifications successives au fil des
siècles sont énumérées, est endommagée pendant la Révolution française
et affectée à divers usages jusqu’au premier tiers du XIXe
siècle. Le chapitre débute par un rappel de la prise de conscience
patrimoniale ayant abouti à la naissance des Monuments historiques.
L’évolution du bâti aux abords de la Sainte-Chapelle est examinée dans
le détail. Les restaurations entreprises par Félix Duban et
Jean-Baptiste Lassus sont par la suite présentées. Exemplaires à bien
des égards, elles ont conduit à l’édifice que nous voyons aujourd’hui.
Leurs différentes phases et les méthodes de travail des deux
architectes sont minutieusement exposées : projets de restitution
d’éléments disparus, réalisés ou non (flèche, escalier de Louis XII),
difficultés rencontrées au moment de la restauration de la statuaire
(portails occidentaux, apôtres de la chapelle haute), restitution
prudente du décor peint dans un contexte de redécouverte de la
polychromie des édifices médiévaux, reconstitution du mobilier disparu
(notamment la tribune des reliques), mise en place de nouveaux
luminaires. Ce chantier capital dans l’histoire de la restauration des
monuments français est poursuivi par Emile Boeswillwald (en particulier
le dallage de la chapelle haute) jusqu’à l’achèvement des travaux en
1863. Le chapitre aborde enfin la question de la réception de ces
restaurations par l’opinion contemporaine.
Un deuxième chapitre expose de manière approfondie la vie liturgique de
la Sainte-Chapelle. L’importance que revêtaient les reliques, de même
que la variété des cérémonies qui se déroulaient dans l’édifice, sont
difficilement perceptibles aujourd’hui. L’auteur présente en premier
lieu les étapes du démantèlement du chapitre collégial et de la
désaffectation de la Sainte-Chapelle à la fin du XVIIIe siècle, puis revient aux origines de la fondation comme aux évènements marquants de la seconde moitié du XIIIe
siècle : acquisition des reliques par Louis IX, acheminement vers le
royaume de France et réception de celles-ci, nécessité d’ériger un
bâtiment approprié à cet inestimable trésor, canonisation de 1297 et
translation du chef de Saint Louis à la Sainte-Chapelle, etc. La
distribution de reliques à des établissements religieux est évoquée,
phénomène dont bénéficiaient également certains membres de la famille
royale. D’amples développements sont consacrés à l’explication de la
portée, pour la monarchie capétienne, de cette fondation (association
du culte des reliques de la Passion à celui du roi et de ses
successeurs). La tribune des reliques et la grande châsse sont ensuite
décrites, et les reliques conservées dans cette dernière, comme à la
sacristie, sont recensées grâce aux inventaires qui nous sont parvenus.
Quelques paragraphes relatent la disparition durant la Révolution de
reliques, manuscrits enluminés et objets précieux présents à la
Sainte-Chapelle. Avant d’aborder les caractéristiques du clergé
desservant et la liturgie proprement dite, une présentation est faite
des modifications de l’espace liturgique au XVIe
siècle. Le chapitre s’achève par une présentation du personnel
ecclésiastique et des cérémonies ponctuant le quotidien de la
Sainte-Chapelle du XIIIe siècle à
l’époque moderne : actes instituant un collège de chanoines chargé de
veiller sur les reliques, privilèges et libertés, responsabilités et
pouvoirs du trésorier et du chantre, fluctuations des effectifs,
conflits et manquements à la discipline, conditions de vie.
Le chapitre suivant se propose de répondre, en s’appuyant sur les
travaux existants, à des questions cruciales telles que les motivations
du commanditaire et l’implication de celui-ci dans le choix du parti
architectural et du programme décoratif comme dans le suivi des travaux
de construction et la création de la grande châsse. Après un bref
rappel de la notion de maître d’ouvrage, l’auteur présente la diversité
de l’action édilitaire de Louis IX, dans les domaines religieux, civil
et militaire, les pratiques spirituelles de celui-ci de même que son
intérêt pour certains courants théologiques. La volonté très vive du
roi de mener à bien son projet et des moyens financiers conséquents ont
permis la construction rapide d’un tel édifice. Le maître d’œuvre
demeure inconnu : on attribue généralement la réalisation de la
Sainte-Chapelle à Pierre de Montreuil, même si d’autres hypothèses ont
été avancées. L’auteur consacre une importante sous-partie aux
différentes fonctions de la Sainte-Chapelle (chapelle reliquaire,
chapelle palatiale) en insistant sur plusieurs points encore débattus
(notamment l’accès des fidèles aux reliques), dépeint l’aménagement de
l’espace intérieur (chapelle basse réservée aux gens du palais,
chapelle haute fréquentée par le roi et la famille royale) et propose
une lecture symbolique de l’architecture comme du décor vitré, peint et
sculpté de la chapelle, explicitant longuement les intentions royales.
La fin du chapitre traite plus spécifiquement du chantier de la
Sainte-Chapelle (implantation de l’édifice par rapport aux autres
bâtiments composant le palais, estimation du coût de la construction et
de la durée des travaux) et de son architecture (plan, élévations
intérieure et extérieure, techniques de construction, style). La place
de la Sainte-Chapelle dans l’art du milieu du XIIIe siècle et la postérité de l’édifice sont enfin abordés.
Un épilogue conclut la première partie du livre en rappelant
l’originalité d’un monument aux significations et aux fonctions
multiples, dès l’origine lié à la monarchie, de nos jours haut-lieu du
tourisme national et international. Guère plus marquée par l’intense
vie liturgique qui la caractérisait sous l’Ancien Régime, la
Sainte-Chapelle n’a pourtant rien perdu de son aura : son architecture
raffinée, sa statuaire ainsi que ses magnifiques verrières fascinent
toujours.
L’introduction de la seconde partie de l’ouvrage consiste en une
présentation générale des verrières de la Sainte-Chapelle, qui comptent
parmi les plus parfaites réalisations de l’art du vitrail au XIIIe
siècle et ont été admirées de tout temps. Les murs de la chapelle
haute, fortement évidés, tendent à disparaître au profit de la surface
vitrée, ce que rappelle l’auteur avant d’aborder la composition des
panneaux et les difficultés de lecture inhérentes à certains choix
formels, puis l’élaboration d’un programme iconographique au Moyen Âge.
Un plan des verrières figure en p. 118. Soulignons également la qualité
des photographies qui accompagnent abondamment le texte.
Le premier chapitre est une présentation détaillée du programme
iconographique qui se déploie sur les quinze verrières de la chapelle
haute (les huit larges baies de la nef et les sept baies plus étroites
qui percent l’abside). Les épisodes représentés dans des médaillons de
formes diverses illustrent l’histoire du peuple hébreu, de la Création
jusqu’à l’institution de la royauté en Israël ; l’Ancien Testament a
donc été privilégié. Malgré une complexité apparente due à la
compartimentation des scènes, le sens de lecture est relativement
simple.
- Verrières situées au nord : 1. La Genèse ; 2.
L’Exode ; 3. Le livre des Nombres ; 4. Le Deutéronome et le
livre de Josué.
- Verrières de l’abside : 1. Les Juges ; 2. Isaïe et l’Arbre de Jessé ;
3. Saint Jean l’Evangéliste et l’Enfance du Christ ; 4. La Passion
(baie axiale) ; 5. Saint Jean-Baptiste et Daniel ; 6. Ézéchiel ; 7.
Jérémie et Tobie.
- Verrières situées au sud : 1. Judith et Job ; 2.
Esther ; 3. Les quatre livres des Rois ; 4. Les reliques de
la Passion.
- Rose occidentale : l’Apocalypse.
La nef accueille le cycle historique. Avec la verrière d’Isaïe débute
le cycle prophétique, encadrant la Passion, située dans le même axe que
la tribune des reliques. La dernière verrière (1ère
baie au sud de la nef) est entièrement consacrée à l’histoire des
reliques de la Passion, de leur découverte à leur arrivée à la cour de
France (il s’agit des seuls événements contemporains de l’édification
de la Sainte-Chapelle à être représentés). Enfin, la grande rose clôt
le récit par la figuration de la fin des temps. L’auteur distingue,
tout au long de la description, les éléments d’origine des éléments mis
en place lors des restaurations du XIXe
siècle, et explique les spécificités du programme, dont le concepteur
reste inconnu : choix iconographiques, sources d’inspiration (des
parallèles sont dressés avec l’illustration abondante des Bibles
moralisées). Fr. Perrot souligne le sens éminemment politique du
l’ensemble et présente les points de vue de Louis Grodecki
(essentiellement au sujet de la verrière des Reliques, partie
intégrante ou non du programme initial) et d’Emile Mâle. Des éléments
de datation sont avancés.
Le deuxième chapitre est une étude approfondie des aspects techniques
et stylistiques. La composition des verrières (panneaux historiés,
mosaïque ornementale) est rappelée et les coloris sont précisés. La
première sous-partie traite exclusivement de la technique de
fabrication du vitrail, étape par étape, de l’approvisionnement en
matières premières à la pose des panneaux. L’auteur aborde ensuite les
caractéristiques stylistiques des verrières de la Sainte-Chapelle :
l’observation des différences d’exécution a conduit L. Grodecki à
l’identification de trois ateliers et de particularités propres aux
vitraux de la Sainte-Chapelle (type de personnage masculin, type
d’arbre, traitement des plis des vêtements). La seconde partie du
chapitre concerne les interventions successives faites sur la vitrerie
de la Sainte-Chapelle et ce dès la fin du XIIIe
siècle. Chacune de ces « restaurations », travaux d’entretien ou
opérations de plus grande ampleur, est décrite : les éléments modifiés
sont localisés et la technique employée par le restaurateur est
mentionnée. D’importantes réparations affectent l’édifice à la fin du XVe
siècle. La rose flamboyante qui ajoure la façade occidentale de la
Sainte-Chapelle est enchâssée dans le pignon en 1485 : il s’agit d’une
pure création, maçonneries comme vitraux, mais dans le respect de
l’iconographie primitive. Le récit de la mise en place de la rose,
l’exposition de son programme iconographique, de la conception de ses
panneaux et de son style occupent une grande partie du chapitre. Au
XVIIIe siècle, de nombreuses pièces
sont remplacées et l’entretien des vitraux est plus irrégulier. Dès
1845, des restaurations sont entreprises sous la direction de François
de Guilhermy, qui s’attache à retrouver le thème principal de chaque
verrière afin de rendre à l’ensemble sa cohérence iconographique
d’origine ; de nombreux relevés sont alors réalisés.
En fin d’ouvrage, une bibliographie thématique invite à poursuivre la
découverte. Des documents iconographiques particulièrement nombreux et,
pour certains, méconnus, illustrent ce livre, clair et exhaustif, qui
constitue à la fois une synthèse appréciable pour un public
universitaire et un ouvrage de vulgarisation de grande qualité.
Sommaire
Première partie, par Jean-Michel Leniaud, p. 9 :
- Introduction, p. 13-15.
- Un monument du XIXe siècle, p. 17-47.
- Reliques, reliquaires, cérémonies et vie quotidienne, p. 49-77.
- Chapelle palatine et reliquaire, p. 79-107.
- Épilogue, p. 109.
Seconde partie, par Françoise Perrot, p. 113 :
- Introduction, p. 117-119.
- Un message vitré au XIIIe siècle, p. 121-173.
- Les vitraux et leur destin, p. 175-201.
Orientation bibliographique, p. 203-206.
Index, p. 207-211.
Crédits photographiques, p. 213.
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