Gogos, Savas: Das Dionysostheater von Athen. Architektonische Gestalt und Funktion. Mit einem Beitrag zur Akustik des Theaters von Georgios Kampourakis. 216 S., zahlr. Farb- und S/W-Abb., 29,7 x 21 cm, kartoniert. ISBN 978-3-85161-004-8. 69 Euro.
(Phoibos Verlag, Wien 2008)
 
Compte rendu par Sylvain Perrot, Université Paris IV - Ecole Normale Supérieure (Paris)
 
Nombre de mots : 1741 mots
Publié en ligne le 2009-06-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
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          Le livre de S. Gogos est la traduction allemande du même ouvrage paru en grec en 2005 sous le titre Το αρχαίο θέατρο του Διονύσου, αρχιτεκτονική μορφή και λειτουργία (compte rendu de J.-Ch. Moretti dans le Bull. archi., RA 2008, p. 383-384, qui signale notamment que plusieurs restitutions de l’ouvrage sont infirmées par les découvertes récentes). On y trouvait déjà les deux annexes écrites par G. Kampourakis sur le nombre de spectateurs et l’acoustique du théâtre de Dionysos à Athènes. Le texte n’a pas fait l’objet d’une mise à jour de la bibliographie, qui ne tient donc pas compte malheureusement des publications postérieures à 2002. Cette traduction de J. Rambach (Deutsches Archäologisches Institut) inscrit l’auteur dans la continuité des travaux menés sur le monument par les archéologues allemands W. Dörpfeld (Das griechische Theater. Beiträge zur Geschichte des Dionysos-Theaters in Athen und anderer griechischer Theater, en collaboration avec E. Reisch, 1896) et E. Fiechter (Das Dionysostheater in Athen, en trois volumes publiés en 1935-1936), références obligées de l’ouvrage.


          Après avoir consacré deux monographies aux théâtres d’Aigeira (Das Theater von Aigeira. Ein Beitrag zum antiken Theaterbau, SoSchr. ÖAI 21, 1992) et d’Oiniadai (Το αρχαίο θέατρο των Οινιαδών, 2004), l’auteur aborde le cas emblématique du théâtre de Dionysos à Athènes. Dans son introduction, il définit son but en ces termes : « examiner et déterminer l’évolution architecturale du théâtre de Dionysos, dans la mesure du possible » (p. 7). Conscient des limites de son objet, dues à l’absence de vestiges pour certaines phases, il précise sa méthode qui repose sur l’exploration de toutes les sources à disposition, témoignages littéraires et iconographiques comme éléments architecturaux. S. G. ne propose pas ici le compte rendu de récents travaux menés sur le terrain, mais écrit la synthèse de toutes les publications faites sur le sujet.


          Après quelques pages sur les principaux éléments du théâtre grec en général et l’histoire des fouilles du monument athénien, l’état des lieux se présente sous la forme d’un plan chronologique. Si S. G. ne justifie pas dans son préambule les différentes phases qu’il retient, il en fait l’argumentaire dans chacune des parties, où il étudie successivement l’orchestra, le koilon et le bâtiment de scène du théâtre.


          La première partie est consacrée aux états du théâtre de la fin de l’archaïsme (540/530-500/490 av. J .-C.) et du début de l’époque classique (500/490 av. J.-C.). L’auteur y revient sur la notion d’ikria et ses implications sur la situation du théâtre originel à Athènes, qu’il place sur l’agora telle qu’elle est connue aujourd’hui. Il ne fait aucune mention de la thèse selon laquelle le théâtre pouvait se trouver sur une agora située au nord-est de l’Acropole (cf. J.-Ch. Moretti, Théâtre et société dans la Grèce antique, 2001, p. 122). Le choix d’implanter le théâtre sur le flanc sud-ouest de l’Acropole, en lien avec le sanctuaire de Dionysos Éleuthéreus, aurait été fait pour garantir la sécurité des spectateurs, après l’effondrement des ikria du théâtre de l’agora (p. 36). L’orchestra forme alors un cercle de 25-30 m de diamètre, que S. G. compare aux différents vestiges conservés dans le monde grec. Il revient également sur la question du bâtiment de scène : l’absence de traces matérielles est compensée par l’étude des pièces conservées d’Eschyle. S. G. en conclut que pour les trois premières (Perses, Sept contre Thèbes, Suppliantes) le dispositif scénique se résumait à un élément architectural modeste : une tombe pour la première, une koinobomia pour les deux autres (p. 37-40). La trilogie de l’Orestie marque un tournant, car elle nécessite un bâtiment, qui peut changer de fonction grâce à différents accessoires (ainsi l’omphalos et le trépied pour figurer le temple de Delphes). L’auteur étaye cette idée par l’étude des représentations théâtrales sur la céramique attique qui procède différemment de la céramique italiote (p. 43-45).


          Entre 450 et 400/390 av. J.-C., l’orchestra, toujours circulaire, est réduite et déplacée vers le sud-est : en l’éloignant ainsi de l’Acropole, on dégageait complètement la partie inférieure du rocher, ce qui permettait de profiter le plus possible de la pente douce pour les échafaudages de gradins en bois. Il n’y a pas de trace d’un système de fixation solide : le dispositif devait être instable en cas de mauvais temps (p. 55-56). La façade du bâtiment de scène concentre les regards des spectateurs avec l’adaptation des scénographies : l’architecture suivrait en cela l’évolution du théâtre grec, qui s’affranchit de sa forme chorale originelle pour aller vers une plus grande dramatisation. S. G. y voit la grande révolution du théâtre d’Athènes, considérant l’adjonction d’étages au bâtiment de scène comme une variation du système (p. 62 et 65). On regrettera que S. G. ne se réfère pas davantage aux travaux menés sur la peinture antique.


          Le théâtre de la fin de l’époque classique (400/390-323 av. J.-C.) connaît plusieurs changements, notamment les aménagements engagés par Lycurgue (338-326 av. J.-C.). L’orchestra ne forme plus qu’un demi-cercle. Elle est séparée du koilon, désormais en pierre, par un canal d’évacuation pour l’eau. S. G. recense les 67 sièges de la proédrie qui portent une inscription ; un passage est ménagé entre la proédrie et le deuxième rang pour que les spectateurs puissent s’installer (p. 71-74). La skènè, elle aussi en pierre, était selon W. Dörpfeld dotée de deux ailes, les paraskènia, avançant vers le koilon. Cette hypothèse est rejetée par S. G., car un tel dispositif aurait empiété sur les parodoi et restreint l’espace scénique. Il propose d’y voir plutôt un bâtiment à un seul niveau, avec en façade quatre piliers entre deux retours (p. 77-79), dont il donne une restitution informatique en trois dimensions. Cette skènè précède immédiatement l’état hellénistique qui l’intègrera en aménageant un proskènion. S. G. estime que les travaux engagés par Lycurgue pourraient être en fait la réalisation d’un projet plus ancien, mais les preuves manquent (p. 82). Selon lui, les vestiges retrouvés dans la parodos est n’appartiennent pas à un propylée, comme M. Korrès l’a proposé, ou bien alors d’époque romaine (pp. 82-84).


          Le théâtre hellénistique (323-31 av. J.-C) témoigne des nouvelles conceptions du théâtre, incarnées par la comédie de Ménandre. La skènè est dotée d’un proskènion ; l’étage comporte cinq baies. Si W. Dörpfeld pensait à des changements imputables à Sylla, S. G. y voit un aménagement plus ancien, dès la fin du IVe siècle av. J.-C., en comparant le cas d’Athènes à ceux de Dodone et d’Oiniadai. Ces derniers ont une skènè à deux niveaux bien avant le passage de Sylla en Grèce. L’auteur y voit une imitation du théâtre d’Athènes, qui selon lui devait servir à cette époque de modèle à tous les théâtres du monde grec (p. 93-95).


          Le théâtre de l’époque romaine (Ier s. av. J.-C.-IVe s. apr. J.-C.) a un proskènion plus bas qui conduit, vers 61 ap. J.-C., à la construction d’un pulpitum et d’une frons scaenae sur deux niveaux ; c’est de cette époque que date aussi le dallage polychrome de l’orchestra (p. 101). Sous le règne d’Hadrien, la façade fait l’objet de plusieurs améliorations techniques. À la fin du IVe siècle est érigé le bèma de Phaidros, qui avait un décor en relief, notamment la frise représentant la geste de Dionysos. S. G. écarte l’hypothèse qu’elle provînt d’un autel proche : datée de l’époque d’Hadrien, elle appartenait sans doute à la frons scaenae du IIe s. ap. J.-C. Avec le bèma de Phaidros est construit un balteus de marbre autour de l’orchestra, doublé d’un parapet pour permettre les spectacles nautiques (p. 102-103). Lorsqu’une basilique paléochrétienne est aménagée dans la parodos est, au milieu du Ve s., le théâtre n’était plus en activité.


          L’étude historique est complétée par deux annexes de G. Kampourakis sur le nombre de sièges (p. 105-107) et l’acoustique du théâtre (p. 108-130). G. K. avait déjà apporté une contribution sur le nombre de sièges à la publication de S. G. sur le théâtre d’Oiniadai. L’auteur explique la méthode utilisée pour arriver au chiffre de 15 899 sièges, dont la précision n’est que le reflet de la démarche mathématique de l’auteur, qui repose en fait sur des estimations moyennes (notamment la largeur moyenne des places, fixée à 45 cm). Le calcul porte sur le « théâtre de Lycurgue ». On retiendra surtout que c’est environ 1000 sièges de moins que ce qui est généralement admis (cf. J.-Ch. Moretti, op. cit., p. 158).
          L’annexe sur l’acoustique est sans nul doute ce qui fait la plus grande originalité de l’ouvrage. Des travaux similaires sont en cours sur d’autres théâtres, notamment Épidaure, mais les résultats n’en sont pas encore connus. G. K. fait preuve d’une grande prudence méthodologique, de rigueur dans une telle étude. En effet, de très nombreux paramètres sont en jeu, pour certains difficilement mesurables. Le travail de G. K. repose donc sur une batterie de mesures et de tests, dont il donne beaucoup de détails. La simulation ainsi obtenue fait apparaître que le théâtre de Dionysos avait une acoustique assez bonne (p. 123-128). Tous les spectateurs avaient au moins une assez bonne compréhension auditive de ce qui se passait dans l’orchestra et sur le bâtiment de scène ; l’adjonction d’un étage n’a pas apporté de changements notables dans ce domaine. L’acoustique n’est toutefois pas aussi optimale qu’à Épidaure, ce qui est dû à l’asymétrie qui caractérise le théâtre athénien, à l’ouverture incomplète du koilon et à la présence mitoyenne de l’odéon de Périclès. Pour peu que le chœur et les acteurs articulent bien et se placent face au public, l’architecture du théâtre garantissait une bonne écoute, qui toutefois pouvait être gênée par les bruits extérieurs - ce dont on ne saurait faire abstraction pour des édifices de spectacle à ciel ouvert - et le bruit des spectateurs eux-mêmes. On comprend aussi pourquoi l’aulos est préféré à tout autre instrument, par son éclat et son intensité caractéristiques ; les percussions, trop sourdes, s’y prêtent beaucoup moins.


          L’ouvrage s’achève sur une page de glossaire, utile pour des étudiants de premier cycle universitaire. Après la bibliographie viennent les illustrations, abondantes et variées : photos anciennes et récentes du site, plans et restitutions des différents édifices commentés, dont certaines font appel à l’infographie.


          En somme, on retiendra de cet ouvrage une bonne historiographie des travaux menés sur le théâtre de Dionysos à Athènes, avec les réserves que l’on a émises. L’ensemble est clair, bien illustré, avec un abondant appareil de notes où le lecteur trouvera, entre autres, les citations en grec des auteurs anciens convoqués. Il convient toutefois de compléter cette lecture par les travaux plus récents menés sur le monument.