AA.VV.: Notre-Dame d’Orcival. Collection nationale Images du patrimoine, n° 259. 2° édition revue et augmentée, 1ère édition en 1995, 96 pages, format 24 x 30 cm, ISBN 978-2-914528-60-3, 19 euros
(Lieux Dits, Lyon 2008)
 
Compte rendu par Jean-Claude Bonne, École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris)
 
Nombre de mots : 1152 mots
Publié en ligne le 2009-03-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=581
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Cet ouvrage est la réédition d’une publication de 1995 qui a été considérablement augmentée (d’une cinquantaine de pages de textes et de documents) et dont la mise en page a été entièrement revue (format élargi, lisibilité accrue, adjonction de titres plus explicites, correction de coquilles dans le plan ou les textes, ajout d’un glossaire et d’une nouvelle bibliographie avec sites Web…), bien qu’il y ait encore quelques défauts (inversion de la photographie de la p. 18 figurant les chapiteaux de l’hémicycle ; certaines photos sont devenues moins lisibles ; il n’est pas précisé que l’autel figuré p. 17 est celui de la crypte…).

La publication se présente en deux parties : la première est consacrée à l’histoire et à l’analyse du bâtiment (illustrée de quelques documents), la seconde regroupe le gros du corpus photographique accompagné de légendes détaillées. On ne discutera pas les avantages et les inconvénients — ou les difficultés — de ce genre d’ouvrages sérieux mais qui a l’ambition de viser des publics fort divers : grand public (qui se tournera plutôt vers la partie « images » bien fournie) et historiens qui y trouveront en effet une bonne synthèse d’orientation sur l’église, bien qu’il ne s’agisse pas d’une publication à prétentions scientifiques rigoureuses.
Alors que la publication précédente mettait l’accent sur l’édifice d’époque romane, celle-ci donne une large place à son histoire ultérieure. La première partie — présentée comme une longue introduction — comporte de nouveaux développements, notamment sur l’importance de Notre-Dame d’Orcival à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne : offrande du pennon du duc de Bourbon (libérateur de la Guyenne contre les Anglais), libéralités des rois de France et des seigneurs locaux, fondations de messes et d’autels, confrérie pour accueillir les pèlerins pauvres, miracles de la statue, développement de la dévotion à la Vierge à l’époque post-tridentine, enrichissements du mobilier… Parallèlement à ces apports historiques, la seconde partie bénéficie de l’addition d’une substantielle étude illustrée du mobilier, de la statuaire, des objets et pratiques cultuels postérieurs à l’époque romane (elle permet, par exemple, de voir l’évolution de l’image de la statue de la Vierge à l’Enfant dans divers médias).

Si l’église d’époque romane est, selon toute vraisemblance, une fondation du comte d’Auvergne avec l’appui de l’évêque de Clermont, la raison de « l’implantation d’un édifice de cette importance dans un site aussi reculé » reste obscure. La dédicace d’une paroisse ancienne à saint Étienne (encore patron de l’église au XVIIIe siècle) « est le signe partout en France d’une évangélisation fort ancienne ». Se serait-elle substituée à un culte païen lié à une source dont l’église garde le témoignage sous la forme d’une bouche d’écoulement d’eau (aujourd’hui asséchée) dans une niche axiale ménagée à l’intérieur dans le mur occidental ? Des reliques ont pu aussi être mises à l’abri à Orcival au XIe siècle « loin du trajet des invasions ». Mais il a fallu des raisons particulièrement puissantes pour qu’on construise au XIIe siècle un tel édifice dans des conditions aussi difficiles, puisque la façade occidentale est quasiment aveuglée par le flanc de la colline qu’il a fallu tailler abruptement (sauf erreur de notre part, les dimensions de l’église ne sont mentionnées nulle part, une échelle accompagne simplement le plan au sol). Ne pourrait-on envisager la création, sous le patronage qu’on a dit, d’un puissant et très attractif circuit régional de pèlerinage avec les autres églises majeures d’Auvergne?
L’analyse purement descriptive de l’architecture a été reprise textuellement de l’édition précédente (elle comporte des affirmations ou des notions peu critiques comme celle de conservatisme, identifiée successivement à celles d’anachronisme, d’archaïsme, d’héritage, qui sont ultimement rachetées, si l’on peut dire, par l’affirmation que les traits qu’elles désignent sont des témoignages de vitalité dans le nouvel ensemble qui les intègre — ce qui reste une formule purement rhétorique). Cette description, sans doute nécessaire mais au positivisme et à la prose austères, ne bénéficie pas de documents satisfaisants. La lecture en aurait été considérablement facilitée, si des renvois aux photos avaient épargné au lecteur scrupuleux des recherches incessantes dans le corpus photographique. D’autre part, la coupe longitudinale d’après un relevé du XIXe siècle est devenue minuscule et quasiment illisible (elle a d’ailleurs été reportée dans une autre partie de la brochure). Et il n’y a qu’une coupe transversale de la seule partie occidentale d’après un projet ancien de restitution (la base de données Mérimée comporte des coupes beaucoup plus intéressantes). De tels schémas (agrandis et modernisés) sont pourtant un moyen d’intelligence visuelle très important (beaucoup plus parlant, même pour le « profane », qu’une photographie d’ensemble) et il est dommage que le goût, affiché par ailleurs, pour les « images du patrimoine » ne se soit pas étendu à celles-là. C’est un point sur lequel la conception de cette brochure aurait pu être améliorée. La partie consacrée aux chapiteaux comporte une analyse morphologique et typologique sensible des chapiteaux corinthiens et de leurs dérivés et un survol des autres chapiteaux (l’importance des restes de monuments romains antiques est soulignée). Cette étude  est également une reprise inchangée de la version précédente. Elle met à la disposition des chercheurs un important matériel quoiqu’il ne soit pas exhaustif et qu’il appelle des élaborations ultérieures (par exemple, sur la répartition des chapiteaux et leurs rapports aux lieux qu’ils contribuent à définir).

On saluera la très heureuse idée d’avoir confié à un historien d’art un développement inédit sur « les bâtisseurs et le chantier de construction ». On a là un bel exemple d’histoire raisonnée de l’architecture et des marques lapidaires (et de leurs significations sociologiques et spirituelles), à l’opposé de tout factualisme positiviste (est-ce pour signifier ce changement de statut du discours historique que ces pages ont été imprimées sur fond gris ?). Ce dossier, exemplaire des recherches les plus récentes, associant avec pertinence et finesse analyse technique et analyse symbolique, est accompagné d’une illustration, elle, très parlante, notamment un relevé d’une section de l’élévation qui met en évidence par un jeu de couleurs les phases de la construction. Cette étude ne précise pas la date de construction mais la répartition des signes lapidaires confirme l’homogénéité de l’édifice et « le type de layage » serait « bien caractéristique des deux derniers tiers du XIIe siècle en Auvergne » — soit une date plus tardive que celle qui est proposée dans la partie historique qui situe le début des travaux « au début du XIIe siècle ». Par ailleurs, on ne comprend pas bien ce que veut dire que « le chantier dut s’achever à l’extrême fin du XIIe siècle avec la réalisation du décor [lequel?] et l’installation du mobilier [portes méridionales avec ses pentures anciennes et sa garniture de cuir] » — c’est à cette date qu’on place habituellement la réalisation du clocher.

Apparemment, cette édition renouvelée a été conçue à l’occasion de la restauration qui a porté notamment sur les parements extérieurs. Mais la réalisation de la maquette a malheureusement été antérieure à la fin de cette tranche des travaux. Seule la photographie de couverture donne une vue d’ensemble du nouvel état des parties hautes du chevet, du massif de croisée et de la tour. Cet unique document fait vivement regretter que les photos et le texte intérieurs ne tiennent aucun compte de ces rénovations très sensibles (disparition des joints blancs, réouverture des deux niches semi-circulaires dans la partie supérieure orientale du massif barlong de la croisée du transept, qui sont toujours signalées comme maçonnées). La notice sur la restauration a manifestement été rédigée, elle aussi, avant la fin des travaux. Que n’a-t-on un peu attendu pour faire bénéficier cette édition d’une nouvelle documentation photographique ! En dépit des limites inhérentes à ce genre d’ouvrage, celui-ci répond d’une façon très satisfaisante à ses objectifs.

 

 

Textes de Laurence Cabrero-Ravel, Brigitte Ceroni, Maryse Durin-Tercelin, David Morel, Bénédicte Renaud.