Giligny, François (dir.): La Préhistoire en Val-de-Seine. Exposition musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie, 20/09/08 - 15/02/09; 2406x28 cm, 96 pages, 60 ill., ISBN 9782757202180, 25 euros
(Somogy, Paris 2008)
 
Rezension von Walter Leclercq, Fonds national de la recherche scientifique (Bruxelles)
 
Anzahl Wörter : 2155 Wörter
Online publiziert am 2009-07-15
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=628
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Cet ouvrage a été réalisé sous la direction de François Giligny pour l’exposition « La Préhistoire en val de Seine » au musée de l’Hôtel-Dieu à Mantes-la-Jolie programmée du 20 septembre 2008 au 15 février 2009. À travers une sélection d’objets provenant de différents sites du val de Seine, cette dernière illustrait les différentes périodes de la préhistoire, de l’acheuléen à l’âge du fer.

 

Le paléolithique ancien débute dans la région concernée par l’exposition vers 500.000 ans av. J.-C. Les découvertes les plus fréquentes ont été effectuées au cours de l’exploitation des sables et graviers des terrasses alluviales de la Seine. Si l’activité des briqueteries est à l’arrêt, les archéologues peuvent suivre, à l’heure actuelle, les travaux d’aménagement du territoire permettant la découverte de nouveaux sites. On a pu constater que le paysage de la vallée de la Seine fluctuait au cours des différentes périodes. Pendant la préhistoire, les périodes tempérées et glaciaires se sont succédées, ces dernières étant plus longues. La découverte de pollens fossiles datés aux environs de 40000 av. J.-C. a permis de dresser le tableau d’un paysage de toundra, proche des toundras nordiques actuelles, froides avec un couvert herbacé où les arbres se font rares, et  dans lequel les mammouths, les rennes et les rhinocéros laineux paissaient. Cette image contraste avec les phases de transition qui offraient un paysage en mosaïque (forêt boréale), propice au développement des grands troupeaux d’herbivores (cheval, bison). Les restes osseux humains mis au jour sont, au paléolithique moyen, attribués à l’homme de Neandertal qui peuplait les contrées entre 350000 et 30000 ans av. J.-C. Les vestiges matériels les plus fréquents lors des prospections et des fouilles sont les outils en pierre taillée. Le biface, pouvant être affûté plusieurs fois, est l’outil emblématique de l’acheuléen, remplacé ensuite par un outillage sur éclat chez les moustériens.

 

Le paléolithique supérieur (35000-10000 ans av. J.-C.), avec une présence exclusive de l’Homo sapiens sapiens, met en place un outillage en silex sur de grandes lames régulières, et voit l’entrée en scène d’outils tels les burins et les becs pour le travail de l’os et du bois de cerf. On note une évolution dans les techniques de chasse. Les recherches ont montré que l’homme du paléolithique supérieur a largement fréquenté les Yvelines, essentiellement à l’aurignacien (35000-28000 ans av. J.-C.), par la présence de nombreux territoires de chasse et des affleurements de silex de bonne qualité en grande quantité.

 

Ensuite, se développera la culture gravettienne (28000-22000 ans av. J.-C.) en Europe de l’Ouest et de l’Est pour occuper une grande partie du territoire français. Les hommes de cette culture ont plutôt utilisé des pierres tendres pour débiter des lames au profil rectiligne, avec lesquelles ils fabriquaient leurs couteaux et leurs armatures de pointes de projectiles.

Contrairement au paléolithique supérieur, la présence du magdalénien et de l’azilien est très sporadique ; le peu de découvertes archéologiques de cette période pouvant expliquer cette légère lacune. Néanmoins, on a constaté que les groupes aziliens, évoluant dans un climat qui se réchauffe, pratiquaient la chasse d’un gibier de climat tempéré (cerf, sanglier). En illustration, on peut mentionner le site de Bonnière-sur-Seine qui constituait la halte de chasse d’un groupe magdalénien vivant dans un abri sous roche. Ce dernier constituait un poste d’observation privilégié du déplacement des troupeaux. En effet, on remarque que la vallée se rétrécit à cet endroit pour former une sorte de goulet naturel à proximité de la confluence de la Seine et de l’Epte. À ces avantages s’ajoute une abondance d’affleurements de silex d’excellente qualité dans un rayon restreint autour du site. Au cours des campagnes de 1911 et de 1991 furent mis au jour les restes osseux de gibier (mégacéros, cerf, sanglier, cheval), indiquant un territoire de chasse varié, ainsi qu’une industrie lithique essentiellement composée de silex d’origine locale à l’exception d’une « meule » en grès stampien (broyeur d’ocre ?). En 1991, à Neauphle-le-Vieux, un amas de débitage magdalénien fut mis au jour au cours de travaux routiers, première découverte non perturbée de ce type dans les Yvelines ; ce vestige permet de reconstituer entre autres la chaîne opératoire de la taille du silex et ce depuis l’acquisition de la matière première jusqu’à la fabrication et l’utilisation de l’outil. La quantité de silex débité est le reflet d’un séjour bref qui pourrait trouver une explication dans la mauvaise qualité de la matière première.

 

Les groupes humains du mésolithique, quant à eux, verront la fin des chasseurs-cueilleurs au profit des premiers agriculteurs sédentaires du Néolithique. Ce changement a pour cause le réchauffement progressif du climat entraînant une modification du paysage. En effet, la fonte des glaciers entraîne une élévation des eaux avec en parallèle une modification des systèmes fluviatiles.  Le paysage évolue également de la steppe froide vers un paysage végétal avec l’apparition de forêts. Cette modification entraîne une migration de faune habituée au climat froid vers les contrées nordiques pour être remplacée par des espèces de climat tempéré, tels le cerf, le sanglier et le chevreuil. L’homme du mésolithique a dû, de fait, adapter ses techniques de chasse notamment avec une augmentation de la chasse à l’arc, mieux adaptée à ces espèces. Un complément par la pêche et la cueillette est attesté par les découvertes de pirogues monoxyles et la présence de noisettes carbonisées sur certains gisements. La confection de l’outillage nécessaire se base sur un approvisionnement en silex local qui est taillé en petites armatures, caractéristiques majeures des groupes du mésolithique.

 

Ces populations qui pratiquaient la chasse ont vu les hommes du néolithique s’installer dans le Bassin parisien pour y cultiver des terres. Si des traces de conflits sont difficilement palpables, des échanges (objets de parures, haches,...), en Europe du Nord notamment, peuvent y être relevés.

Le néolithique ancien dans le Bassin parisien voit la colonisation de l’espace compris entre la Seine et le Massif armoricain, ainsi que le cours moyen de la Loire. Le type de construction est basé sur la maison danubienne rectangulaire ou trapézoïdale, construite avec trois rangées de poteau pour la toiture et des plus petits poteaux pour les parois.

 

Le rite funéraire majeur est l’inhumation individuelle en position repliée en fosse avec quelques offrandes constituée de céramiques, haches, outils en silex et éléments de parure. Les matières premières de ces offrandes sont extraites, dans la plupart des cas, à proximité des sites d’habitat. Quelques échanges à plus longues distances sont attestés.

Si l’alimentation est composée essentiellement des produits agricoles et d’élevage, la chasse et la cueillette ne sont pas totalement abandonnées.

Vers 4600 av. J.-C., période à laquelle on fait coïncider le début du néolithique moyen, on voit l’apparition d’enceintes entourées de fossés qui perdureront jusqu’au néolithique final ; leurs fonctions exactes ne sont pas définies avec précision, éventuellement un lieu de rencontre et d’échanges.

Contrairement au néolithique ancien, le type d’habitat est très mal documenté, probablement basé sur un nouveau modèle, rond ou ressemblant aux maisons chasséennes (vers 4000 av. J.-C.), petites, de format rectangulaire.

L’inhumation individuelle en fosse commence à faire place aux premières sépultures monumentales en tertre recouvrant plusieurs tombes creusées dans le sol avec un coffre en bois, parfois en pierres. Néanmoins, les sépultures en fosse ne disparaissent pas pour autant et perdurent jusque la fin du néolithique moyen, période qui voit apparaître les monuments mégalithiques à chambre funéraire en pierres, de plan circulaire. De 3400 à 2500 av. J.-C, la phase finale du néolithique, les corps sont volontairement déposés ensemble, voire mélangés. Les sépultures collectives du néolithique montrent une grande diversité au niveau de leur architecture, leur fonctionnement interne et leurs pratiques funéraires. De plus, ces tombes ont fait l’objet de nombreux remaniements suite à leur réutilisation ou au pillage, ce qui rend plus complexe les conclusions quant aux différentes séquences. En effet, ses sépultures ont été utilisées pour y enterrer plusieurs corps, et ce, sauf exception, en plusieurs fois. Certaines gravures à l’intérieur de ces monuments pourraient suggérer une manifestation de pratiques et/ou de croyances religieuses. 

L’alimentation se compose en grande partie de bovins avec une exploitation de la viande et du lait ; la chasse constitue encore un apport nutritif non négligeable.

L’approvisionnement en matières premières pour l’outillage en silex est obtenu par une exploitation en minières, notamment celle de Flins-sur-Seine / Aubergenville, qui peut perdurer jusqu’au bronze ancien. Leur taille et la durée d’exploitation sont variables. La carte de distribution des grandes haches issues de ces minières montre des échanges sur de grandes distances, plusieurs dizaines de kilomètres, autour de la minière ; c’est seulement vers 3000 av. J.-C., que commencent à circuler certains produits provenant des premiers centres de métallurgies, notamment certaines haches, alènes ou perles. Outil prédominant au néolithique, la hache polie intervient comme outil dans les activités agricoles ou comme objet de prestige et de guerre. Deux roches sont généralement utilisées pour la fabrication de ces haches dans les Yvelines. La première est un silex de provenance régionale, voire extrarégionale. Les raisons du choix d’un type de silex par les populations néolithiques sont difficilement déterminables, à l’heure actuelle. On constate simplement que l’ébauche était réalisée en dehors des sites d’habitats pour être polie ailleurs et utilisée dans l’habitat ou échangées avec d’autres villages, parfois sur de longues distances. La seconde roche pour la confection des haches est un grès-quartzite qui présente une bonne aptitude à la taille ainsi qu’une bonne résistance.

Il est clair que d’autres roches régionales furent utilisées dans des proportions moindres (arénite quartzeuse ou calcaire induré), parfois des roches tenaces, importées sur plusieurs centaines de kilomètres par des individus ou des communautés, quelques-unes ayant une provenance « plus exotique », sud-scandinave à titre d’exemple.

Le silex fera peu à peu place à une nouvelle métallurgie, en or et cuivre, à la fin de l’âge du néolithique, période que l’on nomme traditionnellement chalcolithique. Cette dernière n’est pas isolée du néolithique dans le nord de la France. Commence alors à se développer une métallurgie du bronze qui se généralise à la fin du bronze moyen. Contrairement au silex, le métal à la faculté de pouvoir être refondu une fois ébréché. Au niveau de l’armement, il accompagne le guerrier jusque dans sa tombe et revêt par cette occasion une grande valeur symbolique.

Si les pratiques varient durant une bonne partie de l’âge du bronze, avec dans la plupart des cas une inhumation recouverte d’un tertre, on remarque la généralisation de l’incinération, placée dans une urne à la fin de cette période. Au cours de l’âge du fer, apparaîtra une nouvelle structure funéraire : la tombe à char.

 

Pour conclure, cette synthèse arrive à embrasser, en un petit catalogue, les découvertes archéologiques du Val de Seine s’étalant du paléolithique supérieur à la fin de l’âge du fer, et ce en agrémentant le texte de nombreuses photos, dessins et reconstitutions à l’aquarelle. En tant que catalogue d’exposition destiné à un large public, le livre replace toujours, à chaque période, le val de Seine dans un contexte plus large avec les enjeux économiques et culturels qui vont de pair avec l’époque.

Si l’archéologie actuelle n’est pas oubliée, l’exposition, et par conséquent cet ouvrage, montrent le potentiel que peuvent encore avoir les anciennes collections archéologiques, et l’intérêt de les revoir à la lumière des nouvelles recherches.

 

Sommaire

Préface                                                                            p. 7
Marie-José Lorenzini

Introduction : la préhistoire en val de Seine                           p. 10
François Giligny

Sur les traces des premiers chasseurs en val de Seine,            p. 14
de l’acheuléen au moustérien
Héloïse Koehler, Sylvain Soriano    

Le paléolithique supérieur dans les Yvelines                            p. 24
Pierre Bodu

Il y a 13000 ans à Bonnières-sur-Seine :                                p. 34
une halte de chasse magdalénienne    
Marie-Aline Charier    

Un amas de débitage du paléolithique supérieur à                    p. 40
Neauphle-le-Vieux
Pierre Bodu, François Giligny, Ivan Praud        

Le mésolithique en val de Seine                                            p. 44
Sylvain Griselin, Bénédicte Souffi

Le néolithique en val de Seine                                               p. 52
François Giligny

La minière à silex de Flins-sur-Seine / Aubergenville                p. 62
Françoise Bostyn, François Giligny, Adrienne Lo Carmine

La collection de haches conservée au musée de l’Hôtel-Dieu :    p. 68
un témoignage des échanges au néolithique
François Giligny, Nicolas Le Maux, Harold Lethrosne, Jacques Pelegrin

Les mégalithes d’Île-de-France : un patrimoine méconnu            p. 78
Christophe Sence

L’âge du Bronze et l’âge du fer                                               p. 86
François Giligny, Renaud Nallier

Annexes et bibliographie                                                       p. 92