Dubus, Pascale: Qu'est-ce qu'un portrait ?
(L’insolite, collection « L’art en perspective »). 23 illustrations couleurs. 96 pages . Format : (l)12,5*(H)17,5. ISBN 2-916054-06-5. - ISBN 978-2-916054-06-3 (br.) : 10 €.
(Editions l'insolite / Edigroup 2006)

 
Reseña de Claire Mazel
 
Número de palabras : 743 palabras
Publicado en línea el 2007-07-01
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=63
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Qu’est-ce qu’un portrait ? Cette question inaugurale, titre du livre de Pascale Dubus, peut paraître ambitieuse quand on considère la petitesse de l’ouvrage, sa présentation aérée, ses vingt-trois illustrations. Et pourtant, l’ouvrage né d’un article autrefois paru dans la revue Trois (article amplifié, revu et corrigé), non seulement apporte des réponses convaincantes, mais encore soulève de nouvelles questions. Le but de l’auteur est de conduire, ainsi qu’elle l’affirme dans son introduction, « une réflexion sur les critères à mettre en œuvre dans l’élaboration des mises en série », de proposer des critères discriminants pour une typologie du portrait. Afin de mener à bien ce projet, elle entend faire table rase des typologies déjà connues et explorer la question du portrait à travers cinq problématiques, qui constituent les cinq chapitres de l’ouvrage.

Dans le premier chapitre, « le portrait comme origine de la peinture » (p. 17-25), Pascale Dubus montre, dans les récits des origines de la peinture, la coïncidence entre la naissance du portrait et la naissance de cet art. Reprenant les textes de Pline, Alberti et Vasari, elle met en exergue un enjeu fondamental de la portraiture, celui de pallier l’absence et l’oubli. Dans le deuxième chapitre, « Portrait et figure » (p. 27-36), l’auteur s’interroge sur le genre du portrait : qu’est-ce qui permet d’affirmer « ceci est un portrait » ou « ceci n’est pas un portrait » ? Qu’est-ce qui fait que lorsque j’observe une figure humaine dans un tableau, je vois soit un personnage, soit une personne ? Elle formule alors une définition minimale et convaincante du portrait comme « représentation d’une personne dont l’identité est l’objet de l’œuvre » (p. 29) et établit trois critères qui autorisent à voir dans une œuvre un portrait : la figure peinte constitue l’unique objet de la représentation ; le corps représenté, soit par le cadrage, soit par la pose, témoigne de l’intention commune de peintre et du modèle de faire un portrait ; les traits du visage sont ceux d’une personne singulière. Dans le troisième chapitre, « Portrait et corps » (p. 37-49), l’auteur propose de façon originale de reprendre au cinéma son vocabulaire (gros plan, plan serré, plan italien, plan américain serré, plan américain large) pour désigner les différentes présentations du sujet dans le portrait. Elle souligne ensuite l’importance d’une confrontation, pour une histoire du portrait, avec l’histoire du visage et du corps. Dans le quatrième chapitre, « Pour une esthétique de la réception » (p. 51-75), titre repris au célèbre ouvrage de Hans Robert Jauss, Pascale Dubus s’interroge – et ce sont là les pages les plus réussies de l’ouvrage – sur les types de réaction du sujet face à son portrait. Reprenant trois anecdotes significatives (Mademoiselle Lange par Girodet, Van Gogh par Gauguin, Diderot par Louis Michel Van Loo), elle montre trois types de comportement face au portrait qui vont du refus à la reconnaissance (« c’est vraiment moi »). Ces trois anecdotes lui permettent de rappeler la distinction traditionnelle entre ressemblance et vérité, montrant alors que la reconnaissance du modèle dans son portrait dépend à la fois de cette ressemblance, du goût pour le style du peintre et de l’engagement du modèle dans la relation qui se noue temporairement avec l’artiste. Dans le cinquième chapitre, « Le portrait et la mort » (p. 77-91), Pascale Dubus, renouant avec les récits des origines présentés au début de son livre, interroge la relation entre portrait et temps. Faisant insensiblement glisser le curseur, elle assigne cinq fonctions au portrait : fonctions commémorative, de substitution à l’absence, de reviviscence, de suspension temporelle et d’anticipation de la mort.

L’ambition du propos comme sa restriction à un nombre de pages limité donnent l’impression d’un véritable défi. Il ne pouvait être question pour un sujet aussi large de présenter une bibliographie exhaustive ; Pascale Dubus ne fait cependant pas l’économie des références bibliographiques fondamentales pour le sujet, que l’on retrouve dans l’appareil de notes. Les illustrations, de bonne qualité, sont remarquablement bien choisies ; on pourra cependant regretter qu’elles ne soient pas davantage analysées. Enfin, la condensation du propos ne permet pas toujours de bien comprendre la pensée de l’auteur – quelle est la différence entre la fonction commémorative et la fonction de reviviscence ? –, et le style, parfois abrupt, cache beaucoup de présupposés (« Le télescopage des fables transforme le récit en un prodigieux manifeste du maniérisme : le peintre, saisi dans un contrapposto combinant immobilité de la pose et rapidité d’exécution, est à la fois sujet et acteur de son geste créatif », p. 23-25). Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’un ouvrage petit mais important, et qui trouvera, on l’espère, son public.