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Compte rendu par Claire MAZEL, Centre allemand d’histoire de l’art Nombre de mots : 1114 mots Publié en ligne le 2008-05-05 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=64 Lien pour commander ce livre L’ouvrage de Thierry Dufrêne est la reprise d’un texte de 1991 intitulé Giacometti. Portrait de Genet ou le scribe captif, augmenté d’un essai de 2006, « Masques et portraits modernes », qui apporte un nouvel éclairage. Thierry Dufrêne est par ailleurs l’auteur d’une monographie de l’artiste (Alberto Giacometti : Les Dimensions de la réalité, Genève, Skira, 1994). L’ouvrage se décompose en trois parties : une première qui traite des rencontres entre l’artiste et l’écrivain entre 1954 et 1957 (p. 5-45), et deux parties sous forme d’essais plus généraux (« Le portrait dans l’art moderne » p. 46-59, « Masques et portraits modernes » déjà cité). Il faut signaler que l’ouvrage est complété par une biographie de Giacometti et une bibliographie sélective. La première partie de l’ouvrage revient donc sur le « portrait réciproque » de l’artiste et de l’écrivain. À trois reprises Giacometti fait le portrait de Jean Genet (1954, Londres, Tate Gallery ; 1955, Paris, musée national d’art moderne ; 1957, collection particulière ?), qui confie en 1981 : « J’ai encore dans les fesses la paille de la chaise de cuisine sur laquelle il m’a fait asseoir pendant quarante et quelques jours pour faire mon portrait ». Du côté de Jean Genet, cette rencontre le conduisit à rédiger l’introduction du catalogue de l’exposition Alberto Giacometti à la galerie Maeght de juin 1957 et L’Atelier publié aux éditions de l’Arbalète en 1958, l’écrivain s’étant nourri, au cours de ces longues heures de pose, d’une « conversation de sa part tellement belle ». En abordant dans les deux premiers chapitres les portraits de Genet par Giacometti (« La rencontre de 1954 et le premier portrait » p. 6-16, « La vision de Giacometti en 1955 », p. 17-34), l’auteur, tout en se livrant une analyse minutieuse des œuvres, et en particulier du portrait de 1955, décrit de façon générale la façon dont Giacometti s’approprie le genre du portrait durant ces années : la distance de l’artiste au modèle recréée par une composition qui décale et isole la figure dans l’espace, un réseau serré de lignes qui refuse la netteté du contour, une absence de relief obtenue par le refus du modelé ; le paradoxe d’un regard sans yeux mais dont la violence contenue devient palpable ; la recréation du regard sans cesse en mouvement de l’artiste par le lacis des lignes. À l’arrivée, les portraits de Giacometti offrent, à l’exemple des masques océaniens, « quelque chose, selon les mots de l’artiste, de vif et mort simultanément ». Dans un deuxième temps (« Le regard de Genet ou l’atelier d’Alberto Giacometti » p. 35-40), Thierry Dufrêne reprend l’hypothèse, autrefois formulée par Robert Nugent dans un article de 1972, de l’influence de cette rencontre sur l’œuvre de Genet. Le regard sur les œuvres de Giacometti ne serait-il pas à l’origine du passage du roman (Le journal d’un voleur, 1949) au théâtre, genre qui reprendrait la coprésence des sculptures dans l’atelier, leur mise en scène, leur réalité violente et émotive ? Cette rencontre est aussi certainement l’occasion de penser l’identité de l’artiste avec la parution la même année, en 1958, de trois essais : Le secret de Rembrandt, Le Funambule et L’Atelier. Dans ce dernier, se trouve l’évocation en miroir du portrait par celui qui en est le sujet : « Puisque Giacometti m’offre de choisir… je me décide pour une petite tête de moi… Seule dans la toile elle ne mesure pas plus de sept centimètres de haut sur trois et demi ou quatre de large, pourtant elle a la force, le poids et les dimensions de ma véritable tête ». Le texte de Genet offre de façon tournoyante un regard aussi sur l’œuvre : « Au peuple des morts, l’œuvre de Giacometti communique la connaissance de la solitude de chaque être et de chaque chose, et que cette solitude est notre gloire la plus sûre ». Thierry Dufrêne élargit ensuite le propos en présentant rapidement la trace de l’œuvre de Giacometti dans l’œuvres d’écrivains essayistes et de poètes (« L’artiste et l’écrivain », p. 40-45) : Jacques Dupin, James Lord, Char, Ponge, Bonnefoy, du Bouchet… occasion encore une fois pour lui de décrire la poétique des œuvres de l’artiste, qui naissent, par le jeu des effacements et des réapparitions, d’une « fantastique décantation », selon les mots de Dupin.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |