| Scheltema, Gajus: Megalithic Jordan: An introduction and field guide. Paperback, small format with 144 pages and 84 illustrations. ISBN 978-9957-8543-3-1
Price: $35 when purchased from publisher (ACOR) (American Center of Oriental Research, Amman 2007)
| Reviewed by Tara Steimer-Herbet Number of words : 1295 words Published online 2009-05-29 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=685 Poursuivant la tradition des
premiers voyageurs en Terre Sainte, Hugo Scheltema livre un ouvrage illustré
sur les monuments mégalithiques de Jordanie. L’ouvrage offre un panorama de ces
vestiges du passé et réunit des informations scientifiques et pratiques qui
permettent de comprendre et de débusquer dans les paysages jordaniens les
dolmens et les pierres dressées.
Entre 2003 et 2007, l’auteur a recensé les
monuments mégalithiques en même temps qu’il a déployé des trésors d’imagination
pour sensibiliser les autorités jordaniennes à ce patrimoine unique. Fasciné
par ces monuments levantins, Hugo Scheltema s’est documenté de manière
méthodique sur le sujet en prenant contact avec les archéologues tant à
l’échelle locale qu’internationale. On trouvera dans cet ouvrage une
documentation photographique importante et de nombreuses observations de
terrain. L’auteur a dû pallier l’insuffisance des sources bibliographiques,
souvent anciennes ou en cours de publication, en multipliant les visites de
terrain et les échanges avec les archéologues.
L’ouvrage s’organise en deux
parties, la première est consacrée à une introduction générale de 36 pages,
elle-même divisée en quatre sous-parties. La seconde est un guide de 54 pages
sur les principaux ensembles mégalithiques de Jordanie.
Dans l’introduction générale, le
terme « mégalithique » est défini comme un phénomène apparu au
Proche-Orient au Chalcolithique final et attesté tout au long du Bronze ancien.
Cette fourchette chronologique correspond à la fin du IVe millénaire
et au IIIe millénaire avant l’ère chrétienne. Les monuments présentés
sont les tombes dolméniques et les pierres dressées. Des monuments apparus dans
des contextes similaires, tels les alignements de pierres, les murs,
les cercles de pierres, les tumulus, les tombes rupestres et les cupules, sont
brièvement décrits. L’historique des recherches est bien documenté pour les références
bibliographiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
Des dessins réalisés par certains explorateurs, tels Conder, Tristram,
Jaussen, illustrent et servent de transition aux paragraphes. L’auteur observe
que l’étude des monuments mégalithiques par des archéologues n’a été véritablement entreprise qu’après la seconde guerre mondiale. Les fouilles se
multiplient dans les années 60, mais les résultats sont décevants. Dans les
années 90, les travaux scientifiques commencent à reconstituer le contexte
environnemental. L’auteur n’aborde pas la problématique mise en œuvre par la mission française
en Syrie du sud sur les relations habitat-nécropole, thématique largement
développée ces dernières années, tant en Syrie qu’en Jordanie. Les prospections et
fouilles ont permis d’identifier la présence constante d’installations
domestiques à proximité des nécropoles de dolmens et des sites de pierres
dressées (citons par exemple les maisons à double-abside, les maisons
rectangulaires et les cercles).
De même, pour la répartition
géographique des monuments, Hugo Scheltema place la Jordanie à l’épicentre de
l’architecture mégalithique avec quelques ensembles répartis au nord et au sud
du Levant. Pourtant les dernières découvertes de l’équipe syro-espagnole dans
la région de Homs et celles de l’équipe syro-française dans le Leja permettent
dès à présent d’équilibrer cette distribution. Il semblerait ainsi plus
justifié de placer dans la région du Golan l’épicentre du phénomène
mégalithique, avec une présence plus diffuse au nord et au sud. En Turquie et
dans le Caucase les recherches sur les monuments mégalithiques sont bien
engagées, alors qu’en Arabie Saoudite et au Yémen les missions sont encore trop
ponctuelles et rares pour pouvoir se faire une idée régionale plus large. La
prudence reste donc de mise.
La diffusion du phénomène à
l’échelle du Levant et de la
Péninsule arabique pose également la question des relations
qui lient chacune des nécropoles. L’auteur essaie de proposer des hypothèses en
établissant certains liens entre les différentes régions. Mais il semble que
l’absence de datations absolues des monuments ne permette pas encore d’établir
solidement des connexions entre les différentes aires de concentration des
monuments mégalithiques. Il faudrait vraisemblablement envisager plusieurs
foyers, dont les interconnections restent encore à établir.
L’auteur fait ensuite la synthèse
des travaux publiés sur l’architecture, la datation, la fonction et
l’orientation des monuments. Il s’appuie sur les typologies publiées par M.
Zohar et C. Epstein, qui restent les références régionales pour les dolmens
levantins. Comme l’observe très justement Hugo Scheltema, sur le terrain les
variations typologiques sont infinies et ces typologies sont maintenant un peu
dépassées. L’étude approfondie de chaque nécropole apporte son lot de nouveaux
types, comme c’est par exemple le cas des nécropoles du Leja en Syrie (Sharaya
ou Qarassa) où les dolmens sont constitués de chambres rectangulaires entourées
d’enceintes en demi-cercle. La description des cas particuliers, tels
les dolmens à double chambre, les portes avec une ouverture creusée, les dolmens à étage, apporte plus d’informations sur les multiples facettes
d’une société partageant un fond culturel commun, mais ayant une part de
créativité propre à chaque groupe/tribu/famille. L’utilisation du basalte, du
calcaire ou du grès selon les régions a très certainement impliqué des
techniques de construction particulières, modifiant l’aspect des monuments,
comme les larges dalles de calcaire de la région de Mutawwaq qui permettent de
construire de véritables tombeaux monumentaux.
L’auteur passe à notre avis trop
brièvement sur les populations à l’origine de ces constructions, restant sur
l’hypothèse proposée par M. Zohar qui attribue ces monuments à des populations
pastorales nomades. Les prospections et les fouilles dans la région de Zarqa et
de Irbid en Jordanie, ainsi que dans le Leja en Syrie du sud, ont été
déterminantes à ce sujet : les dolmens ont été construits par et pour des
sociétés agro-pastorales en cours de sédentarisation.
Le paragraphe sur la
datation des monuments met le doigt sur les difficultés rencontrées par
l’auteur et ses collègues archéologues qui travaillent sur ce sujet : d’abord
une absence quasi totale de datation absolue, ensuite le peu de matériel dans
la majeure partie des sites, enfin le faible nombre de monuments fouillés. Il
reprend néanmoins de manière exhaustive tous les résultats obtenus ces dix
dernières années. Contrairement aux datations tardives au Bronze moyen avancées
par C. Epstein, d’après les datations obtenues lors de fouilles récentes à Tell
al-Umayri, Shawbak et Qarassa (non publiées) le matériel date du Bronze ancien
I-II. Sans écarter complètement l’hypothèse que ce phénomène a pu perdurer
jusqu’à la fin du III e millénaire, la phase de construction la plus
importante se situe à la fin du IVe et au début du IIIe
millénaire.
Le caractère funéraire des dolmens ne fait désormais plus aucun
doute ; l’état de conservation des chambres suite aux nombreux pillages ne
permet que d’avancer des généralités sur les modes d’inhumations, en règle
générale primaires. L’orientation des chambres n’est pas systématique, elle
peut être en lien avec la topographie ou dans certaines nécropoles suivre un
axe est-ouest. Les portes ou passages observés sont orientés à l’est.
L’apport considérable de cet
ouvrage à la recherche sur le mégalithisme se situe dans la partie consacrée
aux pierres dressées. Aucun ouvrage à ma connaissance ne leur a été consacré.
Souvent mentionnés au détour d’un article, ces monuments ont été longtemps
négligés par manque de données précises et de fouilles minutieuses. Il cite
abondamment les travaux de U. Avner dans le Néguev comme éléments de
comparaison, tout en restant très objectif quant aux fonctions et datations que
cet auteur propose. Cet inventaire des pierres dressées jordaniennes est
extrêmement bien documenté et très utile puisque ces monuments sont
particulièrement menacés par l’urbanisation actuelle.
La deuxième partie de l’ouvrage
est un guide pratique pour découvrir les monuments mégalithiques. On peut y
trouver la description des principaux sites par régions allant du nord de la Jordanie vers le sud. Les
sites sont localisés à l’aide de coordonnées géographiques (UTM), permettant
leur localisation rapide si l’on est équipé d’un GPS. Il aurait été utile de
joindre une carte avec les principaux axes afin de mieux situer dans l’espace
les lieux décrits. Fort heureusement de nombreuses indications topographiques
permettent de se retrouver sur le terrain. Chaque site fait également l’objet
d’un bref historique des recherches, d’informations complémentaires sur le
matériel découvert, que l’on peut compléter grâce aux références
bibliographiques qui sont proposées au bas du paragraphe. Sa connaissance
impeccable du pays permet à l’auteur de clarifier des problèmes de toponymie
qui ont parfois conduit certains à quelques confusions sur les datations. Cette
partie est l’occasion pour l’auteur de faire le bilan des destructions et de faire
le regrettable constat de la disparition accélérée de ce patrimoine depuis
quelques années.
Hugo Scheltema nous fournit avec
cet ouvrage tout en couleur et d’un format très pratique, les clés essentielles
pour découvrir de manière didactique un pan de la protohistoire jordanienne. |