Dumasy, Françoise - Queyrel, François (éd.): Archéologie et environnement dans la Méditerranée antique. (Hautes Etudes du monde gréco-romain 42). X-278 p. + cahier de 16 pages couleur, 21 x 29,7 cm, 95 pl., 16 ill. coul. ill. ISBN 978-2-600-01342-0 ; ISSN 1016-7005, prix hors taxe EUR 91.08
(Droz, Genève 2009)
 
Compte rendu par Cécile Allinne, Université de Caen Basse-Normandie
 
Nombre de mots : 3022 mots
Publié en ligne le 2009-11-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=709
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          L’ouvrage est la publication de deux colloques internationaux qui ont eu lieu à l’initiative de la Société française d’archéologie classique en 2003 et 2004, sur les thèmes « Les paysages antiques » et « Les villes fluviales et maritimes ». C’est un livre de 276 pages en noir et blanc assorti de 16 planches en couleurs, au format A4, composé de 13 articles d’archéologues et de géographes ayant pour point commun l’étude d’un site ou d’un territoire fluvial ou maritime devant son évolution aux interactions plus ou moins complexes entre des facteurs naturels et des facteurs sociétaux. Les contributions, toutes en français bien que les auteurs soient issus de différents pays d’Europe, sont distribuées dans quatre parties correspondant à autant d’aires géographiques abordées : la Grèce et l’Asie Mineure (3 articles) ; l’Italie (3 articles) ; l’Orient hellénistique et romain (2 articles) ; la Gaule (4 articles).

          Dans un court avant-propos (p. IX-X), les deux coordonnateurs, F. Dumasy et F. Queyrel, revendiquent pour cette publication une approche pluridisciplinaire, où les vestiges archéologiques sont interprétés à la lumière des données sur le paysage qui les entourait, révélé grâce à la paléobotanique, à différentes méthodes de prospection, aux analyses spatiales et enfin aux études géomorphologiques. L’attention s’est focalisée sur les villes fluviales et maritimes parce qu’elles forment de bons laboratoires pour étudier finement les adaptations des sociétés aux fortes contraintes posées par ces milieux fragiles et très changeants que sont les cours d’eau, leurs confluences, leurs plaines alluviales, leurs deltas et les littoraux sur lesquels ils débouchent.

 

          Le premier article (Archéologie, espace et environnement : des paysages aux risques naturels), de Philippe Leveau, se présente comme une synthèse historiographique, longue de 22 pages (p. 1-22). L’auteur y retrace les grandes étapes des recherches historiques sur l’Antiquité qui ont conduit, depuis une vingtaine d’années, à la reconnaissance de l’archéologie environnementale et à l’émergence de thèmes d’étude comme la gestion des risques naturels. La première étape de ce renouvellement profond des problématiques est d’abord passée par l’intégration de la notion d’espace comme objet d’analyse, rompant avec la seule dimension patrimoniale qui caractérisait la discipline. Cette approche a nécessité une ouverture vers des concepts et des partenaires nouveaux, inspirés ou issus de la géographie et des sciences de la nature et de l’environnement. La première partie consiste en une définition de l’expression « archéologie du paysage », diffusée à la fin des années 1970 par R. Chevallier pour désigner une évolution de la géographie historique. Les places de l’école de Besançon (étude des parcellaires antiques) et du développement de l’archéologie du hors-site (notamment abordée par les prospections) dans les années 1980 sont également mises en avant pour différencier les trois principaux aspects de  l’archéologie du paysage. La seconde partie est dédiée à l’intégration dans la réflexion des géosciences de l’environnement, ce qui aboutit à la création de la géoarchéologie. Les deux tendances de la discipline sont présentées : l’une privilégie l’étude des composantes du paysage et a abouti à la formation de l’archéologie des techniques agropastorales, grâce au mariage réussi de la paléoécologie, de la sédimentologie et de l’archéologie rurale ; l’autre s’intéresse davantage aux processus de formation et à la dynamique des paysages, abordés grâce au développement de méthodes qui visent à la reconstitution des états anciens des paysages. La troisième partie pose enfin la question de la manière d’aborder en archéologie des problématiques comme celle du risque, qui prend en fait sa source dans le domaine de l’histoire des catastrophes naturelles et de leur gestion par les sociétés.

 

          L’article suivant, de Peter Scherrer (D’Apaša à Hagios Theologis : histoire de l’habitat de la région d’Éphèse de la Préhistoire à l’époque byzantine, vue sous l’angle des contraintes maritimes et fluviales, 30 pages : p. 25-54, pl. I-IV), consiste en une étude de l’évolution de l’occupation du sol autour de la ville. Les deux premières parties de l’article sont consacrées respectivement à l’énumération et la description des sites de l’âge du Bronze à la fin du IVe s. av. J.-C., puis du tournant du IIIe s. av. J.-C. à la fin de la période byzantine. Une troisième partie propose une confrontation des données sur l’occupation du sol avec celles de la géologie, qui a permis une restitution du littoral antique et montré ainsi que le site d’Éphèse ouvrait sur une large baie, qui s’est progressivement comblée. La réflexion porte ici sur l’adaptation des établissements littoraux (villes et ports) aux déplacements du trait de côte. Un lien est fait entre les déplacements attestés par les textes des sites d’habitat, les événements politiques et militaires qui ont affecté la cité d’Éphèse entre le VIe s. av. J.-C. et le VIIIe s. ap. J.-C. et l’évolution de la baie. L’article est particulièrement bien illustré par 7 photographies et 5 plans, dont 3 en couleur, qui fournissent un bon support à la reconstitution du paysage.

 

          Le 3e article est consacré à l’étude des rythmes de progradation de la plaine de Thessalonique (Grèce) au cours de l’Holocène récent : approche méthodologique (Matthieu Ghilardi, 9 p. : p. 55-63, pl. V). C’est un exposé de géomorphologie pure présentant les recherches en cours sur les étapes du comblement de l’ancienne ria de Thessalonique. Après avoir présenté les acquis des 4 reconstitutions paléogéographiques effectuées au XXe s., l’auteur expose sa propre méthode de travail : analyses sédimentologiques et radiocarbones, reconnaissances de paléoformes paysagères par télédétection, enfin emploi d’un outil de modélisation numérique de terrain. Le principal résultat de cette étude concerne la période de comblement du golfe marin, apparemment plus longue que la fourchette Ve s. av. J.-C./Ve s. ap. J.-C. jusqu’ici admise. Seule la dernière phrase de la conclusion rappelle le lien avec l’archéologie : en guise de perspectives de travail, l’intérêt de cette reconstitution pour l’histoire de zone d’étude est présenté comme offrant le moyen d’une « réinterprétation éventuelle de certains passages des sources écrites antiques qui décrivent la paléogéographie de la plaine de Thessalonique ».

          Éric Fouache présente dans la même veine une contribution sur les ports antiques et les dynamiques géomorphologiques deltaïques au Sud de la péninsule balkanique (Albanie et Grèce occidentale) (13 p. : p. 65-77, pl. VI). L’étude concerne deux zones deltaïques de la façade ouest de l’Albanie et de la Grèce, où se sont implantés des ports dans l’Antiquité : des deltas rapprochés du Seman et de la Vjosë d’une part, celui de l’Achéloos d’autre part. La démonstration répond à la question : quelles ont été depuis 6000 ans les dynamiques à l’œuvre dans l’édification des deltas et à quel rythme s’est effectuée la progradation ? Dans la première étude de cas, la reconstitution de la paléo-topographie et la connaissance des rythmes de progradation éclairent  l’histoire de la cité portuaire grecque et romaine d’Apollonia, qui perd progressivement son ouverture sur la mer. Dans le cas de l’Achéloos, elle éclaire l’histoire du port antique d’Oeniades, qui apparaît non plus comme un port fluvial mais comme un port maritime ouvert sur une large baie. La conclusion de l’article prône un recours systématique à la géoarchéologie dès lors qu’on s’intéresse à l’histoire des sites portuaires, en complément d’une étude critique des textes anciens et de l’archéologie.

 

          Sous le titre Prospections géo-archéologiques dans la vallée de la Potenza (Marches, Italie) : évolution d’un paysage adriatique dans l’Antiquité (13 p. : p. 81-93, pl. VII-VIII), Frank Vermeulen expose les résultats d’un projet associant des prospections systématiques, la télédétection, des prospections géophysiques et des études géomorphologiques, bien que cette dernière approche soit très mal représentée dans le texte. L’évolution des dynamiques de peuplement de l’âge du Bronze à la fin de l’époque romaine est présentée en deux parties : du début de l’âge du Bronze au tournant IIIe / IIe s. av. J.-C. ; les transformations issues de la romanisation, sensible à partir du début du IIe s. av. J.-C. Le modèle d’occupation picène protohistorique est caractérisé par une concentration des habitats dans des sites de hauteur dominant des séries d’établissements ruraux modestes dispersés dans la vallée. À partir du IIe s. av. J.-C., une véritable urbanisation du fond de vallée se développe, stimulée par la création de la via Flaminia. Les agglomérations de Septempeda, Trea, Helvia Ricina et la colonie de Potenza sont créées ou émergent dans ce contexte. En campagne, le paysage est structuré par un réseau de fermes et villas qui se densifie fortement aux Ier et IIe s. ap. J.-C., avant de décroître très rapidement après cette période.

          Henri Broise et Vincent Jolivet proposent pour leur part une étude consacrée à la restitution du paysage dans lequel s’inscrivait la ville de Musarna entre le début de la période hellénistique et la fin de l’Empire, à partir des données de fouille et de prospections (Première approche du territoire de Musarna [Étrurie méridionale] à l’époque hellénistique , 12 p. : p. 95-106, pl. IX). L’objectif est d’étudier la manière dont les habitants ont tiré parti du cadre naturel et dont ils l’ont modifié au cours des siècles. L’énumération de ses ressources naturelles et de leur mode d’exploitation constitue une première partie : ressources en eau d’abord (cours d’eau, lacs, sources, citernes), en bois ensuite – bien que sa disponibilité demeure hypothétique –, en pierre (carrières) enfin. Une seconde partie concerne le « paysage humain », c’est-à-dire le canevas formé par le réseau viaire, la série de fortins dispersés autour de Musarna et la répartition très dense de l’habitat rural. Aucune trace de centuriation n’a été relevée, à mettre peut-être en rapport avec une activité d’élevage bien perçue par l’archéozoologie. Enfin, une troisième partie consacrée au « paysage sacré » traite de la répartition des nécropoles et sanctuaires. L’enquête est suivie d’un appendice de 2 pages sur les grandes vasques rupestres de la vallée de la Leia, interprétées comme des fouloirs.

          Stefano Bruni aborde ensuite le dossier complexe du port antique de Pise (Entre l’Arno, l’Auser et la mer Tyrrhénienne : Pise étrusque et romaine et son système portuaire, 14 p. : p. 107-120). La découverte en 1998 en pleine ville, sur le site de San Rossore, éloigné de tout cours d’eau actuel, d’un vaste bassin portuaire antique a relancé un débat ancien sur les débouchés fluviaux et maritimes de la Pise étrusque et romaine, jusqu’ici uniquement abordé à partir des textes antiques, qui décrivent un paysage côtier et fluvial qui n’existe plus de nos jours. Au sein d’un texte très dense, l’auteur fait d’abord le bilan des sources et des hypothèses anciennes de restitution du paysage. Pour les environs de la ville, on s’accorde à restituer au moins 3 zones portuaires successives ou contemporaines étagées le long du littoral et au débouché des fleuves et des lagunes. A Pise-San Rossore, la fouille a livré les vestiges d’une cale de halage en bois, d’un quai en pierre et bois, d’un bâtiment à portique, mais surtout de 15 épaves dont les naufrages s’étalent entre le IIe s. av. J.-C. et le Ve s. ap. J.-C. Le site est globalement occupé du VIe s. av. J.-C. au Ve s. ap. J.-C. S. Bruni termine sa présentation par la description d’une épave du IIe s. av. J.-C. et de sa cargaison. Très peu d’informations sont données sur le contexte des naufrages et le lien entre ces événements et les conditions naturelles.

 

          L’article de Marie-Françoise Boussac entraîne le lecteur sur la côte égyptienne à l’ouest d’Alexandrie (Taposiris Magna : la création du port artificiel, 20 p. : p. 123-142, pl. X-XII). La ville de Taposiris Magna est ainsi installée sur un cordon dunaire sur une lagune fermée, sur laquelle est implanté le port urbain. L’objectif de l’enquête est de comprendre les modalités d’aménagement et l’évolution dans le temps du port (création, durée, mort), qui subsiste de nos jours sous la forme d’une aire marécageuse. Les résultats présentés sont essentiellement d’ordre architectural : des relevés précis ont été dressés des différentes constructions limitant le bassin, permettant de donner une image renouvelée de son emprise et de ses phases d’envasement ainsi que de l’occupation de ses abords directs. Le bassin puis son chenal d’accès sont aménagés entre le IIe s. av. J.-C. et le Ier s. ap. J.-C. Le recul brutal des constructions par rapport au rivage au Ier s. av. J.-C. a pu être mis en relation avec une grande inondation. Au final, l’analyse est très prometteuse, même si le volet paléoenvironnemental de l’étude est encore peu avancé. Une annexe de 6 pages est consacrée, à la suite du texte, à la présentation de la céramique de l’un des sondages.

          Le 9e article, de Jean-Marie Dentzer, est consacré à l’Espace urbain et environnement dans les villes nabatéennes de Pétra, Hégra et Bosra (50 p. : p. 143-192, pl. XIII-XV). L’introduction pose les termes de la discussion : les textes décrivent les Nabatéens d’abord comme un peuple de nomades du désert, puis comme des sédentaires ayant la très riche Pétra comme capitale. Les recherches archéologiques trouvent-elles trace de ce changement dans les modes de vie, s’exprimant par une sédentarisation, une urbanisation et le passage à l’agriculture ? La question est examinée pour chacun des sites énumérés dans le titre. L’attention est centrée sur les traces laissées dans le paysage par l’organisation urbaine : réseau viaire, éventuelle enceinte, répartition de l’habitat, nécropoles, sanctuaires, barrages, citernes et réservoirs. La présentation s’attache à faire ressortir les conditions de la création de chacune des agglomérations et les partis adoptés pour la réaliser. Il s’agit en fait, avant tout, d’une étude comparative de l’évolution de trois sites urbains. L’accent est porté sur la période comprise entre le dernier quart du Ier s. av. J.-C. et le dernier quart du Ier s. ap. J.-C.

 

          Luc Long inaugure la dernière partie consacrée à la Gaule avec un article sur la ville d’Arles à l’époque romaine (« Duplex Arelas », fluviale et maritime, 26 p. : p. 195-220). S’appuyant sur les découvertes subaquatiques récentes en Camargue et dans le Rhône à Arles, l’auteur met en valeur l’importance d’Arles sur le plan économique dans l’Antiquité. L’article compile ainsi l’ensemble des découvertes effectuées dans et le long du Rhône entre les Saintes-Maries-de-la-Mer et Arles (30 km). Les fouilles dans le lit du fleuve à Arles ont révélé 2 gisements d’amphores et de blocs, probables vestiges d’installations portuaires, 7 épaves, 2 très riches dépotoirs, les vestiges d’une cale de halage et ceux d’une pile du pont de bateaux. En Camargue, face à l’embouchure du Rhône antique, les travaux récents ont porté sur l’étude de 10 épaves chargées de lingots de fer, renouvelant de manière inédite la question du commerce du fer par voie fluviale. Une zone portuaire maritime importante a également été découverte aux Saintes-Maries, montrant que Fos et le canal de Marius, précocement ensablé, n’étaient pas les seuls ports et voies d’accès à Arles depuis la mer.

          La question de la topographie du port de Bordeaux antique est abordée dans l’article suivant, de Pierre Régaldo-Saint Blancard (Le port antique de Bordeaux : bilan et nouvelles hypothèses, 26 p. : p. 221-246). L’étude est menée en deux parties : la restitution de l’évolution du système hydrographique de Bordeaux et l’histoire du port, de l’Antiquité à l’époque actuelle. L’évolution du contexte naturel est retracée depuis la période préromaine. La topographie du site de Bordeaux et les caractéristiques géomorphologiques des quatre cours d’eau qui le traversent (la Garonne, le Caudéran, le Peugue et la Devèze) et des zones humides qui leur sont afférentes sont décrites, faisant apparaître la zone de confluence Peugue-Devèze et le vaste marécage qui s’y trouve comme le lieu d’implantation privilégié du port. L’histoire et la configuration du bassin portuaire sont évoquées d’abord à travers des descriptions de l’Antiquité à l’époque moderne, ensuite sur la base des découvertes archéologiques récentes concernant le port antique et des observations anciennes concernant le port médiéval et moderne.

          La question de l’adaptation des sociétés riveraines aux dynamiques fluviales est au cœur de l’article de Grégoire Ayala et Agnès Vérot-Bourrély (Lyon Saint-Georges : approche géo-archéologique d’un site fluvial dans l’Antiquité, 16 p. : p. 247-262, pl. XVI), qui présentent les résultats de la fouille préventive du parc Saint-Georges, où a été découvert l’un des espaces portuaires antiques de Lyon sur un paléochenal de la Saône. Après un rappel de la situation géographique de Lyon, à la confluence Saône/Rhône, les auteurs font valoir les contraintes imposées par la grande mobilité des deux cours d’eau pour les installations urbaines à l’échelle du site de Lyon. La fouille du parc Saint-Georges a révélé une interstratification complexe, sur plus de 10 m d’épaisseur, de couches naturelles illustrant la mise en place et la mobilité du réseau hydrographique et de couches archéologiques correspondant à l’aménagement et l’utilisation de cet espace entre le premier âge du Fer et le IIIe s. ap. J.-C. (pontons, quais et 8 épaves). La domestication du milieu humide est retracée en sept étapes. D’abord situé en aval de la confluence Saône/Rhône, le site se trouve à l’époque augustéenne au confluent de deux bras de la Saône, alors que sont mis en place de premiers aménagements portuaires. Le port se déplace sur le chenal sud aux IIe et IIIe s. tandis que l’autre se comble progressivement. La contrainte des fluctuations de la rivière est progressivement intégrée puis maîtrisée, probablement à la faveur d’une amélioration climatiques.

          Le dernier article, sous la plume de Frédéric Trément et 10 collaborateurs, traite des Interactions socio-environnementales en Grande Limagne d’Auvergne du Néolithique au début du Moyen Âge : le cas du bassin de Sarliève (Puy-de-Dôme, France) (14 p. : p. 263-276). L’objectif est de renouveler l’idée d’un modèle d’occupation d’une zone humide (le bassin de Sarliève, proche de Clermont-Ferrand) tributaire d’oscillations climatiques : lorsque le marais s’assèche, les populations s’installent dans les zones basses ; lorsqu’il se reforme le peuplement se déplace sur les versants. Le croisement des sources  (prospections, fouilles, carottages, dépouillement d’archives) fait apparaître un décalage inédit entre les données sur l’occupation des zones basses et celles des colonnes sédimentaires. Carte archéologique et archives sédimentaires traduisent des temporalités différentes, les premières renvoyant à un état globalement stable  et durable du peuplement, les secondes reflétant plutôt les césures séparant ces états successifs. Au delà de ce constat méthodologique, l’ensemble remet en cause le modèle initial proposé en montrant l’attractivité permanente du bassin de Sarliève du Néolithique jusqu’au Moyen Age, exploité soit pour les ressources en eau qu’il a offert, soit artificiellement asséché, du 2nd âge du Fer à la fin de l’époque romaine, pour la grande fertilité de ses sols.

 

          À l’exception de quelques articles (É. Fouache, G. Ayala / A. Vérot-Bourrély, F. Trément en particulier), le positionnement résolument pluridisciplinaire des enquêtes n’est guère flagrant. Dans la majeure partie des cas, les études paysagères n’offrent finalement qu’un cadre visuel à l’expression de thématiques très académiques (la répartition de l’occupation du sol autour d’une agglomération, l’approvisionnement en eau, les voies de communication…) dont on ne conteste en rien l’intérêt propre, mais dont la présentation souscrit ici avec réticence aux exigences d’ouverture vers les sciences de l’environnement définies dans l’avant-propos. Ainsi, l’aspect environnemental est parfois réduit à une seule attention portée à la relation entre la position topographique des sites et les ressources naturelles que le terroir semble offrir. En somme, en excluant la contribution historiographique de Ph. Leveau, l’ouvrage se compose de 3 études de cas abouties et de 10 recherches en cours où la problématique environnementale est amorcée mais encore peu avancée, voire pas du tout à l’ordre du jour. On aurait aimé, à l’issue de la lecture de cet éventail  de cas très différents, que l’intérêt que présentent les études paléoenvironnementales pour enrichir la compréhension de l’organisation et de certains aspects – économiques par exemple – du fonctionnement des sociétés émerge de manière plus convaincante, ce qui reste loin d’être le cas, en dépit de la qualité scientifique incontestable des travaux présentés. Un article de conclusion aurait dans ce sens été le bienvenu pour aider le lecteur à faire le lien, sur le plan de la méthodologie et du positionnement conceptuel, entre les différentes approches présentées.