Cressier, Patrice (dir.): Castrum 8. Le château et la ville. Espaces et réseaux (VIe-XIIIe siècle), 355 p., ill. n/b, 21 x 29,7 cm., ISBN 978-84-96820-23-4
(Madrid, Casa de Velázquez 2008)
 
Compte rendu par Véronique Soulay, Université de Paris IV-Sorbonne
 
Nombre de mots : 1599 mots
Publié en ligne le 2009-12-14
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=710
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          Les recueils d’études Castrum regroupent des sujets concernant l’occupation du sol et le peuplement dans les trois aires du monde méditerranéen,  latino-chrétienne, gréco-byzantine et musulmane. Castrum 8 est consacré aux relations entre châteaux et villes, de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge. Plusieurs institutions participent au projet Castrum : l’Université de Jaén, l’UMR 5648 du CNRS à Lyon II, le Collège de France, l’École Française de Rome et la Casa de Velázquez ; ces deux dernières garantissent les choix éditoriaux. Ce recueil comporte dix-huit contributions concernant l’Italie (neuf), le monde musulman (huit) – essentiellement l’Islam d’Occident – et la France du Midi (une). L’ouvrage s’organise autour de trois grandes parties :

 

          La première comprend huit textes réunis sous l’intitulé « Ville, château, territoire » :

          Ce chapitre commence par la contribution d’Alessia Rovelli qui s’intéresse, à travers des études de cas italiens, aux problèmes de diffusion et de circulation de la monnaie, des villes – lieux de frappe –  vers  la périphérie.

          La recherche d’Henri Bresc prend place dans la Sicile médiévale. Elle s’interroge sur le choix des dédicaces des églises de casaux au lendemain d’une islamisation partielle de l’île. Au-delà de cette question, la deuxième contribution pose le problème du rôle, spirituel ou foncier, garantissant la possession d’un terroir de ces chapelles rurales.

          Suit le travail de Laurent Schneider traitant du territoire politique de Nîmes, de l’Antiquité à la fin du Haut Moyen Âge. Il observe la destructuration territoriale progressive de l’ancienne cité romaine au profit de nouveaux lieux de pouvoir et remet en cause la vision linéaire du passage entre cité antique et diocèse médiéval. Pour l’auteur, cet émiettement est dû à l’action des castra de l’Antiquité tardive. Leur multiplication et leur survie durant le Haut Moyen Âge accentueraient  la régression de l’emprise des anciennes villes sur leur territoire et l’implantation de pouvoirs aristocratiques régionaux.

          La contribution suivante retrace l’évolution – ponctuée de périodes d’émergence et de déclin – de la structure urbaine musulmane en Estrémadure centre-orientale du VIIe au XIIIe siècle.  Il apparaît que ces trajectoires urbaines chaotiques dépendent de l’investissement ou non des différentes entités qui se disputent cette région.  Sophie Gilotte étudie aussi les conditions de la genèse des nouvelles villes nées du pouvoir omeyyade, leurs rapports avec l’État et les communautés locales, les répercussions de leur implantation sur le peuplement rural environnant et la dégradation du réseau sous la pression de la reconquête.

          Ensuite, Rafael Azuar Ruiz se charge des rapports entre châteaux et espaces marginaux des villes du Sarq Al-Andalus au Moyen Âge. La naissance, la distribution géographique des nouvelles fortifications, leur localisation et l’histoire de leur évolution dépendent de leur association avec les centres urbains.

          La sixième contribution propose un regard comparatif sur l’évolution de deux territoires de la Sicile sud-orientale, Noto et Lentini. Lucia Arcifa et Annliese Nef contribuent à l’entreprise monographique lacunaire concernant les villes et les fortifications siciliennes. L’apport de ces travaux est méthodologique mais propose également des postulats, supports des recherches microrégionales futures.

          L’étude suivante éclaire d’une nouvelle hypothèse l’origine de la structuration d’un territoire de montagnes, la Sierra de Segura, au Moyen Âge. Les deux auteurs – Vicente Salvatierra Cuenca et Ana Visedo Jiménez – voient dans le réseau des établissements la marque de l’expansion impulsée par le mawladi Ibn al-Saliya durant la seconde moitié du IXe siècle.

          Antonio Malpica Cuello se pose la question de la terminologie à adopter pour les bourgs de la frontière de Grenade. À partir de fouilles archéologiques de ces villas, il mène une étude de leur évolution et un classement en trois types de leur morphologie : un château associé à un habitat ouvert accolé, un château et un habitat fortifié et cette dernière configuration associée à un arrabal ou plus.

 

          La seconde partie, intitulée « Genèse et transition », regroupe quatre contributions :

          La première se propose d’appliquer la méthodologie, issue d’expériences d’archéologie extensive d’établissements urbains des anciens Pays-Bas méridionaux, à des études de cas espagnols, notamment Niebla. Johnny De Meulemeester formule de nouvelles hypothèses concernant les relations entre fortification et essor urbain dans la péninsule ibérique.

          La contribution d’Elisabeth Crouzet-Pavan se focalise sur le cas de Venise tout au long du Moyen Âge. Elle analyse la représentativité de deux images connues et singulières du paysage vénitien : le palais ducal et les lagunes.

          La troisième contribution de cette deuxième partie est une étude de Sonia Gutiérrez Lloret. À partir de données archéologiques issues du site de Tolmo de Minateda à Madinat Iyyuh en Espagne, l’auteur montre la dégradation urbaine des cités visigothiques induite par les choix de l’urbanisme émiral et par la complexification des unités domestiques durant le Haut Moyen Âge.

          La dernière étude de ce chapitre est aussi issue de recherches archéologiques. Il s’agit du travail de Juan Carlos Castillo Armenteros sur deux complexes résidentiels d’époque islamique de la ville de Jaén au Cerro de Santa Catalina. Ils révèlent les différentes transformations subies par les aires palatines entre les VIIIe et XIIIe siècles.

 

          La dernière partie prend pour titre « Ville et lieux de pouvoir » ;  elle comprend six contributions :

          Thierry Bianquis s’interroge sur l’évolution du Qasr de Damas avant les Saldjoucides. À travers cet exemple, il observe le passage d’un lieu de pouvoir politique régional assez modeste à une citadelle assurant la sécurité intérieure de la cité. Cette mutation est connue dès la fin du XIe siècle dans d’autres villes de l’Orient arabe.

          La contribution de Pierre Guichard traite aussi des espaces de pouvoir (Qasr) mais dans leur assimilation voire leur disparition après la conquête chrétienne dans l’espace urbain. L’auteur se propose d’étudier l’évolution de ces espaces dans deux villes, Valence et Murcie, depuis les premiers siècles de l’Islam.

          Le troisième texte concerne aussi une ville islamique. Ricardo Izquierdo Benito retrace l’histoire architecturale et l’organisation spatiale de la qasaba de Vascos à partir de recherches archéologiques.

          Les travaux de Patrice Cressier et Larbi Erbati s’intéressent ensuite aux premières villes islamiques du Maghreb occidental au Haut Moyen Âge à partir des sources textuelles et archéologiques. Les solutions architectoniques et urbanistiques apparaissent plus variées que l’historiographie ne le laissait entendre.

          La cinquième contribution, de Jean-Marie Martin, analyse l’accumulation des fortifications de Naples, du Ve au XIIIe siècles, dues aux différents types de pouvoirs consécutifs. À la fin de la période d’étude, Naples abrite trois châteaux accueillant des services de la monarchie.

          Le dernier texte est consacré à l’étude des fortifications dans la Rome communale. Jean-Claude Maire Vigueur aborde les différents types de configuration des fortifications privées, essentiellement des tènements lignagers, et des multiples structures du pouvoir public communal ou papal.  

 

 

          À la lecture de l’ensemble des contributions, deux grands thèmes se dessinent. Le premier, le plus courant lorsque l’on s’intéresse au castrum, traite de la présence d’un ensemble fortifié dans la cité comme un élément décisif de l’organisation urbaine. Le second thème, qui fait l’originalité des problématiques abordées, est celui du réseau et des formes de relation entre castrum et castellum civitatis. Ce sont les études de ces « phénomènes limites » qui font tout l’intérêt de ce recueil, notamment les ibériques qui montrent les rapports de force entre les différents pouvoirs et poussent sans cesse au reclassement des habitats et de leur statut économique, social et institutionnel.

 

          Il est cependant regrettable, comme l’annonce Pierre Toubert dans son introduction, que le monde byzantin ne soit pas représenté. Ainsi, il apparaît deux grands espaces de référence, italien et ibérique, qui donnent lieu à des études comparatives malgré la volonté des auteurs.  La France, qui présente pourtant de multiples solutions urbaines dues à sa situation tampon entre ces deux aires géographiques, est concernée uniquement par une contribution,  la réduisant au modèle ibérique.

 

Table des matières :

I. Ville, château, territoire

- Alessia Rovelli, Città e castelli. Monete a confronto, p. 3-15.

- Henri Bresc, Les saints du terroir. L’hagiotoponymie sicilienne médiévale et le réseau des églises, des bourgs et des casaux, p. 17-28.

- Laurent Schneider, Cité, castrum et « pays » : espace et territoires en Gaule méditerranéenne durant le haut Moyen Âge. L’exemple de la cité de Nîmes et du pagus de Maguelone (Ve-XIe siècle), p. 29-69.

- Sophie Gilotte, Emergence et déclin de la structure urbaine musulmane en Estrémadure centre-orientale, p. 71-88.

- Rafael Azuar Ruiz, Castillos y espacios marginales de las ciudades en el Šarq al-Andalus (siglos XII-XIII), p. 89-108.

- Lucia Arcifa et Annliese Nef, Les dynamiques entre villes et châteaux dans les territoires de Noto et Lentini (Val de Noto, Sicile sud-orientale), p. 109-133.

- Vicente Salvatuerra Cuenca et Ana Visedo Jiménez, Segura de la Sierra y el origen de la articulación de un territorio medieval, p. 135-150.

- Antonio Malpica Cuello, Las villas de la frontera granadina. ? Ciudades o alquerίas fortificadas ?, p. 151-173.

 

II. Genèse et transition

- Johnny De Meulemeester, Fortifications et essor urbain. Expériences d’archéologie extensive de l’Europe du Nourd-Ouest appliquées à l’Espagne : l’exemple de Niebla, p. 177-184.

- Elisabeth Crouzet-Parvan, Le château et la ville. Problèmes de l’atypie vénitienne, p. 185-198.

- Sonia Gutiérrez Lloret, Madínat Iyyuh y la destrucción des espacio urbano en la Alta Edad Media, p. 199-222.

- Juan Carlos Castillo Armenteros, Los alcázares de Jaén entre los siglos VIII-XIII, p. 223-249.

 

III. Ville et lieux de pouvoir

- Thierry Bianquis, Le Qasr de Damas avant les Saldjoucides, p. 253-259.

- Pierre Guichard, Qasr et ville à Valence et à Murcie à l’époque musulmane, p. 261-268.

- Ricardo Izquierdo Benito, La alcazaba de Vascos, p. 269-281.

- Patrice Cressier et Larbi Erbati, Le pouvoir dans ses murs. Villes et fortification dans le Maroc du haut Moyen Age, p. 283-297.

- Jean-Marie Martin, Les fortifications de Naples (Ve-XIIIe siècle), p. 299-310.

- Jean-Claude Maire Vigueur, Guerres et fortifications dans la Rome communale, p. 311-323.