Blondé, Francine: Les céramiques d’usage quotidien à Thasos au IVe siècle avant J.-C. ; fascicule 1. texte ; fascicule 2. planches. Collection: Études thasiennes 20. Format: 2 vol. 21 x 29,5 cm, 206 p.92 planches n/b, 19 photos couleur, 1 DVD.
ISBN 2-86958-211-0. 125 euros
(École française d’Athènes 2008)
 
Reviewed by Delphine Dixneuf, Institut français d’archéologie orientale
 
Number of words : 1694 words
Published online 2009-09-28
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=762
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C’est avec beaucoup de plaisir que nous avons entrepris de rédiger le compte rendu de l’ouvrage Les céramiques d’usage quotidien à Thasos au IVe siècle avant J.-C., publié dans le cadre de la collection des Études thasiennes (numéro 20), par Francine Blondé avec la collaboration de Maurice Picon. Le matériel présenté et, en partie, publié dans le Bulletin de Correspondance Hellénique, est issu des fouilles archéologiques conduites par l’École française d’Athènes (EFA) sur le site de Thasos, île du nord de la mer Égée, non loin de la côte thrace.

 

Cet ouvrage, de lecture agréable et d’utilisation facile, comprend deux volumes, un volume de texte et un volume de planches, ainsi qu’un DVD. Le fascicule de texte s’ouvre, à la suite de la bibliographie, par une introduction qui éclaire les choix de l’auteur et les objectifs de l’étude. Le premier chapitre, intitulé « Détermination des origines et aspect technique : l’apport du laboratoire », a été rédigé conjointement par Francine Blondé et Maurice Picon. 149 échantillons de céramiques communes, de récipients culinaires et de céramiques à vernis noir ont ainsi été analysés au moyen de la technique de la fluorescence X (analyse de dix éléments principaux et de dix éléments traces). Cette analyse a ainsi permis d’établir six groupes principaux et d’avancer plusieurs remarques pertinentes sur les techniques, les ateliers et les échanges. En outre, on a procédé à deux analyses supplémentaires : détermination de la température de cuisson et étude granulométrique de quelques céramiques thasiennes, dont les résultats sont présentés en annexe à ce chapitre. On trouvera également en annexe les tableaux de compositions des céramiques et des groupes, les classifications préliminaires et l’analyse de grappes, les histogrammes des températures de cuisson et de l’étude granulométrique.

Le deuxième chapitre, « Les bases de la chronologie », s’intéresse aux contextes archéologiques et à la validité des assemblages qui ont permis d’établir la typologie des céramiques découvertes à Thasos. L’auteur présente les huit contextes principaux avec un renvoi au plan général du site ; sont ainsi précisées la stratigraphie, la bibliographie (rapports de fouilles et matériel publiés), la datation, la description du contexte et la mention des objets datés, plus précisément les monnaies et les amphores timbrées dont l’étude, très avancée, fournit de précieux indices chronologiques. La nature des contextes est assez diversifiée : remblai-dépotoir (secteur du jardin de l’EFA), comblement d’un puits monumental public (abords au Nord-Est de l’agora, terrain Valma), quartiers d’habitations de la Porte du Silène et de la Porte d’Hermès, niveaux de remblais issus du réaménagement de la Porte-tour de Zeus et d’Héra. De plus, une comparaison utile de ce matériel a été faite avec des ensembles provenant de fouilles archéologiques en Grèce (Agora et bâtiment Z du Céramique à Athènes, Olynthe et tombes macédoniennes), dans le monde occidental et de trois épaves (Porticello dans le détroit de Messine, El Sec dans la baie de Palma de Mallorca et Kyrénia à Chypre). Une annexe détaille plus précisément les différents contextes illustrés par des plans, des tableaux chronologiques, des coupes et des schémas stratigraphiques.

Dans le chapitre suivant, « Introduction à l’étude des formes », Francine Blondé traite de plusieurs questions relatives à la terminologie des céramiques, à la présentation de la typologie, de l’origine, locale ou attique, des productions, de la distinction entre formes, types et variantes et de la fonction des vases. Elle explique notamment le choix de classer les céramiques par grandes catégories (vernis noir, céramique commune, céramique culinaire et céramique grossière) puis par grands groupes fonctionnels et les critères de distinction. Ce chapitre se termine par quelques remarques sur l’aspect quantitatif des céramiques. Pour diverses raisons propres à l’histoire des fouilles sur le site et, clairement, au traitement du matériel, seuls deux groupes de contextes ont pu faire l’objet de comptages précis pour permettre ainsi de comparer les résultats obtenus pour le matériel de comblement du puits rond à ceux de l’Îlot I-a de la Porte du Silène.

 

Le quatrième chapitre, intitulé « Les formes principales et leur évolution », aborde la typologie dont la lecture peut être menée conjointement à la consultation du fascicule de planches et de la base de données sur le DVD. Une introduction est consacrée à la présentation des principales catégories de céramiques, en s’attachant plus particulièrement à la description des aspects techniques, des pâtes et des vernis : céramiques à vernis noir, céramiques enfumées, céramiques communes, céramiques culinaires et céramiques grossières. Sont ensuite définis les différentes formes et les types suivant les grandes catégories et en tenant compte de l’origine, attique ou thasienne, des céramiques. Toutefois, il convient de préciser que les dénominations THAS. ou ATT., suivant l’origine supposée des céramiques et suivies d’un chiffre, n’ont pas de continuité. En effet, THAS.1 peut être attribué à un skyphos à vernis noir ainsi qu’à un canthare à vernis noir… L’auteur reprend la numérotation à chaque changement de groupe fonctionnel, ce qui gêne la lecture de la typologie. Il faut donc tenir compte, en plus de la dénomination THAS.x ou ATT.x, essentiellement de la description du récipient (par exemple, p. 123, type ATT.1 : skyphos à vernis noir et à figures rouges à paroi « en S »).

La présentation du catalogue est très réussie ; l’auteur donne sur la page de gauche « la fiche technique » des céramiques (mention des critères essentiels : la forme, le type, les caractéristiques morphologiques, les caractéristiques de la pâte, la description des vernis et du décor, les détails et la chronologie), illustrée sur la page de droite par les dessins (échelle 1/3), parfois une photographie des céramiques. Le catalogue est suivi de deux planches comprenant six photographies en couleur  des pâtes (agrandissement 1,5) qui permettent de visualiser l’aspect des principales productions attiques et thasiennes. De plus, un tableau réparti sur plusieurs pages illustre la classification des décors (contraste entre zones réservées et vernissées, décor imprimé par estampage et guillochage, décor incisé, décor moulé, décor appliqué, décor imprimé par outil ou doigts) en relation avec les formes et les types principaux. Ce tableau renvoie à l’annexe IV.1 « Méthodes de décoration » dans laquelle est expliqué l’intérêt de l’étude des décors notamment dans l’identification d’éventuels indices chronologiques et d’indications d’ateliers. Par ailleurs, comme le souligne l’auteur, « ce genre de tableau peut être utile quand il s’agit d’identifier la forme de petits fragments sans profil déterminant » (p. 193).

La base de données sur DVD (versions MAC et PC) a été réalisée à partir du logiciel File Maker Pro et comprend 1 700 individus. D’utilisation relativement simple, elle permet d’effectuer des recherches à partir de critères multiples et constitue un complément essentiel aux deux fascicules. La page de présentation permet d’accéder à un tableau comprenant les trois grandes catégories de céramiques définies dans l’ouvrage (céramique fine et commune, céramique culinaire et céramique grossière) ; chacune de ces catégories est associée aux groupes fonctionnels. En cliquant dans la catégorie Céramique fine et commune sur les formes Lékané, six types et quarante-cinq individus apparaissent. Le premier type (THAS.1 : lékané à vasque profonde, à replat horizontal) donne accès à huit exemplaires, soit huit fiches-objets correspondantes. Sur ces fiches sont mentionnés : le numéro d’inventaire, la forme, le type, la catégorie, le décor, l’analyse, la provenance (secteur, lieu, contexte, stratigraphie), la chronologie (US, phase), la documentation (photographie, dessin, les références bibliographiques si l’exemplaire a déjà été publié) et le dessin de l’objet. À partir de cette base, il est possible d’accéder à deux autres tables : la première (Autres exemplaires du type) renvoie à l’ensemble des exemplaires de ce type et la troisième (Illustrations du type) consiste en une planche de la totalité des dessins de ce même type.

 

Les conclusions générales de l’auteur sur l’étude des céramiques d’usage quotidien à Thasos au IVe siècle sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, Francine Blondé rappelle l’apport de l’ouvrage pour la détermination des origines. En effet, même si aucune découverte d’atelier ne corrobore, dans l’état actuel des connaissances, l’hypothèse d’une production locale de céramiques communes au IVe siècle à Thasos, plusieurs indices permettent toutefois d’avancer dans ce sens : cohérence des données chimiques, concordance entre la composition chimique des céramiques présumées thasiennes avec les argiles et la géologie de l’île, preuves archéologiques d’une fabrication locale d’amphores et découvertes, sur certains secteurs de la ville, de quelques ratés de fabrication et de surcuits.

La prudence de l’auteur vis-à-vis de la mise en parallèle de l’étude des céramiques et de l’histoire est à noter ; via deux exemples (la guerre du Péloponnèse et la montée en puissance de la Macédoine au cours du IVe siècle), son « étude permet (…) d’illustrer l’opinion, maintenant généralement admise, mais encore rarement prouvée, que la réalité céramique ne reflète qu’à grand peine l’histoire événementielle » (p. 198). On retrouve cette même prudence dans le cas de l’étude du commerce « tant qu’on ne sera pas en mesure de séparer le matériel attique et local à vernis noir, et d’avoir une idée assez précise de leurs proportions respectives, tant qu’on ne saura pas identifier avec sûreté toutes les céramiques “pseudo-attiques”, le discours sur la circulation demeurera peu fondé » (p. 201).

 

L’auteur a effectué un important travail de typo-chronologie associé à la détermination des origines des céramiques au moyen des analyses en laboratoire et des recherches sur le terrain. Cet ouvrage se distingue par son apport considérable à la compréhension de la céramique de Thasos en particulier, et de la céramique en Grèce au IVe siècle en général, sur plusieurs points précis :  la chronologie (des productions présumées thasiennes et des céramiques à vernis noir attiques), la présentation d’un faciès céramique d’un site en dehors de l’Attique et, ainsi que le souligne l’auteur, une meilleure compréhension des relations commerciales et du fonctionnement de l’artisanat à l’échelle d’une région. Il est également important de souligner la qualité et l’efficacité de la présentation de la classification, claire et d’utilisation simple, ainsi que l’intérêt de la base de données de format numérique pour les céramologues qui travaillent aussi bien à Thasos que dans le monde grec ou sur tous les chantiers susceptibles de livrer un matériel comparable. On regrettera, toutefois, l’absence de planches récapitulatives regroupant les céramiques suivant le découpage chronologique ou, du moins, suivant les deux contextes qui ont fait l’objet de comptages ; ces planches auraient ainsi permis d’illustrer et de résumer la classification.