Seidel, Yvonne : Künstliches Licht im individuellen, familiären und öffentlichen Lebensbereich, kartoniert, 29,7 x 21 cm, 287 S., zahlr. Abb. im Text, CD-Rom-Beilage, ISBN 978-3-85161-017-8, 69 Euro zzgl. Versandkosten
(Phoibos Verlag, Wien 2009)
 
Reviewed by Patrizia Birchler Emery, Université de Genève
 
Number of words : 1668 words
Published online 2011-03-28
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=832
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          Dans cet ouvrage, une thèse soutenue à Jena en 2009, l’auteure s’essaie à donner un aperçu complet de l’utilisation de l’éclairage artificiel dans l’Antiquité, dans le contexte privé aussi bien que dans le domaine public, en considérant pour la première fois les différents aspects de la vie quotidienne, ceci dans un cadre topographique et géographique relativement large (monde gréco-romain, des Minoens à l’Antiquité tardive).

          Il n’est en fait que très peu question du monde grec protohistorique, si ce n’est pour mentionner que les Minoens comme les Mycéniens utilisaient différents types d’objets pour s’éclairer, le point fort de l’étude étant situé à l’époque impériale romaine ; quant à l’Antiquité tardive, quelques exemples seulement sont évoqués, afin de donner une idée de ce que sera le développement ultérieur de l’éclairage artificiel.

 

          Dans son introduction, l’auteure mentionne encore que la plupart des publications portant sur les lampes sont des études typologiques et chronologiques, les études mettant en relation l’éclairage artificiel et l’architecture, de même que celles s’attachant à leur fabrication et leur commercialisation étant beaucoup plus rares.

 

          Quelques mots sur la méthode de travail : le matériel utilisé est formé uniquement d’objets témoins de l’éclairage artificiel en contexte. De nombreux aspects de l’éclairage dans la vie quotidienne ont été pris en compte, dans les différentes couches sociales, en  privé et en public, dans des circonstances particulières (naissance, mort, navigation, domaine militaire, etc.), mais les témoignages d’utilisation d’éclairage en contexte cultuel n’ont pas été utilisés, car la symbolique et la fonction de cette illumination semblaient trop éloignées du simple souci d’éclairer. En effet, l’auteure s’est surtout intéressée à l’analyse des lignes de développement des objets et types d’éclairage, ainsi que de leur utilisation dans la pratique quotidienne. Elle cite aussi abondamment les sources et dans une moindre mesure l’iconographie antiques pour appuyer son analyse.

          Un problème majeur de la méthode appliquée, souligné dès le début par Yvonne Seidel, est constitué par ses limites : l’étude ne peut utiliser que les objets qui ont survécu (terre cuite, métal, verre), tandis que les torches, bougies et autres supports en matière périssable ont disparu. Les objets en bronze eux-mêmes n’ont pas échappé aux méfaits du temps, puisqu’ils étaient souvent refondus. Un autre problème est posé par le caractère incomplet des inventaires des contextes domestiques : en effet, ceux-ci dépendent de la manière dont un édifice a été abandonné (catastrophe soudaine ou abandon graduel). De plus, certains comptes rendus de fouilles ne sont pas explicites quant à l’endroit exact des trouvailles de lampes ou autres objets d’éclairage.

 

          Le livre comporte les parties suivantes :

I. Équipement domestique (cette partie est complétée par un CD-ROM présentant par ordre alphabétique un catalogue des sites avec lampes trouvées en contexte, de l’époque archaïque grecque à l’époque impériale romaine, avec plans des édifices et illustrations des objets)

II. Aspects de la vie individuelle (naissance et anniversaire, mariage, rites funéraires)

III. Domaine public (éclairage des rues, complexes thermaux, jeux et spectacles, auberges et restaurants, bâtiments de réunion, éducation, vigiles

IV. Éclairage dans le domaine militaire et dans la navigation (signaux lumineux – information et tactique –, phares, éclairage de bateaux)

V. Monde du travail (pêche, mines)  

VI. Lumière et illumination dans le contexte de l’aristocratie  

VII. Objets d’éclairage avec signification particulière

  

          Certaines parties sont plus développées que d’autres (l’étude des phares dans l’Antiquité par exemple), d’autres sont très brèves, faute d’informations à exploiter (éclairage artificiel pour la pêche, par exemple) et de nombreux excursus sur des classes particulières d’objets sont insérés dans des discours plus généraux (lampes et supports de lampes décorés, p. 41-57, dans l’étude des lampes trouvées en contexte dans des demeures d’époque romaine ; torches, p. 82-84, après la présentation de l’éclairage artificiel dans le contexte du mariage ; statuettes de lanternarii, porteurs de lanternes, p. 94-100, dans le chapitre sur l’éclairage des rues).

 

          Dans la première partie, sont passés en revue dans un ordre chronologique les sites où les contextes de fouille ont livré des objets d’éclairage : 24 sites, de la Grèce à l’Italie romaine, en passant par l’Asie Mineure, la Grande Grèce, l’Afrique du nord et les provinces romaines.

          Beaucoup de sites ont dû être laissés de côté, car les publications ne prennent pas ou peu en compte le petit matériel (sauf s’il peut aider à la datation), ou en raison de la difficulté, sur la base de la publication, à mettre en rapport les découvertes et le lieu exact d’où elles proviennent. Enfin, comme la fonction des salles des maisons n’est pas toujours sûre, cela crée une difficulté supplémentaire pour interpréter l’utilisation de lampes dans l’espace domestique. Les conclusions et les interprétations quant à l’utilisation des lampes dans les différentes parties des maisons restent donc assez limitées.

 

          L’excursus qui suit traite des lampes et supports de lampes décorés (trépieds, candélabres, lychnophores), présentant un résumé des différentes formes qui existent, leur chronologie et leur lieu de production. Le dernier chapitre de cette première partie traite ensuite de l’éclairage au symposion.

 

          La deuxième partie présente les occasions particulières de la vie privée où l’on utilisait l’éclairage artificiel: naissance et anniversaire, mariage, rites funéraires, surtout dans le monde romain.

 

          Quant à l’étude de l’éclairage artificiel dans le domaine public (3e partie), elle comporte des chapitres de longueurs très inégales sur l’éclairage des rues, l’illumination des complexes thermaux, des jeux et autres spectacles, l’éclairage des auberges, des bâtiments de réunion, dans le contexte de l’éducation, et l’éclairage utilisé par les patrouilles de vigiles. Le point fort pour l’étude est à nouveau constitué par la Rome impériale, les sources, aussi bien littéraires qu’archéologiques étant plus nombreuses pour cette époque. Conformément à ce qu’elle annonce en début d’ouvrage, l’auteure n’évoque pas l’éclairage en milieu cultuel (temples, par exemple). Le texte est à nouveau émaillé de nombreux excursus (propagande visée par les mécènes organisant les jeux, p. 143, lampes « magiques », p. 144, fonctionnement des cohortes de vigiles à Rome, p. 162-164). Si certains thèmes étudiés n’apportent finalement pas grand-chose à la problématique, d’autres, comme l’éclairage des rues, permettent de déceler l’évolution de l’utilisation de l’éclairage artificiel, liée aussi au développement technique (lampes en verre de l’Antiquité tardive), économique et urbain, et de mieux définir la complémentarité public-privé dans ce domaine particulier.

 

          La quatrième partie étudie dans le détail, en citant de nombreux textes antiques, l’utilisation de l’éclairage artificiel dans le domaine militaire et celui de la navigation. Les signaux lumineux (torches, lanternes, bûchers) ont été utilisés pour transmettre des messages à travers toute l’Antiquité, même si les informations ainsi transmises restent assez basiques ; les textes montrent qu’on a essayé d’améliorer le système en établissant des codes ou des systèmes alphabétiques, qui ne semblent pourtant pas avoir eu beaucoup de succès, en raison de leur complexité ou de la difficulté à les mettre en œuvre. Tous les aspects d’utilisation tactique de l’éclairage de nuit (ou de son absence) sont évoqués ensuite.

 

          Le chapitre présentant les phares étudie les édifices qui sont sûrement (ou pourraient être)  des phares sur la Tabula Peutingeriana, l’iconographie des phares (surtout sur les sarcophages et mosaïques romains), ainsi que les restes architecturaux sûrement identifiables comme des phares (Alexandrie, La Corogne, par exemple), afin d’en mettre en évidence le développement et la fonction. Après une brève évocation de l’éclairage dans le contexte de la navigation, l’ouvrage présente, au sein de sa cinquième partie, l’utilisation de l’éclairage artificiel en contexte professionnel, essentiellement le travail minier.

 

          Les deux dernières parties sont  plus réduites que les autres et traitent, l’une, de l’éclairage dans le contexte aristocratique et impérial, l’autre, des lampes figurées qui pourraient avoir joué un rôle comme vecteurs de l’idéologie de l’État (ou autre).

          L’étude de l’illumination dans le contexte du pouvoir montre qu’elle n’est pas limitée à la nuit,  car elle sert à traduire une métaphore de la lumière liée à l’idéologie des souverains et probablement importée d’Orient par l’intermédiaire de l’Égypte hellénistique.

 

          Quant à la dernière partie, il s’agit d’une brève présentation de types de lampes figurées dont l’iconographie (portraits de la famille impériale, victoires, symboles de paix et bien-être, diverses divinités) amène à penser qu’elles auraient pu participer à un programme très large de diffusion de l’idéologie impériale.

  

          Dans sa conclusion, l’auteure relève le caractère dispersé des témoignages utilisés et les nombreuses incertitudes qui leur sont liées, tout en ayant l’impression qu’au final, elle a tout de même atteint son but, à savoir donner une impression globale des différentes possibilités d’utilisations de l’éclairage artificiel, dans les domaines public et privé. Elle souligne ensuite les domaines qu’elle n’a pas développés dans le cadre de sa thèse, mais qui mériteraient des recherches plus approfondies, comme les centres de production et les relations commerciales, ainsi que certains types de lampes complètement négligés. Elle propose également la création d’un corpus iconographique de représentations antiques d’objets d’éclairage, qui serait très utile pour les recherches futures. Elle suggère aussi d’analyser plus en profondeur le lexique de l’éclairage dans les sources, afin de constituer des points de repère pour le classement et le développement des objets et de leur utilisation. Finalement, toute l’analyse des très nombreux aspects de l’éclairage artificiel dans le domaine cultuel reste à faire.

 

          Si l’ouvrage donne effectivement une vision générale de l’éclairage artificiel dans l’Antiquité et en approfondit certains aspects, on déplore cependant l’absence totale d’une bibliographie (on trouve seulement en début d’ouvrage, p. 12, une liste des abréviations pour un certain nombre de publications – presque toutes émanant de fouilles), ce qui oblige à relire chaque chapitre pour la constituer. De même, on regrette l’absence d’une ordonnance thématique de la liste des sources en fin d’ouvrage, simplement divisée ici en « textes grecs » et « textes romains ». La présence de ces deux éléments, nécessaire vu le caractère très diversifié du livre, aurait permis que ce dernier constitue un manuel véritablement consultable.