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Compte rendu par Amélie Le Bihan, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Nombre de mots : 1242 mots Publié en ligne le 2010-01-25 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=916 Lien pour commander ce livre
Cet ouvrage est tiré d’une thèse de doctorat portant sur le monnayage des cités de Bérytos et Héliopolis. Le cadre chronologique de cette étude se place entre 81/80 av. J.-C., début de l’ère de l’indépendance de Bérytos, et 260 ap. J.-C., qui marque l’arrêt définitif des monnayages des cités d’Orient. Ces monnaies constituent une source d’informations importante, parfois même unique, sur les cités émettrices. Elles reflètent en effet leur statut politique, et renseignent aussi sur les changements historiques à l’échelle régionale. On peut également en retirer des indications de grande importance sur le statut économique des cités, leur activité économique et commerciale et celle de leur région grâce à la production monétaire, son rythme et son volume, ainsi qu’à la circulation monétaire à l’échelle régionale. Les types ou images monétaires placés au revers des pièces sont d’autre part très riches en indications sur les particularités religieuses des cités, leurs divinités tutélaires et la mythologie locale. Ils représentent également des monuments locaux, religieux ou civils, dont l’existence n’est parfois connue que par ces monnaies.
Le présent ouvrage se compose de trois parties. Le catalogue des monnaies de Bérytos et d’Héliopolis en constitue la première partie. La deuxième partie comprend, pour chacun des deux monnayages, des commentaires numismatiques et des études détaillées sur le rythme et le volume de la production, les particularités des émissions, la circulation monétaire, la métrologie et les dénominations. La 3e partie donne une étude historique de ces monnaies. Les émissions de Bérytos et d’Héliopolis sont systématiquement étudiées en relation avec les événements historiques, ainsi que celles des villes d’Arados, Marathos, Orthosia, Césarée du Liban, Tripolis, Botrys, Byblos, Sidon, Tyr et Chalcis du Liban. Leur analyse apporte des indications nouvelles sur plusieurs points controversés de l’histoire de la Phénicie hellénistique et romaine.
La première partie de l’ouvrage est consacrée au catalogue des monnaies étudiées. Le catalogue est constitué à partir d’un corpus de monnaies connues de Bérytos et d’Héliopolis. Le corpus des monnaies de Bérytos comprend au total 3259 exemplaires en bronze, issus de 509 coins de droit et 1239 coins de revers au moins. Les exemplaires appartiennent à 48 émissions, réparties sur une période de près de 350 ans entre 81/80 av. J.-C., date de l’autonomie de Bérytos et s’achève avec la capture de Valérien Ier par le roi perse Sapor en 260 ap. J.-C. Le monnayage d’Héliopolis est constitué de 8 émissions, totalisant 861 exemplaires. Ce corpus a été constitué à partir de monnaies conservées dans des collections publiques et privées examinées sur place par l’auteur, dans des collections publiées, et de monnaies provenant de fouilles archéologiques.
La deuxième partie comprend, pour chacun des deux monnayages, des commentaires numismatiques et des études détaillées. La monnaie sert à simplifier les transactions commerciales ; pour qu’elle remplisse bien ce rôle, il faut que sa valeur (sa dénomination) soit reconnue sans difficulté. La méthode adoptée dans cette étude consiste d’abord à déterminer les dénominations des différentes émissions en tenant compte simultanément de trois critères : diamètre, poids, type.
Cette étude permet de déceler les différents changements qu’ont subis les systèmes monétaires des deux cités, afin de répondre à plusieurs questions sur la continuité des systèmes monétaires ou de leur évolution.
La 3e partie donne une étude historique de ces monnaies. En effet, on dispose de peu d’informations sur l’histoire de Bérytos et d’Héliopolis pour l’époque qui va du début du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au milieu du IIIe siècle ap. J.-C. Ce manque est notamment dû à leur quasi-absence dans les sources classiques. La 3e partie du livre est donc consacrée à retracer l’histoire des deux cités au cours de cette période à partir des informations livrées par les monnaies. On y retrouve la discussion sur le classement, les dates et les occasions de frappe de leurs émissions ainsi que les questions historiques, stylistiques et typologiques. Ces données sont ensuite confrontées aux événements historiques, à l’étude de l’activité monétaire et des types monétaires à l’échelle régionale, de manière à distinguer les caractères originaux de ces deux cités par rapport aux autres cités de Phénicie.
La base de données sur les autres cités phéniciennes utilisée dans cette étude peut être divisée en deux ensembles. Le premier se base sur le corpus des monnaies des villes comprises dans le projet initial de la thèse de l’auteur : Orthosia, Césarée du Liban, Tripolis, Botrys, Byblos et Chalcis du Liban. Le deuxième ensemble se fonde sur les catalogues publiés des principales collections publiques et privées, notamment sur le gigantesque corpus des monnaies de la Phénicie préparé par H. Seyrig, mais inédit, pour les villes d’Arados, Marathos, Sidon et Tyr.
Les listes qui reflètent l’activité monétaire de ces cités ne sont nullement exhaustives mais elles constituent tout de même une source de renseignements non négligeables, la plus abondante qu’on puisse rassembler dans l’état actuel des études numismatiques. Les monnaies de ces différentes villes sont utilisées comme parallèles mais aussi pour placer les émissions bérytaines et héliopolitaines dans leur cadre historique et typologique régional.
Cette étude historique est divisée chronologiquement en 6 chapitres : la fin des Séleucides (83-64 av. J.-C.) ; le passage sous l’hégémonie romaine et les guerres civiles de la fin de la République (64-3 av. J.-C.) ; l’époque d’Octave/Auguste (30 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.) ; le Haut-Empire de Tibère à Commode (14-193 apr. J.-C.) ; l’époque des Sévères (194-217 apr. J.-C.) ; le troisième siècle apr. J.-C. de Macrin à Valérien I (217-260 apr. J.-C.). À travers ces chapitres, l’auteur analyse tous les aspects de l’histoire de Bérytos et Héliopolis. Une des questions les plus délicates était la fondation d’une colonie romaine à Bérytos : les raisons qui ont conduit au choix de l’emplacement de la colonie, son territoire, sa relation avec la colonie d’Héliopolis et la date de l’indépendance de cette dernière. Cette problématique a orienté l’étude approfondie de ces deux cités colonies.
Cet ouvrage fondé sur un matériel numismatique aussi complet que possible apporte une contribution majeure à l’histoire des cités de Phénicie du Nord, traditionnellement connue par un nombre très limité de sources. De l’autonomie de 81/80 av. J.-C. à la fondation d’une colonie romaine en 15 av. J.-C. à Bérytos et aux relations de cette dernière avec la colonie d’Héliopolis, l’étude des monnayages est étroitement liée au contexte événementiel de ces deux cités. De même les émissions d’autres cités, telles Orthosia, Césarée du Liban, Tripolis, Botrys, Byblos, Sidon, Tyr et Chalcis du Liban, sont étudiées en contexte. Leur analyse permet de distinguer les caractères originaux de chaque cité et apporte des indications nouvelles sur plusieurs points controversés de l’histoire de la Phénicie hellénistique et romaine.
L’auteur donne des éclaircissements sur certains points obscurs de l’histoire de Bérytos. Certains auteurs ont pensé que la ville de Bérytos avait pu être gouvernée par les Ituréens, lors de l’extension de leur contrôle sur le nord de la Phénicie, comme Tripolis ou Byblos. Cependant, le reprise du monnayage de Bérytos en l’an 20 montre que cette cité est restée libre, comme Arados, Sidon et Tyr. De plus, la fondation d’une colonie romaine à Bérytos a souvent été expliquée par des raisons culturelles, stratégiques, géopolitiques, socio-économiques. Bien que ces raisons soient toutes défendables, le témoignage numismatique invite à penser que le critère socio-économique fut déterminant. Enfin, si le rythme des émissions monétaires atteste la vitalité économique de la Bérytos romaine, les dénominations du système monétaire témoignent aussi d’une certaine continuité avec la période pré-coloniale. Une autre question controversée soulignée par l’auteur est la date de l’indépendance d’Héliopolis. En étudiant le monnayage de la colonie d’Héliopolis, on remarque qu’il ne commence que sous Septime Sévère, en 194, et s’arrête définitivement vers 256/7. Son étude confirme donc la thèse selon laquelle Héliopolis serait restée une dépendance de Bérytos jusqu’en 194.
Cette publication détaillée permet d’avoir une vision aussi complète que possible des monnayages des deux cités phéniciennes. Doté d’un catalogue détaillé et d’une série de planches, cet ouvrage laisse entrevoir l’intérêt des études numismatiques et leur apport aux réflexions historiques de cette région.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |